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Billet de blog 23 avril 2010

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Ecolonomie : Figuration et action

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les prolétaires qui, depuis qu’ils ont été rejoints par les classes moyennes s’appellent désormais « ceux d’en bas », ont été totalement corrompus par l’isolement d’un confort dérisoire et par les slogans racoleurs. Ils ne sont plus capables de forger leur destin. Ils semblent attendre qu’un joueur de pipeau rassembleur vienne jouer sa mélodie. En attendant, ils attendent et travaillent pour un système qu’ils devraient contester, y participent avec résignation en se divertissant des produits qu’ils ont eux-mêmes fabri­qués, achètent, consomment et ne savent même plus s’ils doivent être heureux ou mécontents.

Le talent des dirigeants est de maintenir cet équilibre de la manière la moins chère possible, à la limite perpétuelle du mécontentement qui constitue une limite à ne pas franchir. Ils sont probablement eux-mêmes inconscients de ce à quoi leur action se réduit car tout concourre à penser qu’ils font pour le mieux puisqu’ils évitent de justesse le mécontentement. Mais cette gestion « à la limite » pour satisfaire les ploutocrates est loin d’être un idéal. Pourtant, le pouvoir réside là ; tant pour les dirigeants que pour les représentants.

Le pouvoir a donc pour objectif de maintenir le plein emploi puisqu’il est synonyme de pleine satisfaction. Le mot « Emploi » était le dernier sur la bannière du G20 de Londres (in cauda venenum), car c’est effectivement le fon­dement social du couple production-consommation.

Cependant ceux qui pensent que l’abolition du travail constitue une solution se trompent grossièrement car ils oublient de formuler l’alternative (si elle existe) qui pourra offrir autant de satisfactions. Car il ne faut pas le nier, le travail apporte toutes les satisfactions que nous avons ap­prises ou découvertes : respect de soi, reconnaissance, confort, argent. A ce titre le plein emploi est nécessaire mais probablement dans une définition beaucoup plus large de l’emploi car il existe, par exemple, des emplois non-marchands qui constituent néanmoins de la création de valeur.

Le travail en lui-même n’est pas coupable de ce pour quoi nous l’accomplissons. Aussi c’est sur les motivations du travail que nous devons agir. Pourquoi travailler? Est-ce pour avoir le dernier modèle d’IPod? Une plus grosse voiture ? Payer l’université des enfants ? Voir les pyramides d’Egypte ? Manger à sa faim?

L’argent que procure le travail peut tout mais, comme le travail, il n’est que ce que l’on en fait, il n’a que l’impor­tance que nous lui donnons par son affectation. C’est l’homme qui, à un certain moment, confond travail et argent et croit qu’il permet d’accéder au Veau d’Or. Et que le Veau d’Or est seul désirable.

Les chapelles du pouvoir l’encouragent ou pactisent. Les ploutocrates en sont les nouveaux prêtres. Les masses en sont les adorateurs, ils le voient mais ne peuvent jamais le toucher. Et pourtant il est si réel, si proche, nous en entendons le son, nous en sentons l’odeur, nous voyons en permanence son éclat. Les médias célèbrent ceux qui en sont couverts.

L’argent n’est pas coupable. Son adoration, si! Comment une civilisation civilisée peut-elle encore au 21ème siècle tuer pour quelques dollars de plus ? Combien d’agriculteurs Maliens ou Brésiliens, de mineurs Russes ou Chinois en sont physiquement morts ? Combien d’enfants Français, d’écoliers Allemands, de cadres Anglais en sont psychologiquement morts, asservis à défendre le culte de l’argent.

L’argent n’est pas coupable, la cupidité, si!

Dans notre droit, la cupidité n’est pas un crime, c’est un mobile.

C’est dès l’école qu’il faut enseigner qu’il existe d’autres richesses qui ne coûtent rien et qui n’épuisent ni les hommes ni la planète. Le Savoir est au cœur de notre avenir. Il existe des valeurs désuètes comme la tolérance, le respect, l’amour, la culture, le pardon, la liberté, le courage, qui valent bien d’être enseignées en lieu et place du conditionnement vers le culte du Veau d’Or et le moyen d’en approcher à travers le couple production­-consommation.

L’artiste américaine Barbara Kruger en a fait une icône en composant une œuvre avec le texte « I shop, therefore I am » (j’achète donc je suis), en référence au trop lointain « je pense donc je suis ».

Le pouvoir peut tout. C’est donc au pouvoir de prendre l’initiative de changer les règles du jeu. Mais aucun pouvoir, pour l’instant, ne veut être le premier à s’engager de peur de se retrouver seul sur une nouvelle voie.

Aussi préfèrent-ils être tous ensemble sur le chemin de l’apocalypse.

Les pouvoirs sont en général en retard sur la rue car leur nature se borne à conserver le pouvoir.

Mais devant l’urgence écolonomique manifeste et la nécessité d’inventer de nouveaux objectifs à la « croissance » nous devons espérer que certains oseront évoluer.

Pour éviter un immobilisme suicidaire, il faut donc créer une adhésion de l’ensemble des populations à un désir de changement. La conspiration du pouvoir y est souhaita­ble car, comme nous le savons, c’est lui qui, dans une très large mesure, contrôle les opinions. Pour l’instant, seul l’Internet continue à échapper au contrôle, et il est souhaitable que cela continue si nous voulons pouvoir garantir la diffusion des contre-pouvoirs malgré les conser­vateurs de tous bords.

Le rôle des contre-pouvoirs est de formuler les autres voies possibles, souhaitables, nécessaires .

Il nous faut répéter, exposer et diffuser les aspirations à de nouvelles valeurs et comportements. Idéalement, il faut les « vendre » aux médias afin qu’ils deviennent incontournables. Lorsque la rumeur sera assez forte, les dirigeants alors, et seulement s’ils sont ‘éclairés’ oseront servir une nouvelle cause et adopter de nouvelles priorités. Sinon, il faudra qu’une nouvelle génération de dirigeants prenne le relais, mais nous aurons perdu un temps précieux.

Le changement nécessaire de notre système ne pourra se réaliser qu’avec la complicité de quelques dirigeants qui ont (ou auront) conquis le pouvoir d’imposer de nou­veaux objectifs Qualitatifs.

Le changement sera le résultat d’une conspiration (aussi au sens étymologique du terme : con spirare qui signifie respirer avec).

Il est temps que les dirigeants actuels et les prétendants à venir comprennent que nous avons besoin de nouveaux objectifs à la croissance et non d’une nouvelle tête à la tête pour rustiner ce système délétère.

Ce sont les aspirations, attitudes et comportements qui doivent évoluer. Seules ces mutations profondes des fondements de la société pourront mener à une dynamique vertueuse de nos sociétés.

La restauration de la Qualité en est le programme.

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