Une demi-heure plus tard, l’autobus de piste avait ouvert ses portes et les avait transportés au bout – tout au bout – des aires d’embarquement, vers le DC8 de Nation’ Air. Ils avaient pris leurs places, et, plus bas dans la soute, les deux gros sacs partaient aussi. Les hôtesses vérifiaient d’un regard expert le bouclage des ceintures de sécurité. L’avion grondait au ralenti. Puis il y eut un mouvement, d’abord imperceptible, et une résonnance accrue dans l’habitacle. Le tarmac se mit à défiler lentement. Il jeta un œil à sa montre. 10h15. En bout de piste, immobile, l’avion tremblait du bout des ailes.
« Mesdames et messieurs, la compagnie Nation’ Air est heureuse de vous recevoir sur ce DC8 à destination de Montréal. La durée de notre vol sera de sept heures et trente minutes. Un service d’apéritif vous sera proposé au cours du voyage, ainsi qu’un repas chaud accompagné de boissons. Enfin, avant notre arrivée à l’aéroport de Mirabel, une collation vous sera offerte. Le Commandant Martin Deschanel et tous les membres de l’équipage vous souhaitent un agréable voyage ». Les réacteurs donnèrent toute leur puissance au décollage. Ça y était, ils étaient partis. Elle se disait que Mirabel était sûrement un aéroport qui devait ressembler à un verger, à un très grand jardin.
Il n’avait pas résisté à prendre la place près du hublot, c’était égoïste et il avait un peu honte. Il aurait dû lui laisser à elle cette vue ovale pour découvrir la terre, à travers le plexiglas rayé. Mais c’avait été plus fort que lui. Il la serrait tout contre lui, se contorsionnant pour qu’elle puisse regarder à l’extérieur. Et elle, elle se hissait sur le siège, tendant le cou, écarquillant les cils, pour voir ce qu’il lui disait de voir. Il était tout heureux de faire semblant de lui apprendre des choses. Un gamin. L’avion était maintenant haut dans le ciel et elle ferma les yeux, la joue reposant contre son épaule à lui. Elle avait un peu peur, toute cette ivresse de liberté et d’amour, tous ces changements soudains… Le commandant de bord chuintait en canadien dans le micro – des histoires d’altitude, de parcours, de survol et de météo. Tout ça pour eux. Hélices au pays des merveilles. Ils étaient blottis au fond de l’appareil, sérieux comme des papes dans leur bonheur, et leurs doigts s’enlaçaient sur l’accoudoir entre les deux sièges.