Depuis quelques jours, le débat autour de l’organisation de la gauche et de la NUPES fait de nouveau rage. Après les épisodes tumultueux du débat à l’Assemblée nationale sur les retraites et le refus des députés LFI de permettre l’examen de l’article 7 sur le report à 64 ans, après les propos de Fabien Roussel actant sa fin, la législative partielle de l’Ariège dimanche 2 avril a relancé, au sein du PS notamment, des échanges houleux, voire violents, entre socialistes.
Elu et militant socialiste, je fais partie de ceux qui regardent avec inquiétude et consternation la poursuite de la fragmentation de la gauche, corrélative de son affaiblissement. Et qui en ont assez que l’ensemble du débat politique à gauche tourne exclusivement autour de la NUPES : pour ou contre, dedans ou dehors.
En mai 2022, j’ai voté au sein du PS pour l’accord électoral que constituait la NUPES et je ne le regrette nullement. Dans le contexte post-présidentielle, cet accord –bien que bancal sur certains points comme souvent les accords politiques rapidement négociés- a permis à toute la gauche d’avoir une représentation parlementaire. Naturellement de sauver celle du PS et d’assurer celle des écologistes, mais aussi celle de LFI : sans cet accord, il est probable qu’ils n’auraient guère compté plus de parlementaires qu’en 2017. Je ne serai donc pas de ceux qui reprocheront aujourd’hui à Olivier Faure d’avoir bradé le PS à Mélenchon. Cet argument ne tient pas et participe à la violence actuelle du débat à gauche et entre socialistes.
Pour autant, personne n’a en 2022 signé pour que la NUPES soit l’unique cadre de travail, le passage obligé, de tous les débats à gauche. Encore moins pour qu’elle dicte les comportements de tous ses membres, LFI ou pas LFI : de quoi se mêle la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale quand elle dit qu’elle refuse que Martine Froger, élue dimanche dernier, siège au groupe socialiste ? Et ceux qui, comme je le fais, disent cela ne sont pas pour autant des traitres vendus à la solde de la macronie : cet argument, relayé depuis des jours et de manière plus forte depuis la partielle de dimanche dernier, est insupportable pour tous ceux qui sont restés au PS et à gauche quand les rangs se vidaient, précisément pour rejoindre Emmanuel Macron, à droite. J'ai défendu l'accord NUPES, je n’ai eu pour ma part aucune difficulté à défiler contre la retraite à 64 ans derrière une bannière NUPES, mais on a le droit, aujourd’hui, d’être de gauche sans être dans la NUPES : pour espérer reconquérir le pouvoir un jour –quel que soit celui ou celle qui portera les couleurs de la gauche- il faudra bien rassembler au-delà de ceux qui s’y reconnaissent aujourd’hui.
J’ai été abasourdi de la manière dont la partielle de l’Ariège a été gérée politiquement -notamment au Parti socialiste. Ce n’est vraiment pas la première fois que, dans le cadre d’un accord électoral national, des dissidences s’expriment. Jamais celle-ci n’ont été ainsi chauffées à blanc pour en faire un facteur de divisions, de fractures : investiture votée en conseil national du PS alors qu’à l’accoutumée, c’est le bureau national qui se prononce ; montée en puissance autour de cette élection comme si elle décidait de l’avenir de toute la gauche ; outrances à l’encontre de la candidate socialiste dissidente, alors même que son programme anti gouvernement est limpide et qu’aucun accord d’aucune sorte n’a été passé avec aucune force de droite ; communiqué agressif de la direction du Parti socialiste assimilant une socialiste de toujours à la droite et à l’extrême droite à l’issue de son élection ; utilisation de tweet de députés RN pour « prouver » la soi-disant collusion entre une candidate hors-NUPES et la droite etc.
Combien de fois dans le passé a-t on géré autrement des dissidences, en accordant à une partielle l'importance qu'elle mérite mais sans plus, en laissant la tension redescendre, avant de réintégrer le vainqueur dans ses rangs en expliquant aux partenaires que c’est aussi cela, la vie politique? Je rappelle juste que, si la règle selon laquelle le candidat de gauche arrivé second se retire au profit de celui arrivé en tête était appliquée de manière générale qu'on l'a entendu, Danielle Simonet n’aurait jamais dû se maintenir en juin 2021 contre Lamia El Aaraje dans la 15è circonscription de Paris… Elle l’a fait et n’a pas trié les voix qui lui ont alors permis de passer de 2437 voix à 5128, à 43% des suffrages exprimés. Elle siège aujourd'hui à l'intergroupe NUPES et qui s'en offusque? Personne. Attiser les tensions sur ce type de situations ne peut que les transformer en divisions : qui y a intérêt ? Personne.
Le sujet aujourd’hui n’est pas de sortir ou pas de la NUPES : elle existe à l’Assemblée nationale et s’écharper sur le sujet n’a aucun intérêt. Le sujet est de construire un cadre pérenne de débats, de travail, de reconstruction à gauche, en dépassant le cadre de la NUPES dont ce n’était pas l’objet. Les partis politiques de gauche, de LFI au PRG, doivent avoir l’intelligence de sortir de leurs combats de coqs pour définir, ensemble et sans chaperon auto-proclamé, une voie de rassemblement, faisant le constat de leurs convergences et assumant leurs différences, autour d’un projet social, écologique et républicain. L’élection européenne viendra donner une nouvelle image du rapport de forces à gauche, qui reste aujourd’hui celui du 1er tour de l’élection présidentielle. C’est de cela que les électeurs de gauche attendent que nous débattions. C’est cela qu’ils attendent de nous –pour ceux qui nous regardent encore…
Et, au vu de l’ensemble de ce processus, il faudra définir le cadre du meilleur rassemblement possible dans la perspective de 2027, pour que la gauche redevienne, ce qu’aucune de ses composantes ne peut espérer être aujourd’hui seule, une vraie alternative à la menace, réelle, que je touche du doigt tous les jours, de l’extrême droite.
Il est temps que chacun se calme et se parle.
Jean-François Debat
Maire (PS) de Bourg-en-Bresse
Membre du conseil national du Parti socialiste