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Billet de blog 20 janvier 2024

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Le réarmement par le travail

Le réarmement comme slogan politique semble devoir s’appliquer à toutes les sphères de notre existence, de la reproduction sexuée à la production industrielle d’armement en passant par l’intériorisation de valeurs morales prescrites par l’exécutif.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'actualité que nous aurions pu qualifier de brulante en d’autres temps est chroniquement marquée par quelques actes politiques dont le seul objectif semble consister à rendre la vie du citoyen sans autre histoire que la sienne, impossible : toutes les sphères de la vie sont contaminées par l’idéologie mortifère d’un utilitarisme néo-libéral de plus en plus autoritaire.

La démocratie y est réduite à la seule expression d’une frange minoritaire de l’électorat, celle dont la fidélité au vote traduit l'intérêt à ce que l’ordre injuste qui prospère se fige.

L’intérêt individuel est au centre de toutes les décisions politiques du moment.

Nous l’avons entendu, cela est répété à l’envi : l’effort collectif est la somme de l’effort de tous et s’il faut aller jusqu’au sacrifice individuel : cela importe peu. En période de guerre on ne compte que les morts, pas les vivants dont la subjectivité est invitée à s’effacer devant le devoir d’obéissance au chef.

Le réarmement comme slogan politique semble devoir s’appliquer à toutes les sphères de notre existence, de la reproduction sexuée à la production industrielle d’armement en passant par l’intériorisation de valeurs morales prescrites par l’exécutif.

Le réarmement par le travail

Le temps du réarmement invoqué par l'actuel locataire de l’Élysée suppose une mise au travail de production et de reproduction de citoyens au service de l'intérêt supérieur de la nation, un corps politique dont ils sont à la fois parties prenantes et constituantes.

Nos destins sont désormais guidés par celui d'une nation dont il convient de préserver la grandeur. Cette fin suppose autant de conditionnements et d'obéissances, de soumissions à un ordre des choses auxquelles nous sommes invités à nous plier individuellement et collectivement.

Le travail en lui-même, qu'il soit productif ou reproductif doit s'agir pour la plupart d'entre nous en dehors de toute pensée, de toute réflexion, de toute possibilité d'inflexion et adaptation.

Valides et handicapés nous sommes ainsi dans l'obligation de faire avec une conception instrumentale du travail, un travail qui vient nous domestiquer et nous instruire de la vanité de tout raisonnement et de toute critique individuelle.

Le travail comme action, comme répétition fût-t-elle marquée par le poids des ordres et des prescriptions, contribue à conditionner un réflexe obéissance individuelle et collective.

La résistance d'une partie des citoyens à ce conditionnement par l'action du travail, à la transformation des demandeurs d'aide sociale en travailleurs sans sans salaire, au maintien dans l'emploi des salariés les plus âgés, à l'obligation faite à la jeunesse de se plier aux règles autoritaires et mortifères d'un travail "quoi qu'il en coûte" : tout cela témoigne de la persistance d'une tension et en arrière plan d'une capacité encore vive de penser et d'envisager la vie en dehors des cadres autoritaires et directifs que d'aucuns souhaiteraient nous imposer "le plus vite possible".

Si l’utilitarisme dirige le monde, nous sommes devenus les utilités d’une minorité et nous inscrivons nos existences à l’intérieur d’un système dans lequel nous n’avons absolument plus aucune autorité. Chacun d’entre nous à des degrés divers, participe à son installation dans une existence commune réduite aux acquêts, sociaux, politiques, et sous emprise numérique.

Nous sommes tous embarqués dans la folie d’un monde dans lequel nous ne sommes pas très loin du « rien » dont se gaussait l’actuel locataire de l’Élysée. Le spectacle des « riens » qui s’agitent dans une gare semblaient alors l’avoir conforté dans l’idée qu’il y a ceux qui agitent et orientent et ceux qui se meuvent dans un espace public sous contrôle, lieu de passage sous surveillance numérique, entre lieux de travail, lieux de production et de reproduction.

Notre vie, nos heures, nos minutes, nos jours, nos semaines et nos années de cotisation sont désormais préemptés par un pouvoir politique soucieux de mettre au travail et de gouverner la sphère privée de citoyens au service de ce que notre actuel président de la république appelle « quelque chose de plus grand que nous ».

Utilités nous sommes des ressources pour l’avenir, des ressources productives dans un environnement concurrentiel, des ressources à consommer dans un monde qui semble chercher la clé qui permettra à l’humanité de continuer à se perdre dans une guerre totale.

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