Prophéties autoréalisatrices
« Effet pygmalion », autant d’évènements annoncés, d’évènements annoncés qui viennent s’inscrire dans le réel comme par effraction, fatum. De l’information devenue factuelle qui crée les conditions de sa propre reproduction, le fait et l’information du fait attendu pour ne pas dire escompté se rappelant l’un l’autre.
Petite rétrospective
2016
E. MACRON annoncé dès la fin de l’année comme « le » candidat bientôt élu. Tous les médias dominants, une partie de la classe politique, les centristes, viennent à l’incarner, « homme providentiel ». Souvenons-nous d’un Gérard Collomb énamouré ou avant lui d’un François Bayou, résigné à trouver dans la réincarnation de Louis-Napoléon Bonaparte ou Jean Lecanuet, la cheville bourgeoise de la mise en œuvre d’une politique résolument raisonnable, « centriste ».
2020-21
Le ou la Covid, véritable concentré de toutes les passions et folies humaines, occasion rêvée de tester les outils technologiques capables de domestiquer une majorité de citoyen et d’en dresser une majorité contre la minorité récalcitrante. Toutes les vagues puis la campagne de vaccination ont été annoncées entre trois et six mois avant de faire l’objet d’une campagne d’information le plus souvent anxiogène et culpabilisante jusqu’à devenir franchement menaçante à l’endroit de celles et ceux qui persistaient à s’interroger sur l’opportunité de ce déploiement d’une énergie politique au service des laboratoires.
2022
La réélection bien annoncée et organisée du maître de l’Elysée. Votes utiles, votes « barrage », votes de raison, confiant en la capacité de l’Elu à créer les conditions d’un mariage des hommes et femmes politiques « raisonnables ». Chroniques lancinantes d’un pouvoir menacé, puis paradoxalement renforcé par la minorité de l’assemblée nationale. L’exécutif concentre désormais tous les pouvoirs n’ayant plus besoin de faire semblant de consulter « ses » parlementaires.
2023
La réforme paramétrique des retraites, plan « B » après l’abandon d’un projet plus juste eût-il été avait abouti tout aussi marqué par le sceau d’un ascendant politique suffisant et autoritaire. Nous nous sommes retrouvés début mars devant un nouveau projet déjà éprouvé en 2010 de report de l’âge minimum légal de départ à la retraite. Il était question d’économiser les ressources et d’accroître les recettes produites par le travail des salariés-cotisants. Cette « réforme » aura permis à tout un chacun d’être au clair avec les conditions dans lesquelles il peut être amené à « prendre » sa retraite. Une retraite qui n’en est désormais plus tout à fait une avec l’extension du droit à occuper une activité salariale complémentaire, le plus souvent dans l’attente d’une retraite à taux plein acquise à 67 ans. Le 49.3 a manqué de ne pas passer, à pas grand-chose, de ces fils qui tissent peu à peu la trame d’un régime autoritaire. Il y a eu là, tout de même quelque chose de l’ordre de l’effet de surprise pour un exécutif gavé de certitude quant à sa capacité à forcer le parlementarisme et au-delà de leurs représentants, des citoyens qu’il convient de sidérer pour neutraliser toute volonté de lier volonté de changement et action capable de produire ce changement, à commencer par le simple fait de se déplacer pour aller voter.
2024
Michel FEHER nous propose dans un article publié sur le site d’AOC, la chronique d’une élection américaine dont il considère l’issue comme pour ainsi dire annoncée. Il n’évoque jamais la possible disparition du candidat républicain ni même tout simplement l’hypothèse de son échec aux primaires. Le regard que les intellectuels jettent sur les hommes politiques autoritaires semble devoir s’abstenir de toute considération concernant leurs possibles vulnérabilités, les situant à distance de tout destin commun, le leur semblant « tracé ». Le simple fait de se placer dans un au-delà de l’élection, anticipation d’un évènement projeté et d’une certaine manière attendue, crée les conditions, ne nous y trompons pas du retour de D. TRUMP au pouvoir.
Puisque nous sommes en fin d’année 2023, relevons rapidement quelques élections annoncées, les opposants aux « hommes forts » étant apparus au fil des commentaires et des projections en demi-teinte comme des personnalités ne disposant pas des atouts nécessaires à leur élection. Ainsi le maintien au pouvoir de Reycep Tayyip ERDOGAN ou l’accession à la présidence de l’Argentine de Javier MILEI. Le second incarnant à merveille un libéralisme économique débridé dont l’occurrence aurait pu être évité dans un pays qui semble promis à la succession de chaos économiques et de chaos politiques.