Elle dit : - Combien de verres ai-je fracassé ?
Il répond : - Il y a le vase, aussi !
...
je ne sais pas
je ne sais plus
nous ne saurons jamais
les faits même nous ignorent
et les souvenirs
si lâches
qu'ils sont toujours ailleurs
je m'étais levé la tête entre mes jambes
et le sol au plafond
et les murs invisibles
et le parfum du vin
et l'air chargé des luttes que l'on offre à soi-même
le lit défait comme les hommes
quelques lumières coupantes
dont mes pupilles souffraient
obscurcissaient les marges
je cherchais mon tabac
la fumée donne contenance
elle renâcle la toux
bref
je cherchais le jour en moi
après les degrés de la nuit
réveil docile en somme
encore ensommeillé par l'absence de rêves
elle était là
elle était lasse
elle était là ma fée mon âme ma tasse
n'avait-elle point dormi
pour que de sa fatigue
sous ses yeux déguisés
je fasse si grand cas
les débris
je constatais la casse
le verre sous ses pieds nus
envahissait ma vue qui retrouvait son sens
le matin traversait mon espace
sa lumière en reflets
miroitant sur l'épars élargi des tessons
avant de découvrir le vase
une laideur en héritage d'un très lointain parent
enfin éparpillé en mille éclaboussures
avant donc
ce que je considérais comme enfin advenu
cherchant presque la pelle
le balai
la poubelle
je l'avais regardé
je l'avais regardé
pour lui dire
ce qui me venait brut
vivement à la bouche
lui dire
mes esprits recouvrés
ce qu'on dit à l'instant
dès qu'elle vous apparaît
dans sa sensuelle naissance
"je t'aime ma beauté"
et son sourire survint
dans le blanc de l'aurore
et quelques chants d'oiseaux
pour parfaire l'instant
me suis mis à penser
que
la raison de l'amour
au delà du funeste
doit avoir ses raisons
...
Elle dit : - J'ai fini la bouteille, aussi !
Il répond : - Je vais la ramasser !