Bien des français peuvent être considérés comme victimes de traumatismes et de violences répétées, privées de la possibilité d'exprimer peur et souffrance jusqu'à en provoquer l'inhibition et produire les effets d'une anesthésie.
Je pense ici aux effets de sidération ou d'habituation qui interviennent dans le cours des actes de violence dirigés contre un sujet lui-même en position de faiblesse et de vulnérabilité.
Ces français sont pour certains des électeurs de l'extrême-centre incarné par la figure tutélaire d'un président protecteur et omniscient.
Il est possible de faire l'hypothèse que la période de la pandémie aura constitué un tournant, une étape aussi inattendue qu'inespérée sur le chemin d'un conditionnement collectif à l'obéissance inconditionnelle et à la régression à une identité d'infans en attente de protection physique et de paroles cadrantes. Nous avons tous été soumis à un cours d'éducation canine renforcé avec apprentissage de comportements capables de garantir notre respect du chemin collectif à emprunter, tracé par un leader éclairé.
Dans le champ politique, il est aujourd'hui impossible de ne pas se souvenir et revoir, l'image peut être obsédante, la figure d'un futur président et d'un président élu, ivre de sa propre parole et de sa propre image, allant jusqu'à grimacer et hurler un "C'est notre projet !" ; emmené dans son élan par une foule en fusion, heureuse d'avoir enfin trouvé son sauveur, son leader.
Un phénomène d'emprise s'est installé au cours des 7 dernières années avec le renvoi de l'idée qu'il est impossible de faire tomber voire même d'inquiéter celui qui semble bien décider à occuper la place jusque 2027.
Il n'est pas rare actuellement de rencontrer des électeurs évoquant avec effroi le péril d'une gauche extrême, la peur d'une politique qui est pourtant dirigée vers celles et ceux qui ont le plus perdu pendant 7 ans.
C'est un peu comme s'ils souhaitaient pouvoir souffrir encore quelques années et plus si d'aventure, le macronisme pouvait trouver à se réincarner. Cette posture masochiste inquiète et rend la victoire du Front Populaire improbable, à moins que la campagne évoque ce phénomène pour mieux en dénoncer l'instigateur substituant à la peur un doute salvateur.