C’est la domination de l’argent qui fait le pouvoir des ploutocrates et l’inverse est vrai aussi. Mais le jour où, grâce à l’exigence d’une appréciation Qualitative de toutes choses, d’autres Valeurs apparaîtront à coté de l’argent, ce dernier perdra naturellement de sa prééminence, et avec lui celle des ploutocrates. Certains d’entre eux ont déjà discrètement commencé cette conversion, d’autres sauront évoluer, les derniers seront remplacés par de nouvelles élites. Le gouvernement du monde n’en sera que plus équilibré.
En attendant nous sommes majoritairement dominés par les ploutocrates.
Ont-ils la moindre légitimité ? A de rares exceptions près, nous devons dire « Non! ».
Un gouvernement légitime est un gouvernement qui a été choisi (pour le pire et le meilleur) et auprès duquel existe des contre-pouvoirs qui peuvent alerter, contester, suggérer, prendre le relais.
Le gouvernement des ploutocrates est totalement illégitime en cela qu’il n’a aucune légitimité.
Qui les a élus ? Ils n’ont pas été élus ! Ils ont pris (ou acheté) le pouvoir.
Où est leur contre-pouvoir, leur contrôle ? La crise mondiale actuelle illustre bien qu’il n’y a ni contrôle ni contre-pouvoir. Il n’y a pas de contre-pouvoir, il n’y a que des opposants.
Mais les regrets, ou le constat de l’ensemble des nuisances du système actuel, tant pour les hommes que pour la nature n’est pas suffisant. Il faut certes savoir contre quoi nous devons agir, mais surtout pour quoi nous luttons.
En effet, agir contre, c’est rester face au problème, provoquer de nouvelles lois, de nouvelles polices, alors qu’agir pour nécessite un accroissement des consciences individuelles et par là même de la liberté (Etymologie de ‘conscience’: conscientia =connaissance).
Aujourd’hui, agir pour, c’est construire de nouveaux pouvoirs exigeant l’appréciation Qualitative de toute activité humaine. C’est une nouvelle définition du Savoir et de l’Action qui ne soit pas dominée par le quantitatif. C’est l’introduction de la conscience de la quatrième dimension Qualitative dans le moteur de notre société.
Profitant de mon ignorance, cela m’amuse de réécrire l’histoire en imaginant qu’au-delà de la Révolution Industrielle, la prise du pouvoir suprême, le coup d’état des ploutocrates, s’est réalisé à partir de la Première Guerre Mondiale durant laquelle ce sont l’industrie et l’argent qui ont alimenté les armées reconnaissantes. Puis, profitant de leur récente gloire ils ont généralisé les méthodes de guerre dans les usines et les bureaux, à travers l’encadrement et la séparation des genres, cloisonnant les spécialités et développant une industrie du capital à travers les Bourses de quelques centres internationaux de la finance. Ils ont même inventé la première grande crise en 1929 qui constitua la première perte de contrôle d’un système quantitatif sans règle ni éthique.
La Seconde Guerre Mondiale aura, tout aussi sinistrement, accompagné à la fois la sortie de crise et la prise de pouvoir définitive des ploutocrates. Ainsi recommence le financement et l’approvisionnement des armées par une industrie et un capital galvanisés par le combat et le désir de victoire.
Tous les moyens et toutes les inventions furent décisives à la fois pour modeler l’avenir (télécommunications, transport aérien, atome, espace, ordinateurs, médecine, etc.) et pour placer les ploutocrates au centre de toutes les issues. Puis ce sont les mêmes qui ont imaginé, fertilisé et capitalisé à travers la domination de l’économie financière. Ils ont engendré le plan Marshall et les Trente Glorieuses. C’est eux qui ont mis en place la règle qui gouverne notre monde: le libre-marché comme unique régulateur de la prééminence du couple production-consommation.
Ce sont eux qui ont remplacé l’occupation politique des colonies par leur possession économique. En effet, la décolonisation a souvent ressemblé à un abandon du pouvoir politique au profit d’une mainmise économique. Triste troc où ces pays ont souvent été bernés deux fois : la première par l’abandon pur et simple de populations dont nous avions détruit toute tradition et capacité de gouvernement ; et la seconde en les dépouillant de leurs richesses...dont une partie sert à rémunérer les chefs de tributs à la tête des états.
Partout nous retrouvons nos ploutocrates de plus en plus essentiels et affermis. Jusqu’à oser se forger une image d’hommes providentiels. Toutes les conditions d’une prise de pouvoir étaient réunies. Et en l’absence de contrepouvoir, ils ont pris le pouvoir d’une manière certes illégitime, mais totale et universelle.
Une fois en main le pouvoir accordé par l’argent, l’argent devient dominant et le système s’emballe de plus en plus jusqu’au naufrage désormais mondialisé.
Que pouvons-nous faire si ce n’est essayer de changer la course du navire qui nous porte tous ? Une ‘Grande Révolution’ destructrice parait totalement démodée tant les interdépendances rendraient les agresseurs autant victimes que les agressés. Nous voyons déjà cette limite dans les nombreuses grèves générales qui ne servent à rien, dérangent tout le monde et sont devenues une forme de langage ou de posture pour négocier à l’intérieur même du système vicié. Cependant si le changement souhaitable et désiré est empêché, il ne faut pas exclure la probabilité que l’exaspération ne devienne violente.
Dès lors, il faut un contre-pouvoir. Il faut, dans l’intérêt de tous, favoriser l’émergence de contre-pouvoirs pacifiques qui se placent au niveau des paradigmes de nos sociétés et proposent de nouveaux horizons.
Evidemment nous parlons du pouvoir des idées et non d’être calife à la place du calife : spectacle stérile et lamentable de tous les « Iznogoud » de la politique qui ne réfléchissent visiblement à rien d’autre qu’à prendre la place de l’autre et mettre leur carrière au service de la ploutocratie.
Il faut donc s’adresser directement aux élites, aux dirigeants, aux politiques, aux ploutocrates pour qu’ils comprennent que leur intérêt à tous est de favoriser l’émergence de contre-pouvoirs comme définis plus haut: forces de surveillance, de proposition et d’orientation.
Les contre-pouvoirs, pour être efficaces, doivent sortir de la revendication qui consiste à vouloir plus et à mieux profiter du système pour se placer sur le terrain de la modification du système lui-même.
Le contre-pouvoir est forcément politique, mais il n’est pas obligatoirement un parti. Il pourrait être un groupe de plus en plus nombreux et fort de citoyens solidaires qui, notamment à travers l’Internet, parviennent à se regrouper, s’organiser, s’imposer.
Tous les pouvoirs actuels passent leur temps, leur énergie et parfois même leur talent à penser ou re-penser le système existant pour qu’il soit plus efficace, voire meilleur. Le contre-pouvoir doit quant à lui s’efforcer de formuler, construire, présenter et proposer le changement de cap et non le changement de capitaine. Le contre-pouvoir doit s’intéresser aux fondements de notre civilisation. Le contre-pouvoir doit avoir l’ambition de modifier les idéaux des populations et les objectifs des ploutocrates. C’est un nouveau système de penser et de faire qui doit émerger de cette crise.
C’est l’introduction d’une quatrième dimension, celle du Qualitatif, à coté des moteurs existants que sont le capital, les entrepreneurs et les travailleurs.
Un nouveau moteur s’impose pour nous conduire de manière heureuse quelques siècles en avant.
Notre véhicule actuel est comme un vieil Airbus de 40 ans d’âge qui a déjà été rafistolé et réparé de nombreuses fois. Oui, il vole toujours, mais il peut aussi bien s’écraser au prochain vol en ne laissant que des victimes. Car tous, nous serions tous victimes d’un effondrement pur et simple du système qui nous porte.
Abandonnons toute revendication autre que celle de vouloir baser notre avenir sur l’introduction de nouvelles Valeurs et de nouvelles hiérarchies basées sur une nouvelle dimension du Savoir. L’attribution de nouveaux objectifs à l’Action, qui soient inspirés par la Qualité et non plus par la quantité.
Périodiquement, nos civilisations ont besoin de franchir des étapes pour progresser. De passer par des moments où il devient indispensable que les systèmes de valeur, les paradigmes qui gouvernent la société évoluent. Car si nous ne le faisons pas, les tensions, les contradictions, les injustices et la simple insulte au bon sens nous mèneront collectivement au déclin, à la faillite et peut-être même à l’autodestruction. Si nous voulons conserver les acquis des progrès matériels des derniers siècles et le confort de nos vies, nous devrons accepter de modifier radicalement nos priorités afin de ne pas devenir les victimes des moyens que nous avons inventés et d’un système dévoyé par une minorité.
Dans Le Guépard de Giuseppe T. di Lampedusa, le héro avait bien compris:
« Il faut que tout change pour que rien ne change ! »