si le masque ajusté
sur ton frêle visage
et qui cache ton rire
si le costume est mis
comme un poids sur ta peau
la couleur des tissus
si le chemin tracé
demande tes yeux fermés
dans l'espace de la scène
si la coulisse oblige
à la lueur servante
le doute du silence
si les filtres ajoutés
aux lumières du plateau
refoule ta nature
ainsi
si tout cela est
si tout cela te blesse
c'est qu'il y a un décor
où tes gestes se perdent
choisis donc ton théâtre
tes défroques et ton rire
aux larmes amères
mêlé
ton centre et ton lointain
là
au cœur
de notre comédie
funeste
tragique thème aux lèvres souriantes
là
où les fondamentaux
les pièges du diktat
les réflexes imposés par le censeur suprême
n'auront aucune emprise
dans ton feu déclaré
dans ce choix volontaire
dans cette beauté noble que l'on nomme la lutte
les cordes au cou du comédien félon
se déferont soudain
choisis donc ton théâtre
et ta voix
et ton souffle
et ton sexe
et son contraire
et là
là
respire
ami
respire
que ton destin
soudain pris d'une conscience vive
soudain
dans des draps épicés
à regarder le ciel que reflète la terre
sentant ta liberté
le juste choix du sang
qui bat dans ton regard
sentant le large et la longueur
de l'unité des choses
que ton destin
ou ce que tu nommes l'autre
te dise simplement
avec des mots si doux
qu'ils te parviennent à peine
mais
que ton cœur amplifie
dans le flux de tes veines
que ton destin te dise :
"ô que me suis-je trompé
belle âme
oui, me suis trompé
bonhomme,
mais c'est ma liberté"
et
va
et va
sur la grève froide du ventre de la vie
et cherchant la chaleur de la dune d'un sein
va
je t'absous
de suivre ma raison