Certains ont glosé sur les compétences qu'aurait le plus jeune premier ministre que la France ait connu. Tiendrait-il face aux caciques, aux roublards, aux vieux malins, à ceux qui ont des réseaux et des relais puissants. Sa jeunesse et son inexpérience ne risquaient-elles pas de rendre encore plus fortes les difficultés du poste.
Sans doute il apparut très vite qu'il était vraiment très fragile et que le lait lui coulait encore du nez malgré, et ce n'est pas incompatible, une certaine morgue.
Mais on aurait pu, peut-être, pardonner des défauts de jeunesse, de trop de jeunesse, d'une jeunesse impétueuse et joyeuse, mais il faudrait là pardonner des défauts de vieillesse. D'une vieillesse acrimonieuse, rouspétante et amère.
Comme il communique sur un pseudo statut de spécialiste de l'école, il a beaucoup de ces solutions de vieilles lunes pour l'école.
L'uniforme, ça mon vieux, ça vous met un élève dans le rang. Comme à l'école de la Légion d'honneur ! N'est-ce pas, si cette honorable institution, qui n'est pas réellement une des officines de l'enseignement de masse, le fait, alors il n'y a pas photo (j'écris "il n'y a pas photo" parce que notre vieux premier ministre aime bien, dans ses expressions, faire jeune, il sent bien qu'en tant que vieux premier ministre il lui faut jeter quelques ponts vers la jeunesse) c'est efficace et grand et beau et de l'époque où l'on savait ce que se tenir voulait dire et d'un certain monde monsieur, d'un certain monde!
Mais là où il donne toute sa mesure , c'est quand il apporte - récemment - des solutions à la violence de la jeunesse : punir, punir, brimer. Non mais, ça va comme ça, le laxisme de gauche, les circonstances atténuantes, les conditions sociales. Voilà le genre de raisonnement qui nous a mené à l'abîme. Alors la trique, la schlague, la fessée. Ce monde est bel et beau, la preuve, il m'a fait premier ministre, qui n'y trouve pas sa place doit être "rééduqué". Parce que en plus d'être vieux, notre premier ministre est aussi très à droite, à droite de la droite, vous voyez dans ses propositions. Ou de cette gauche qui a tellement trahi.
Bien sûr il y a pas mal d'incohérences dans ce qu'il avance. Il partage peut-être certains maux avec son collègue Biden. Par exemple, on pourrait, propose-t-il, enlever aux élèves perturbateurs un certain nombre des points qu'ils auraient obtenus à leurs examens. Proposition étrange, ou révélatrice. On pouvait penser que les points étaient liés aux connaissances acquises, aux savoir faire, aux compétences. Et qu'en ça, ils étaient inaliénables. Mais non, les résultats obtenus dans la quête quelques fois si douloureuses du savoir peuvent n'être qu'une sorte de crédit social qu'on peut utiliser pour punir, sanctionner. Bravo dira-t-on à un élève "perturbateur" vos résultats en mathématique, en philosophie ou en sciences de la nature sont très bons, mais vous ne les méritez pas ! (Et même s'ils sont mauvais !) Quelle absurdité! Les notes ne sont pas des "points" gagnés, elles sont sensées refléter un savoir, comment peut-on décider qu'un comportement inapproprié fasse qu'un savoir n'est pas ce qu'il est ?
Et notre vieux premier ministre bougon et atrabilaire fait ce qu'il fait car il sait d'où vient le mal : les écrans. Ah oui, les jeunes personnes sont intoxiquées par les écrans. Surtout semble-t-il quand les fameux écrans leur permettent d'entendre un autre discours que celui de la vieillerie gauloise, que le vieux premier ministre représente si bien, ou quand les écrans leur permettent de se rassembler pour des luttes que le vieux premier ministre ne trouve pas justifiées ou de remettre en question certains narratifs, comme on dit aujourd'hui. Donc, n'y voyons pas esprit de censure ou de contrôle, mais il est grand temps de permettre de mieux contrôler les écrans. Assez de disruption!
Bon, à la fin n'accablons pas notre vieux premier ministre : il est d'une autre époque, de son temps, c'était autre chose.