Il est intéressant d’attirer l’attention sur ce qui persiste à se manifester de la distance prise par quelques-unes de nos « élites » vis-à-vis des règles réputées encadrer la démocratie et le « vivre ensemble », rendre nos interactions les moins tendues et conflictuelles possibles.
Il est question à travers ces règles instituées, connues de tous, de créer les conditions d’une vie civile, d’une vie de citoyen, d’une vie de travailleur la moins exposée possible à l’arbitraire et à l’arrogance de celles et ceux qui jouent sciemment avec les limites du pouvoir politique, des limites floutées par l’illusion tout autant que par les jeux de miroirs médiatiques.
Nous connaissons tous et nous en éprouvons de la colère parfois, une certaine sidération, des situations flagrantes d’abus de pouvoir, de jeu de l’oie (de loi) dans lequel il est question pour celles et ceux qui tirent profit de leur place (hiérarchique, sociale, économique) de ne jamais tomber dans la case prison et de ne jamais voir leur volonté freinée par des règles qu’ils ne s’appliquent qu’à la condition expresse qu’elles leur apportent quelques avantages.
La question de la reconnaissance sociale ne joue plus qu’un rôle secondaire puisque dans leur esprit, elle est acquise et si elle ne l’est pas, c’est par méconnaissance, indifférence ou jalousie.
La reconnaissance est étroitement liée à leur personne comme effet de la relation en miroir qu’ils entretiennent avec une réalité instrumentalisée et focalisée sur leur seule existence.
Les voilà focalisés sur leur seule pensée, sur l’œuvre d’une vie dont ils répètent à l’envi (e) les faits marquants, l’effet qui marquent une histoire, la leur, le plus souvent petite, étriquée et étroite mais trop souvent aussi celle des personnes et des organisations qui peuplent leur environnement.
Les limites de cet environnement qui est le leur (mais aussi le nôtre) peuvent être, nous le vivons à l’échelle de nos pays, assez éloignées du centre pour accentuer les effets d’illusion de maîtrise qui accompagnent les pouvoirs narcissiques, une illusion alimentée par la propagande et l’effet de médias occupés à accentuer la perception du pouvoir et de son rôle central pour taire toute forme organisée et intelligente de contre-pouvoir.
Cela produit les effets d’une frustration, d’un impossible à la limite de l’impensable, d’une distance qui a pour conséquence première l’éloignement psychologique d’une majorité de citoyen, d’un centre perçu comme étant à la fois puissant et impuissant, fort dans la rhétorique et dans l’exercice du pouvoir politique, incapable d’être à la hauteur des enjeux d’une époque qui pourrait bien être le préambule à une triple catastrophe économique, écologique et politique, ; ces trois dimensions de la catastrophe se renforçant les unes les autres.
Alors évoquer la tolérance au vol, à la tromperie, à l’abus de pouvoir, à l’arrogance, au mépris de celles et ceux que nous avons élu, revient aussi, un peu, parler de notre existence, de nos lâchetés, de notre paresse, de nos indifférences, de notre incapacité croissante, à nous projeter dans un monde que nous aurions pu, que nous pourrions encore contribuer à travers nos actions, nos prises de pouvoir, à façonner, ensemble.
Cette critique du vide démocratique et de la vacuité citoyenne, subie plus que voulue, cela va de soi, privée aussi d’éducation et d’encouragement à la création collective, au jeu, vivant de la démocratie, ne vient pas rendre compte d’une résignation à subir et regarder les fissures du monde sans réagir, sans libérer la critique et l’action qui vient la justifier, après-coup.
Cela ne peut avoir lieu qu’à l’échelle de nos vies, dans nos environnements sociaux, empêcheur de penser en rond : déranger les certitudes, interroger les mimétismes et autres conformismes lorsqu’ils contribuent à rendre impossible l’expression collective d’une alternative, d’une autre voie, une volonté active de ne pas se laisser prendre au piège du « c’est comme ça » et du « c’est pour votre bien », de ne pas se laisser enfermer dans les pièges organisationnels et techniques qui s’ébauchent dans tous les compartiments de nos existences.