Tout comme pour certains auteurs, l'horizon du néo-libéralisme est une forme de communisme privé avec ses monopoles et ses clients-citoyens captifs, il est possible de penser le numérique et ses avatars immatériels et numériques comme conditions nécessaires à l'avènement d'une société dont les comportements sociaux se réduiraient à des conduites de consommation rendues prévisibles à grand renfort d'algorithmes.
L'uniformisation numérique est déjà en route à travers ses objets (la Tesla en constitue une belle illustration tout comme les MG chinoises et autres BYD) et ses "outils" réputés nous faciliter la vie et accroître l'intensité productive du travail, sous toutes ses formes, y compris sa déclinaison domestique.
L'usage et l'abus des plateformes numériques qui tendent à coloniser nos espaces physiques et psychologiques de travail concourent à notre épuisement somatique, à altérer nos cœnesthésies, à fabriquer des corps et des esprits douloureux et fatigués, des corps et des esprits vulnérables et influençables, dont la faculté de parler tend à se réduire à la répétition et la reproduction de paroles adaptées à des circonstances elles-mêmes anticipées et pré-pensées.
Il n'a jamais été autant question de "stratégies", de techniques de communication, de dialogues confinant au monologue, l'un et l'autre se répondant, avec pour seul risque, celui d'un décalage entre deux paroles réputées partager les mêmes présupposés, le même univers sémantique et les mêmes buts.
Ces outils sont conçus pour servir des pouvoirs politiques et économiques agissant en conscience à des fins de réduction de la part d'incertitude qui accompagne le vivant.
Ils sont au service du pouvoir temporel, politique et économique, et en aucune manière de tous les vivants qui peuplent un monde naturel dont l'Homme ne peut qu'altérer certaines propriétés parmi lesquelles celles qui rendent sa propre existence possible.
Gageons qu'au final, si les peuples ne consentent pas à sortir de la torpeur, de la soumission et de leur état d'instrument, la nature elle-même prendra le dessus sur une humanité fut-t-elle aidée dans sa lutte contre le réel par une intelligence artificielle qu'elle aura elle-même conçue, à son image, l'imprévisible en moins.
Le numérique est un outil au service d'un projet d'effacement du Sujet, de dissolution du désir et de tarissement de l'imaginaire.
Quant à l'intelligence, elle ne saurait se loger dans une machine fut-elle quantique.
Il n'y a d'intelligence que d'Homme même si nous pouvons nous désoler de la manière dont il s'emploie à en adultérer les fruits.