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Billet de blog 13 juillet 2023

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À BREST, LA MUNICIPALITÉ SOCIALISTE DÉCIDE LA FERMETURE D’UN EHPAD PUBLIC

La fermeture de l’EHPAD public Louise Leroux & Antoine Salaün a été actée comme objectif à atteindre par le CCAS de Brest, le jeudi 22 juin 2023.

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Depuis plusieurs années, une étude avait été lancée pour une réhabilitation lourde de l’ensemble des locaux. Fin mars 2023, un courrier a informé résidents et familles du refus de l’ARS (L’état) et du Conseil Général (Président Mael de Calan, de droite) d’accorder 60 % du financement nécessaire, au motif d’une situation financière dégradée, et d’une « trajectoire non sécurisée ».

Dès lors, le CCAS s’engageait à étudier les orientations permettant de sortir de l’impasse.

Le 23 juin, familles et résidents ont reçu un courrier du CCAS actant de l’impossibilité de retrouver des marges de manœuvre suffisantes du fait du mode de financement des EHPAD, du contexte d’inflation, de hausse des prix, et de l’enveloppe salariale.

Ce courrier très sibyllin ne parle pas de fermeture, mais de la décision d’affecter le bâti à une « nouvelle offre de service public » combinant une résidence autonomie, une crèche municipale et des logements destinés aux jeunes. Un appel à candidatures devant être lancé pour étudier l’hypothèse d’un transfert de tout ou partie des autorisations EHPAD (La centaine de places) vers le secteur non lucratif mais privé associatif ; un flou amphigourique de première catégorie qui en a laissé plus d’un perplexe .

Dès le lendemain, les deux titres de la presse régionale, Ouest-France et Le Télégramme, ont mis les points sur les I. Ils titraient : « À Brest, les Ehpad L. Le Roux et A. Salaün vont fermer leurs portes d’ici à trois ans », Pour Ouest France, et « La ville ferme l’Ehpad Louise Leroux » pour Le Télégramme.

On peut dès lors imaginer sans difficulté, le malaise voire les angoisses, sans parler de l’écœurement créés, tant chez les résidents que dans les familles, sans oublier l’ensemble des personnels très investis auprès des résidents.

Le CCAS a par ailleurs diffusé un communiqué de presse au titre totalement orwellien :

« Le CCAS de Brest valide un plan ambitieux pour l’avenir des

EHPAD Louise Le Roux et Antoine Salaün. »

Bel effort d’enfumage, en effet, lorsqu’en fait il s’agit de fermeture.

Jeudi 29 juin a eu lieu une réunion d’information à l’EHPAD, avec le directeur du CCAS et l’adjointe au maire en charge du « bien vieillir à Brest ».

Il n’y avait rien à débattre : la décision est prise, les arguments techniques et ou financiers sont rodés et « imparables ». L’objectif est de rassurer, calmer, passer la pommade ; une sorte de thérapie de groupe, en quelque sorte. A tel point qu’il a été dit qu’il était important que puissent s’exprimer les émotions et les ressentis. Comme si finalement on déniait aux personnes leur capacité de pensée de raisonnement et de réflexion, en les limitant au registre émotionnel.

Force est de constater qu’outre la brutalité effective du refus de financement et de ses conséquences sur les personnes, le transfert de la centaine de places de l’Ehpad vers le privé associatif, dans un délai approximatif de trois ans cité par la presse, correspond de toutes façons à une régression des moyens alloués au « bien vieillir » tant on sait que les besoins vont aller croissant, et surtout pour les personnes âgées aux revenus modestes et contraints.

De plus, hormis les présupposés idéologiques, on comprend mal comment par magie, le transfert au privé, fut-il associatif ou du secteur de l’économie sociale et solidaire, serait mieux à même de répondre de façon digne et efficace aux attentes et besoins des personnes accueillies.

Selon le Télégramme, les règles européennes sur la concurrence interdiraient à la ville de Brest de compenser le déficit des Ehpad « note François Cuillandre ».

Mais deux poids, deux mesures : L’état a récemment sauvé ORPEA de la faillite par l’intermédiaire de La Caisse des dépôts aux côtés de CNP Assurances, de la MAIF et de MACSF ; les quatre établissements injecteront au total 1,355 milliard d’euros dans l’entreprise. Dont 605 millions d’euros pour la CDC ; 150 millions pour CNP assurances ; 400 millions pour la MAIF et 200 millions pour la MASCF. Au total, l’entreprise recevra 1,55 milliard d’argent frais grâce à un apport complémentaire de financiers privés.

(https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/31/la-caisse-des-depots-en-passe-de-sauver-orpea_6159967_3224.html)

Il semble donc que les règles soient beaucoup plus élastiques lorsqu’il s’agit du secteur privé maltraitant.

Enfin, le 11 juillet se sont réunis plusieurs maires de communes du Finistère et responsables de CCAS gestionnaires d’EHPAD publics pour alerter sur l’étranglement financier de leurs établissements ; ils en appellent à l’état, au département, aux députés, sénateurs et ministres.

Qu’une municipalité dite socialiste comme celle de Brest prenne, elle, une décision de fermeture pourrait laisser pantois si l’on avait oublié qui a mis le pied à l’étrier à Macron. Et que dire si toutes les municipalités concernées par ces difficultés faisaient le même choix de fermeture ?

Un pan supplémentaire du service public se délite du fait du choix du macronisme de poursuivre sa destruction systématique du secteur public pour la magie des lois du marché et de la mise en concurrence ; on a pu voir ce que cela a donné chez ORPEA pour le bien être des résidents.

Il est ces derniers temps beaucoup question de violences, mais fort peu des violences institutionnelles, dont d’aucuns diraient sûrement qu’à l’instar des violences policières elles n’existent pas.

Voire …

Juste avant la réunion à l’Ehpad, ma mère résidente de 98 ans, avec encore toute sa tête, nous demandait à ma sœur et moi un coup de main pour trier des vêtements dans sa penderie, et les débarrasser. Elle est encore solide à sa manière, mais a été bien secouée par l’annonce de la fermeture à venir. Il est vrai qu’elle est résidente depuis maintenant 11 ans, qu’elle connaît et apprécie le personnel, a ses habitudes, mais du coup à aussi manifesté sa préférence de passer l’arme à gauche avant de se voir contrainte de partir ailleurs.

Violence, vous avez dit violence ?

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