Fin 2013, j’étais tombé fortuitement en consultant des archives informatiques sur des anomalies dans la passation de marchés publics de travaux. A l’époque le seuil au-delà duquel une procédure formalisée de marché était obligatoire était fixé à 15 000,00 euros HT. Fin 2012, puisqu’il lui restait des crédits disponibles, la direction des ressources immobilière (DRI) de l’université du Havre avait décidé d’utiliser ces fonds pour la réalisation de travaux, en l’occurrence l’aménagement de la clôture du parking de la faculté des sciences et techniques (ST2) et la création d’une rampe PMR côté cour de la faculté des lettres et sciences humaines (LSH). Ces deux facultés se trouvent sur le site Lebon. Un devis avait été réalisé par la société DAMAEL SA, mais celui-ci dépassait largement le seuil des 15 000,00 euros HT. La DRI a refusé de respecter la procédure obligatoire, prétextant l’urgence et le manque de temps pour utiliser les crédits, et a décidé d’effectuer ces travaux séparément en s’affranchissant des règles imposées par le Code des marchés. Deux nouveaux devis ont alors été fournis par la société DAMAEL SA, le premier portant le n° 1211563a (pour la rampe) d’un montant de 8 334,05 euros TTC et le deuxième le n° 1211563b (pour la clôture) d’un montant de 12 942,93 euros TTC.
Je précise que mon service, le pôle achats et marchés publics, s’était fermement opposé à cette procédure illégale, puisqu’il s’agissait sans aucune ambiguïté de « saucissonnage ». Cette pratique est formellement interdite (art. 27 du Code des marchés publics), car elle revient pour un acheteur public à contrevenir à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Le fractionnement illégal pour demeurer en dessous des seuils constitue un délit d’octroi d’avantage injustifié, plus communément appelé délit de favoritisme, puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000,00 euros d’amende (art. L.432-14 du Code pénal).
Hormis les peines encourues, les conséquences d’une telle pratique pouvaient être catastrophique pour l’université car les entreprises qui auraient pu candidater étaient en droit d’exiger des dommages et intérêts. Et l’université était encore sous tutelle du rectorat de Rouen à cette époque en raison d’un budget déficitaire.
Le dossier de ces travaux qui était détenu par mon service un certain temps avait mystérieusement disparu du bureau, mais heureusement les pièces comptables sont encore là pour témoigner de ce « saucissonnage » en bonne et due forme. D’abord les numéros des devis qui ne se distinguent que par une lettre, ensuite les bons de commandes qui se suivent (n° 9276 et 9277 du 29.11.2012 – Hors marché ?), et enfin les règlements qui ont été effectués à la même date et sous les mêmes références (mandat n° 2987, bordereau 285 du 900 visé le 14.02.2013). Et si cela ne suffisait pas, il est toujours possible de demander des copies des documents à l’entrepreneur.
Cet exemple n’est pas isolé et d’autres seront abordés dans les prochains jours. J’avais tenu cependant à rendre compte de ce délit manifeste par écrit le 25 janvier 2014 au président de l’université du Havre, Monsieur Pascal REGHEM, qui n’a rien fait par la suitte.