Je viens d’achever le visionnement d’une émission d’arrêt sur image consacrée à Mayotte et mettant en lumière ce qu’il est convenu d’appeler ici l’incurie d’un Etat dont les failles sont béantes, tant politiques que politiciennes. (https://www.arretsurimages.net/emissions/arret-sur-images/catastrophe-a-mayotte-nous-sommes-face-a-une-guerre-des-chiffres)
Je m’étonne de la retenue des intervenants ; la journaliste essayant à plusieurs reprises de faire sortir les émotions de deux témoins distants du drame, un ancien journaliste, métropolitain, de Mayotte et une mahoraise de métropole.
Rien ou pas grand-chose.
Les milliers de morts : pas grand-chose. Il faut dire qu’avec Gaza et ses 200 000 morts, Marioupol et ses 50 000 morts, il est plus simple de faire comme si rien ou presque ne s'était passé et que les dégats ne sont que matériels. Difficile en effet de considérer qu'en l'état, ce ne sont ni les israéliens ni les russes qui ont été à la manoeuvre : la nature, dans sa violence la plus brute et face à elle, des technocrates, vides et impuissants, incapables de nommer le mal pour pouvoir se mesurer à ses conséquences autrement qu'en paroles.
Dans le même registre, il n'est qu'à considérer le traitement médiatique des 150 000 morts du charnier de Damas : discret, à la mesure de l'impuissance militaire et politique des nations occidentales depuis le franchissement sans la moindre conséquence, de la ligne rouge tracée par l'administration américaine et qui menaçait de représailles tout usage d'armes chimiques du pouvoir Syrien.
L'algorithme de Youtube m'a permis de prendre connaissance de ce reportage d'un journaliste de Channel 4. (https://www.youtube.com/watch?v=eevV8cuxpJY&t=2s&ab_channel=Channel4News)
La posture absurde et dérisoire des technocrates de l’île : « faire équipe » (E. MACRON), « mis en place un dispositif » (le Préfet). Nous n’en sommes plus là, même pas, à nous inquiéter de la médiocrité de nos « représentants », élus ou non élus.
Désespérant de médiocrité intellectuelle et d’insignifiance morale, indice d'une incapacité à penser le drame, à le nommer, à en dresser le tableau, à en convoquer les victimes, innombrables ; distance de celui qui se tient loin du réel pour ne pas s’affronter au tragique de l’histoire, convoqué à plusieurs reprises depuis 2015.
Voilà qu’à mon tour je convoque l’indignation.
Est-ce l’effet du temps et le spectacle de sa (ma) propre impuissance à agir en amont des décisions politiques subies ? Est-ce l’idée selon laquelle seule l’action politique peut corriger la trajectoire collective qui est celle de nos sociétés occidentales contemporaines ?
Trajectoire collective dirigée par l’esprit du temps de l’adaptation et du consentement aux drames.
Trajectoire collective que la perspective du chaos et de la survenue d’autres malheurs ne semble pas pouvoir freiner et entraver.
Trajectoire collective, pensée et guidée par l’esprit malade de quelques individus ivres des pouvoirs politiques qui leur auront été confiés, ironie du sort, par la voie démocratique.