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Billet de blog 16 juillet 2023

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Foutez-nous la paix !

Avec le tir aux pigeons, la guerre se raconte maintenant au présent (Armand Gatti - les pigeons de la grande guerre - l'anarchie comme battement d'aile)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"Les tireurs du tir aux pigeons sont à table en ce moment. Mangent-ils autre chose que leur honte ?"*

Et nous, mangerons-nous autre chose que notre honte ? Nous qui ne faisons rien, à un point tel que ce dont la nature a horreur semble encore trop habité, contre cette ignoble guerre qui se déroule sur le territoire de l'Ukraine. Non seulement nous ne faisons rien, mais nous la supportons. Au deux sens du mot. Nous la supportons comme un mal nécessaire, une fatalité historique et nous la supportons aussi par des clameurs, presque des "viva", des "hourra". Nous la supportons, nous l'acceptons en trouvant toujours un argumentaire qui nous convient. Défense de la démocratie, résistance à la tyrannie, liberté des peuples, respect des accords internationaux, défense de territoire... et quoi d'autre encore ?

Mais qui peut encore croire à ces billevesées ?

C'était il n'y a pas si longtemps qu'on pouvait encore entendre tout le mal qui se disait contre la guerre.

Il n'y a pas de guerre juste, entendait-on, les guerres se font au profit de castes financières, politiques, industrielles. Les peuples en sont toujours les victimes. On chantait encore "Le déserteur" de Boris Vian. Et on avait de bons camarades dans la bataille. De bons camarades, comme Giono, dont j'ai déjà mis ici les lignes en ligne.

Mais voilà, hochement de tête, et comme me le disait un manifestant contre la réforme des retraites quand je lui présentais le texte de Giono : oui, oui, mais "dans la littérature". La littérature de Giono de "refus d'obéir" ou de "lettre aux paysans sur la pauvreté et sur la paix" ne serait qu'un jeu de salon qui n'existerait que repliée sur elle-même. Un ruban de Moebius.

Ce n'était pas les vues de Giono. Il écrivait contre la guerre. Pas contre cette guerre, ou cette autre, mais contre la guerre tour court, cette hydre dont on n'a jamais brulé toutes les têtes.

Illustration 1

Et pourtant, si une guerre permet bien de voir, grandeur nature, dans le réel, que tout ce que le pacifisme a porté de contestation est tout à fait légitime, c'est bien cette guerre d'Ukraine.

Deux dirigeants, des deux pays considérés comme les plus importants de l'Europe politique, Madame Merkel pour l'Allemagne, Monsieur Hollande pour la France, ont clamé haut et fort leur félonie. Nous avons signé et nous sommes portés garants d'accords que nous n'avons jamais eu l'intention de tenir. Nous avons menti effrontément. De façon à préparer la guerre. Nous avons été malins. Malins comme le diable, oui.

Que ces deux dirigeants, porteurs à ce moment là de la voix de leur pays, c'est à dire de l'honneur de millions de gens qu'ils représentaient aient pu trahir le pays et leurs citoyens (Et oui, le Président est un concitoyen...)  semblent n'émouvoir personne.

Monsieur Hollande et Madame Merkel, mangent-ils autre chose que leur honte ?

Aujourd'hui des centaines de milliers de cadavres ou de corps mutilés sont la conséquence directe de leurs décisions. Et pour qui et pour quoi ?

Et bien nous le savons.

Oh, non, nous ne le saurions pas ? Il y aurait encore des guerres justes, des guerres de la "liberté". Mais il y en a jamais eu ! Il n'y a que des guerres d'intérêts, et des intérêts qui ne sont pas ceux des gens, des braves gens, du quidam, de lambda.

Une observation a été faite en son temps : les guerres, ce n'est évidemment pas leur seule cause bien sûr, sont concomitantes avec le niveau d'obsolescence de l'armement. A-t-on déjà eu plus belle corrélation ? L'Europe vide ses arsenaux dont les armes sont envoyées au petit bonheur la chance des combats sans réelle stratégie définie. La Russie et l'Ukraine vont en avoir fini avec le vieil armement qui restait de l'Union Soviétique. Les États Unis ne sont pas en reste.

D'ailleurs beaucoup de journalistes s'émerveillent : les fabricants d'armes apprennent beaucoup sur le champ de bataille. Apprennent à quoi faire. Mais monsieur des armes qui vous protègerons mieux ! Oh, je vous en prie, protégez moi plutôt de mes protecteurs.

Comment apprennent-ils ? Mais sur le champ de bataille. Et comment se paie ce savoir ? Par la mort de centaines de milliers de personnes.

Ces journalistes là, mangent-ils autre chose que leur honte ?

Les autres intérêts, argent, pouvoir, énergie, monnaie, domination, fonds de pension, soumission, domestication, sont bien évidents, mais il est inutile de développer quoi que ce soit ici, puisque les autruches mettront la tête dans le sable. Et ceux qui ne sont pas que des plumets sur patte n'ont pas besoin de ces arguments. Ils savent intimement. On a suffisamment et heureusement gardé la mémoire de la première guerre mondiale comme ayant été une boucherie sans nom qu'on s'était promis de jamais renouveler pour ne pas se payer de mots et croire qu'il y en aurait de justes.

Giono y était.

Et, ironie d'un monde que l'on finira par penser décérébré, le changement climatique réclamerait en urgence des décisions radicales, notamment de réduction d'émission de CO2. Combien faut-il mettre à l'arrêt de vieilles 4L pour compenser l'activité d'un char Léopard, d'un tir de César, et des divers engins de mort.

Mais me dira-t-on, cela n'a rien à voir, tu mélanges tout.

Et pourtant, si la beauté de la planète, son habitabilité, ses respirations, ses humeurs étaient aussi importants, n'aurait-on pas d'abord et avant tout arrêté cette moderne guerre des tranchées.

Ironie encore, dans un village estival, d'aucuns ont voulu empêcher les promenades à dos de mulets au prétexte de lutte contre la souffrance animale.  En Ukraine, il y a un animal qui souffre, c'est l'homme et sans doute aussi toute une faune sauvage.

Mais me dira-t-on encore tu mélanges tout, ça n'a rien à voir.

Quand cette horreur sans nom sera finie, car elle finira certainement, par des accords qui seront très peu différents de ceux qu'on pourrait signer maintenant,  nous reverrons peut-être des analyses ou des commentaires qui s'étonneront de cette folie, qui diront que sous les arcanes les choses n'étaient pas ce qu'on les disait.

Et on jurera bien que la prochaine fois, on ne nous y reprendra pas.

Mais nous n'aurons rien mangé d'autre que notre honte.

*Armand Gatti. Les pigeons de la grande guerre. L'anarchie comme battement d'aile.

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