Les médias, l'actualité demandant de faire taire encore une fois les différences de jugement, louent l'exemplarité du discours d'Emmanuel Macron. Pourtant une petite phrase peu commentée ou saluée pour ce qu'elle manifesterait d'empathie (n'est-ce pas Monsieur Attal) le rend tout à fait inaudible.
"La France, dit le Père de la Patrie, n'abandonne jamais ses enfants"! Mais d'où cette phrase peut-elle bien sortir? Snapchat, à la demande "discours, chef de l'état, guerre, fermeté, diplomatie..." aurait-il été puiser à l'insu des collaborateurs de Monsieur le petit père des peuples dans un vieux discours du Maréchal ?
La propagande voulait nous convaincre qu'en élisant le plus jeune président de notre histoire nous entrions vigoureusement dans une modernité décoiffant, et voilà que l'on se retrouve avec un vieux, qui plus est, plutôt ringard. Peut-être à force de manifestations sportives a-t-il fini par prendre au pied de la lettre les paroles de l'hymne national, Allons-enfants de la patrie, sans penser que les paroles de cet hymne étaient datées et que ce qui pouvait se dire quand des Marseillais venaient à marche forcée au secours de la république en danger a aujourd'hui une charge symbolique sans doute, mais ne reflète plus ce qu'est ce qu'on appelle, faute de mieux, un état-nation.
Il y a eu 1914-1918, et au dernier coup de clairon ou de canon de cette guerre, c'est bien la Patrie, l'idée de Patrie qui venait de succomber. Encore Giono : En 1915, je suis parti, sans croire à la Patrie. J'ai eu tort. Non de ne pas croire, de partir...
Mais cette saillie est révélatrice de plusieurs choses. D'abord des appels incessants que fait Monsieur Macron à un frange droitière nostalgique de l’électorat français. Famille, Patrie...Hélas oui, il le fait sans vergogne.
Mais aussi, si on admet que Monsieur Macron ne lit pas ses discours sans un brin de réflexion, quelque chose se dévoile. La France n'abandonne pas ses enfants, et pendant cinq ans, la démocratie élective qu'est la nôtre désigne un représentant suprême qui devient donc le père de ces enfants-là (l'histoire ne nous a pas encore donné de mère de la Patrie). Or ce qui sépare l'enfance de l'âge adulte, c'est son niveau de responsabilité. La justice ne condamne pas de la même façon les mineurs que les majeurs. Un être dans l'enfance a besoin d'être protégé, c'est même une obligation de la déclaration des droits de l'enfant qui n'est malheureusement pas toujours réalisée, et il a besoin d'être éduqué.
Et pour parfaire cette éducation, même si l'époque est plus encline à utiliser les encouragements, on estime encore qu'il est parfois nécessaire au moins de morigéner, de contrôler, voire d'interdire.
Et voilà que l'on reconnaît mieux ici Monsieur Macron en bon Père de la Patrie. Il aurait pu dire que la France n'abandonnait jamais ses citoyens, ou ce qui est encore moins polémique et qui sans doute s'applique mieux au cas, ses ressortissants.
Mais non, il préfère le terme, débilitant quand il fait référence à des adultes, "d'enfants". Des enfants dont il doit, malgré eux, faire le bien, des enfants qu'il écoute affectueusement mais dont il ne peut, animé qu'il est par l'esprit paternel de responsabilité, satisfaire tous les caprices. Et si ces enfants deviennent chahuteurs, bien qu'adepte d'un progressisme affiché, il n'hésitera pas à utiliser la punition, peut-être même le chat à neuf queues. L'a-t-il déjà fait ?
On comprend bien que ce concept de citoyen-enfant soit finalement tout à fait compatible avec l'autolâtrie du chef de l'état et sa manière politique, mais c'est malheureusement un concept qui n'a plus cours, démonétisé à un point tel, qu'avoir des billets de la banque de Law, serait une plus grande richesse.
Et cette misère conceptuelle, qu'on ne peut imaginer que due à une forfanterie de mauvais acteur dans un mélo affligeant, rend pitoyable celui qui en est victime. Et disqualifie totalement sa pensée. Mais peut-être est-ce dû au fait qu'il n'y avait pas de meilleur texte...
Car pour la suite Jupiter au-dessus de la mêlée (après s'être fait siffler par ceux venus encourager ceux qui sont dedans) ne peut s'empêcher de décrocher une petite pique politicienne contre le seul parti d'opposition qui le grattouille peut-être jusqu'à ressentir de l’exéma. L'unité nationale certes mais pas avec tout le monde. Une messe dans laquelle au moment sacré de l'élévation, le prêtre se retourne à demi et fustige le mécréant.
Et puis, que salue-t-on dans ce discours ? L'intransigeante condamnation de l'insoutenable agression du Hamas, mais, alors qu'il avait signifié, n'est-ce pas, qu'il n'y aurait pas de mais, en avertissant (Monsieur Macron ne demande pas, il avertit) Israël de ne pas se venger inconsidérément. Un peu de chèvre beaucoup de chou, ou le contraire, on ne sait pas. Mais de toute évidence du en même temps.
Et la France, dans tout ça, sa voix dans le concert des nations. Et bien, elle appuie la création d'un état Palestinien. Très bien. Comment ?
On repart de camp David (1978), conférence de Madrid (1991) accords d'Oslo (1993) ? Une intifada acceptable de temps en temps, des occupations israéliennes dénoncées, mais finalement elles aussi acceptées ?
Allons enfants...
Ou, on hoche piteusement la tête avec la fatalité destructrice du Caligula de Camus : "Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux..."