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Billet de blog 2 janvier 2019

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comment tout peut s'éffondrer ?

Et si notre civilisation s’effondrait ? Non pas dans plusieurs siècles, mais de notre vivant loin des prédictions Maya et autres eschatologies millénaristes,

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Comment tout peut s'effondrer ?

Petit manuel de collapsologie

Co-auteur Pablo Servigne

Pablo Servigne est ingénieur agronome et docteur en biologie. Spécialiste des questions d’effondrement, de transition, d’agroécologie et des mécanismes de l’entraide, il est l’auteur de «  Nourrir l’Europe en temps de crise » (Nature & Progrès, 2014).

Co-auteur Raphael Stevens

Raphaël Stevens est éco-conseiller.

Expert en résilience des systèmes socioécologiques,

il est cofondateur du bureau de consultance Greenloop.

Postface d'Yves Cochet,

ancien ministre de l'Environnement

président de l'Institut Momentum.

Et si notre civilisation s’effondrait ? Non pas dans plusieurs siècles, mais de notre vivant loin des prédictions Maya et autres eschatologies millénaristes, un nombre croissant d’auteurs, de scientifiques et d’institutions annoncent la fin de la civilisation industrielle telle qu’elle s’est constituée depuis plus de deux siècles. Que faut-il penser de ces sombres prédictions ? Pourquoi est-il devenu si difficile d’éviter un tel scénario ?

Dans ce livre, Pablo Servigne et Raphaël Stevens décortiquent les ressorts d’un possible effondrement et proposent un tour d’horizon interdisciplinaire de ce sujet - fort inconfortable - qu’ils nomment la "collapsologie". En mettant des mots sur des intuitions partagées par beaucoup d’entre nous, ce livre redonne de l’intelligibilité aux phénomènes de "crises" que nous vivons, et surtout, redonne du sens à notre époque. Car aujourd’hui, l’utopie a changé de camp : est utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant. L’effondrement est l’horizon de notre génération, c’est le début de son avenir. Qu’y aura-t-il après ? Tout cela reste à penser, à imaginer, et à vivre…

Il faut lire, avec attention cet ouvrage, et penser aux évènements que ce risque d'effondrement entraînerait,

J'ai vécu , personnellement, un effondrement, celui de la guerre de 1939/1945, j'avais alors 5/11 ans et des souvenirs très précis sur le déroulé familial des années de disette alimentaire et de tous produits à partir de l'hiver1941. La défaite française face à l'armée Allemande fut brutale , rapide et pensait-on alors, définitive. La guerre éclair débuta le 1° juin 1940 par l'envahissement de la Belgique puis de la France, le 22 juin 1940 après des péripéties politiques, le maréchal Pétain , désigné parle Parlement en exil à Bordeaux demanda à Hitler un armistice . Il y eut 5 millions de français prisonniers des allemands, qui se retrouvèrent en Allemagne et furent employés dans les usines pour remplacer les ouvriers ou les agriculteurs mobilisés, certains y sont restés 5 ans. Les familles de ces prisonniers étaient dans l'incertitude longtemps car les liaisons étaient incertaines et aléatoires. La France était totalement désorganisée, la partie Nord jusqu'à la Loire et le sud Ouest jusqu'à Bordeaux était sous le contrôle allemand et le gouvernement français repli é à Vichy, gérant la zone « dite libre ». Les allemands ont immédiatement réquisitionné, pour leur usage, tous les stocks alimentaires et industriels, et du jour au lendemain ce fut la pénurie de tout, bien entendu plus d'essence pour les véhicules. La route nationale 113 Marseille Bordeaux très active et bruyante habituellement passe à 1km de mon village de naissance ou vivait toute ma famille paternelle et maternelle. J'avais un petit vélo avec des pneus pleins , et j'allais jusqu'à cette route pour voir s'il se passait des choses , s'était le grand silence.

Il fallut organiser la survie de notre famille. Mes parents et grands parents ont entrepris des productions légumières, de petits élevages de lapins , de poules pondeuses, ont semé des céréales sur les terres disponibles , du fourrage, a base de sainfoin et de luzerne, pour les chevaux de labour. . Nous avons aussi fait couver des œufs de poule et de cane et avons eu des poulets et de canetons à élever . Des vignes ont été arrachées pour augmenter la surface des terres disponibles. Certains chevaux avaient été réquisitionnés par l'armée. On a sauvé les meilleurs qui ont été bien utiles. J'ai le souvenir des moissons , ce devait être en été 1942, nous avions produit plus de 10000 gerbes d'avoine, et avions réuni les autres producteurs du village chacun avec son gerbier. La batteuse-botteleuse aux roues de fer était arrivée au village tirée par un tracteur LANZ aux roues de fer, qui avait une grande poulie latérale destinée a entraîner la dite batteuse . J'étais passionné de mécanique et admirait le fonctionnement de l'ensemble. La mise en route du moteur du tracteur , monocylindre 2 temps diesel, était un spectacle, , il fallait chauffer longuement avec une lampe à essence une partie de la culasse du moteur , Ensuite le chauffeur saisissait le volant de direction , l'extrayait de son logement , le plaçait sur l'axe moteur et balançait sur la compression jusqu'à ce qu'il lance d'un coup sec le moteur qui pouvait tourner dans le bon sens ou à l'envers. Mon grand-père Raoul avait préparé les fil de fer servant a lier les balles de paille, (ces fil de fer ont servi plusieurs année de suite, il avait un système qui les étirait pour faire disparaître les plis des fils de fer.) Nous rentrions les sacs de grain et les mettions dans un foudre de bois, qui avait contenu du vin, ou ils étaient à l'abri des rongeurs et les balles de paille, dans le pallier, et avions ainsi la nourriture des chevaux et de la volaille pour l'année. Nous apportions des champs ou des vignes la nourriture des lapins , ils aimaient bien les branches d'amandiers sauvages que nous apportions sur nos vélos.

Mon père s'était mis en rapport avec une famille d'agriculteurs aveyronnais qui était venus faire les vendanges à Montredon, et un système d'échanges s'était mis en place. J'ai retrouvé dans les archives familiales un texte de bail de fermage à leur nom, ce qui permettait d'établir une déclaration de récolte de vin à leur nom Puech, à Le Luc canton de La Primaube (Aveyron), qui concernait une parcelle de vigne de mon grand père. C'était un moyen légal de leur expédier du vin, et en retour ils nous fournissaient des pommes de terre, le tout par chemin de fer, j'ai le souvenir de l'expédition d'une barrique de vin à leur intention à la gare de Marcorignan, avec la jardinière (voiture pour cheval suspendue sur ressort) et César le cheval anglo-normand, le préféré de mon père, au pas très rapide. Comme nous avions des stocks de sulfate de cuivre qui servait à traiter les vignes, nous leur faisions parvenir quelques kg de ce sulfate qui leur servait a garantir leurs plants de pomme de terre contre le mildiou. Nous nous chauffions au bois de vignes et ma grand mère l'hiver, garnissait de braise le « moine » qu'elle mettait dans mon lit pour le chauffer , avant mon coucher, et elle le passait ensuite dans le lit de Raoul et dans le sien .

Nous avions recueilli une famille espagnole chassés d'Espagne par la guerre , ils habitaient dans un bâtiment destiné aux ouvriers agricole , le père travaillait sur l'exploitation de Raoul, la mère aidait ma grand-mère . Le père avait entrepris de fabriquer des chaussures a partir de pneus usagés de voiture et du fil de fer, , il échangeait sa production, avec des biens qui lui étaient nécessaires, a partir de l'hiver 1941, il n'y avait plus rien de disponible dans les magasins, sauf des galoches à semelle de bois

Le 8 novembre 1942, les alliés anglo-américains auxquels s'était joint la France Libre du Général de Gaulle ont débarqué en Afrique du Nord. Les Allemands ont immédiatement réagi et ont envahis le 11 novembre 1942 la zone sud libre française .

J'ai entendu un bruit assourdissant venant de la route nationale 113, Je pris mon vélo et me précipitais vers cette route et je vis l'armée allemande avec ses chars , ses camions, ses voitures, ses motos, qui se dirigeait vers Narbonne. La marine nationale française, qui n'avait pas eu le temps de combattre, avait toute sa flotte militaire au port de Toulon. Les Amiraux français , qui avaient refusé que cette flotte rejoigne la France Libre et voulaient empêcher les allemands de s'en emparer , décident de couler cette flotte dans le port. Nous avons entendu toute la nuit et le lendemain les explosions du suicide de cette flotte, décision stupide et irresponsable, Le peuple français avait, par ses impôts , financé ces centaines de navires, non utilisés pour la défense du pays, alors que le transfert vers l'Algérie, département français, était possible dès la défaite contre les allemands actée. Seul un sous-marin français a pu échapper au sabordage et rejoindre Alger .

Cette situation a eu des conséquence importantes sur ma scolarité. Il fallait loger les soldats allemands. Ils ont réquisitionné notre groupe scolaire primaire tout neuf qui avait été réalisé par décision du gouvernement Blum (Front Populaire 1936) .En plus des grandes classe et les installations sanitaires il y avait au premier étage les appartements confortables des enseignants. Les occupants ont logé plusieurs compagnies allemandes jusqu'à leur défaite en 1945.

C'est la raison pour laquelle les élèves du primaire ,dont j'étais ,se sont retrouvés dans les salles des cafés du village, qui continuaient de fonctionner. Ce n'était pas un endroit idéal pour la pédagogie scolaire, mais on apprenait des choses nouvelles : Les instituteurs écoutaient en secret le poste de radio équipé d'antenne bricolées « Ici Londres ! des français parlent aux français »

Pour moi , ça été la fin des cours de solfège et de piano que je suivais dans une famille repliée dans une maison du village. L'arrivée des allemands a provoqué leur départ, je ne sais où ?

Dans cette situation, ou chacun tentait de vivre au mieux, notre voisin proche, Régis, avait organisé sa vie d'une façon originale. Il avait 2 ou 3 vignes qu'il cultivait manuellement et apportait ses raisins à la cave coopérative , officiellement il était vigneron. Il avait été décidé par le gouvernement Pétain , décision imposée par les allemands, que la chasse serait désormais interdite et que tous les fusils de chasse devaient être déposés en mairie ou ils seraient sous clé. Régis notre voisin était une grand chasseur et vivait près de la nature. Il cacha son armement de chasse sous des fagots de sarments de vigne, enveloppés à l'abri de l'humidité et développa une activité de piégeage de lapins sauvages, de lièvres et de perdreaux qui devenaient abondant, cas ils n'étaient plus chassés. Il se fabriqua toute une série de pièges et collets à lapins et lièvres et à perdreaux et avec son vélo, partait le soir, à la nuit, paréer (c'était le terme) son système de piégeage, après avoir repéré dans la journée les points précis de passage du gibier . Il repartait avant le lever du soleil , lever ses pièges et je l'entendais revenir . Il avait créé sa clientèle , très discrète, et fournissait le gibier qui lui était commandé . Il a conservé son activité jusqu'à la Libération ou il a retrouvé son armement et officiellement la chasse .

Progressivement, on découvrit les moyens de remplacer l'essence absente et quelques véhicules commencèrent à circuler. Ce fut l'ère des « Gazos » et des bouteilles de gaz issus du gisement de Lack près de Toulouse, qui commençait à être distribué tout le long de la RN 113 par des camions chargé de bouteilles d'acier. Les Gazos fonctionnaient au bois . Ils étaient composés de 2 gros cylindres métalliques , parfois placés sur une remorque tirés par la voiture . Un autobus desservait notre village avec Narbonne. L'un des cylindres était le foyer empli de morceaux de bois que l'on allumait avant le départ, il y avait un ventilateur a main pour activer le départ du foyer et il m'est arrivé de l'actionner. Quand le feu de bois était bien en activité on fermait hermétiquement le cylindre et un tentait se faire démarrer le moteur du bus, c'était parfois très laborieux ,ça pétaradait et ça fumait , mais on finissait par partir et arriver au village!! Il y avait , à ce moment, des camions de livraison qui circulaient sur la RN 113, ils avaient avaient leur provision de bois sur le toit de la cabine.

Au plan santé, ma mère avait eu une crise de rhumatisme articulaire aiguë qui mal soignée lui a laissé des séquelles , blocages articulaires, et difficultés cérébrales, j'ai moi même, vers 10/11 ans souffert d'une gastrite entraînant des diarrhées persistantes et un affaiblissement général qui a entraîné mon hospitalisation à Narbonne . A mon retour , ma grand-mère paternelle m'a fait suivre un régime alimentaire a base de pâtes alimentaires qu'elle se procurait, je crois ,au marché noir !! au bout d'un mois de ce régime j'étais sur pied.

La guerre a eu des conséquences économiques sur notre famille, alors qu'avant la guerre , il semble qu'il y avait une certaine aisance financière, ce n'était plus la cas, ensuite, les économies avaient fondu, car l'inflation et la perte de valeur de la monnaie était importante , les exploitations viticoles produisaient très peu et il n'y avait plus de réserves pour investir. Notre père, quoique jeune et en bonne santé, qui avait bénéficié de nombreuses facilités de ses parents, et qui était le seul bachelier du village ne souhaitait pas s'engager dans une rénovation du vignoble, il prit la décision de planter, à l'économie ,des cépages hybrides qui ne donnèrent pas de bons résultats, ni en qualité , ni en durabilité.

Cette expérience vécue de façon très directe et très consciente de la vie difficile due à la guerre de 1939/1945, la sortie de la guerre ayant été compliquée à bien des égards, m'a profondément marqué , la scolarité chaotique ajoutant au tableau. J'en ai conservé la possibilité d'une vie simple et frugale aux besoins limités.

Je suis convaincu que le gaspillage actuel, la consommation effrénée , les besoins nés de la publicité, ne sont pas durables. Le changement indispensable dans le fonctionnement de la société mondiale,vers plus de sobriété devra , a plus ou moins long terme s'imposer. La première étape , est la limite physique de production de carburant pour les moteurs et la croissance importante de leur valeur Ce sera difficile  car le fonctionnement actuel de l'humanité est fondé sur la mobilité motorisée !!

Jean Clavel fin 2018

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