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Cette année, Armand Gatti aurait eu 100 ans. Les hommages se sont multipliés tout au long de l'année. On a, bien entendu, beaucoup évoqué le poète, l'écrivain de théâtre et le réalisateur de cinéma.
Je voudrais témoigner ici du grand metteur en scène qu'il a été.

Cette photo a été prise il y a dix ans.
Une association qui défend la mémoire des républicains espagnols l'avait sollicité afin qu'il mette en scène un texte qui racontait l'aventure d'une compagnie de la deuxième division blindée de Leclerc, la "Nueve" composée presque exclusivement de soldats républicains espagnols et qui fut la première à entrer dans Paris, le 24 août 1944.
Gatti me demanda alors d'être son assistant, et peu à peu me délégua la mise en scène. Il venait cependant tout le temps assister au travail.
Le peintre Juan Chica-Ventura, qui jouait dans le spectacle, avait fait les portraits des membres de la "Nueve" qui étaient les protagonistes de l'histoire que nous mettions en scène. Je les avais fait accrocher au fond du théâtre pour qu'ils soient présents au yeux des spectateurs. Le temps dont nous disposions ne permettant pas d'apprendre les textes, il était prévu que le spectacle se fasse texte en main.
Lors d'une répétition, tout à fait brusquement, Gatti se tourna vers moi et me demanda ce que les portraits faisaient sur le mur du fond de scène. Avant même que j'ai pu formuler une réponse, il s'adressait aux comédiens en leur demandant d'aller chercher le portrait du combattant qu'ils interprétaient et de le garder avec eux tout le temps sur le plateau. "C'est d'eux qu'il s'agit, c'est eux qui doivent être là, au centre de la scène".
Je craignais que de tenir ces portraits en même temps que le texte rendent les choses compliquées.
Je me trompais complétement. L'encombrement que créait ces portraits, les solutions trouvées par les comédiens pour se déplacer avec eux, jouer ce qui devait être joué, tenir et lire le texte, rendaient les personnages dont nous parlions extraordinairement présents. Les comédiens disparaissaient derrière ces images.
Les héros de la Nueve était bel et bien au centre.
J'avais bien trouvé des aménagements de plateau qui n'étaient pas, j'ose l'espérer, sans intérêt, mais ce qui fit à mon sens toute l'intensité et la qualité de l'hommage que l'on rendait à ces hommes fut cette demande impérieuse de Gatti.