J'ai rêvé du chat et puis des anarchistes. Lui revenait tranquille des brousses du sud-ouest et eux, confiants, fauchaient des têtus somnambules avec des idées claires. J'ai rêvé du félin, il dormait à mes pieds. J'ai rêvé des rêveurs, nous tous enfin chantions.
Nous avions mis la main sur quelques belles pâtures et déjà nous semions une insoumission fraîche. Au sortir des prisons, mille belles âmes endormies faisaient cas de nuances qu'il fallait apporter à nos visions solubles. Et nos enfants riaient, nous apprenions leurs rires. Les fruits de la confiance sur nos tables solides nourrissaient tant et plus que nous n'avions plus faim. Les stupides clameurs qui surchargeaient l'histoire s'évaporaient soudain.
Je disais nous chantions car nous faisions l'amour aux terres délaissées par la cupidité folle de ceux qui, bouches closes, avaient entaché l'aube de faux désirs plastiques. Et le chant était nu car nous-mêmes étions nus, de cette nudité douce qui n'impose aucun pas sur le sol foulé. Le chemin se donnait, ému et enthousiaste.
Chacune et chacun étaient indissociables d'un tout dans l'évidence du soin qu'il fallait prodiguer à chacune et chacun. Les sourires aux lèvres dans la force des efforts pour soulever le monde, nous aimions. Et nos enfants dansaient, nous apprenions leurs danses. Aux repas, un certain mangeait seul, nous le laissions à ses pensées dociles sachant qu'il reviendrait. Nous autres nous mangions sans hâte et doucement, nous échangions nos verres.
La dernière vraie fatigue nous faisait nous coucher sans la charge du temps.
Et nous allions rêver.
J'ai rêvé du chat et puis des anarchistes.