Quel boulot, mais quel boulot !
Pardonne-nous frère arbre, nous avons provoqué ta chute. Mais tu serais tombé de toute façon. Sans le vouloir, tu menaçais les hommes au dessus d'une de leurs routes. Pendant dix ans, j'ai repoussé le jour de te coucher. Majestueux, empereur placide, tu reposais un bras sur quelques valets serviables, petits arbres solides, et même ta main gigantesque qui frôlait le toit d'une cabane en dur semblait assoupie. Tel était ton état, penché et calme, patient.
Pardonne-nous frère arbre, nous t'avons disloqué. Nous avons taillé tes doigts, tes bras, ta tête, ton corps en entier. Nous avons fait des tas de tes habits et de tes membres et de ton tronc inébranlable. Tu gouvernes maintenant un autre monde, un autre ciel à ta portée. Tu vas nous chauffer longtemps, longtemps. Nous garderons souvenir de toi car nous avons laissé ton pied enfoui dans le sol et un demi mollet de deux mètres au dessus de la terre pour quelques oiseaux scrutateurs qui viendront s'y poser.
Merci frère arbre ! De nous pardonner !
Quel boulot, bordel, quel boulot !