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Billet de blog 23 novembre 2009

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ECOLONOMIE : L'ethique épuisée

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5 - L’Ethique épuisée

Notre monde matérialiste est dominé par le culte du quantitatif et de l’Avoir.

La domination sans partage du quantitatif a été permise notamment par la perte de sens et d’audience des deux principales institutions qui faisaient la promotion du Qualitatif : l’Éducation Nationale et la Religion, l’école et l’église.

Toutes deux se sont figées sur des pratiques et des discours qui n’ont pas su évoluer à la vitesse de nos sociétés. Et pourtant l’une comme l’autre rassemblent des communautés immenses et ferventes venues pour apprendre et en quête de sens. Mais ces institutions sont figées dans des postures du passé alors même que nous n’avons jamais eu autant besoin d’elles.

L’Education Nationale en fait n’est pas un Mammouth, car un mammouth a une tête et une queue, or l’Education Nationale a mille têtes et plusieurs queues et d’ailleurs c’est la queue qui fait bouger la tête et non l’inverse.

L’éducation prépare mal nos enfants. Au mieux, elle enseigne le passé, et sert essentiellement à formater un « citoyens-type » qui, s’il est doué, fera un bon serviteur du système et touchera ses bonus, et sinon, un bon travailleur-consommateur obéissant.

Les écoles n’ont pas assez pris en compte le fait que le monde a évolué depuis que Jules Ferry instaura en 1881 " gratuité, obligation, laïcité ". La télévision, l’Internet et le portable ont profondément modifié le système de perception et d’apprentissage de la jeunesse. Tandis que les nouveaux médias sont « froids » en ce qu’ils sont solitaires, la rue et l’école ont pour vocation d’être des lieux « chauds » grâce à la convivialité qu’ils permettent. L’école doit donc être le lieu où l’apprentissage des valeurs nécessaires à la vie en communauté peut se faire. L’acquisition des connaissances doit désormais s’inscrire dans l’interactivité à laquelle les jeunes sont habitués. Loin d’être un abêtissement ou une limitation de leurs perceptions, les nouveaux médias pratiqués par les jeunes leurs ouvrent de nouveaux horizons et l’accès à des connaissances et des expériences qui font désormais de plus en plus partie de leurs acquis et de leur manière d’appréhender le monde.

Ainsi, non seulement l’éducation faillit, à force de standardisation, à enseigner les matières de base d’une façon épanouissante, mais de plus elle est en train de rater le virage de la modernité et néglige cruellement la part Qualitative de l’enseignement nécessaire et désirable pour notre jeunesse.

Je me souviens que tandis que la Pape, au mépris de la propagation du SIDA, condamnait une fois de plus les préservatifs, l’Abbé Pierre disait « Tromper sa femme est un pêché, mais le faire sans capote est un crime ! »

J’aurais aimé un Pape charismatique et prédicateur qui sache parler à son époque. J’aurais voulu des Imams qui ne soient pas assoiffés de pouvoir.

Les églises sont en faillite, soit parce qu’elles ont perdu leur clientèle car le produit n’a pas su évoluer, soit parce qu’elles s’égarent dans la matérialité.

Mais comme notre monde a toujours autant besoin de Valeurs, à défaut de grands courants, de petites ambitions prospèrent et de nouvelles églises apparaissent qui ne sont des sectes-business. Chacune entretient ses nouveaux évangélistes qui ne sont que des bonimenteurs qui nous rappellent tous les jours de suivre sagement les règles qui assurent le pouvoir et la fortune de leurs prédicateurs, actionnaires et dirigeants.

Rien de neuf, mais la méthode actuelle est insidieuse car il n’y plus de rassemblement et de contact direct entre les individus. Le commentaire du prêche au café après la messe a disparu. L’esprit critique s’est asséché.

Le salon a remplacé l’église, le téléviseur a remplacé le prie-dieu. Il a pris dans chaque foyer la place du petit autel familial et distille ses messages de manière uniforme dans le monde entier : « consommez et travaillez encore pour consommer toujours plus ! ». En effet, quel est le message délivré par TF1 ? Y en a-t’il un, au-delà du sacro-saint « travaillez-consommez » ? Un dirigeant de la chaîne avouait benoîtement qu’il ne faisait que « mettre du temps de cerveau humain à la disposition de ses annonceurs ». C’est hélas la stricte vérité de sa mission.

Le téléviseur a de plus, sur l’ancien autel, un grand avantage, il ne nous oblige pas à « aller vers », il suffit de s’affaler dans son canapé. Et il permet aussi de recevoir chez soi les jeux du stade et les divertissements qui n’oublient cependant pas de rappeler le culte fondamental du quantitatif lié à la consommation perpétuelle. Les fabricants de meubles savent que les deux articles qui se vendent le plus sont le canapé et la table basse, qui sont tous deux les accessoires du confort télévisuel. Même la nourriture est souvent calibrée et conditionnée pour pouvoir être transportée en doses individuelles et consommée en regardant la télé.

Que sont devenues les vraies Valeurs, celles des Religions que nos Eglises ont, pendant quelques siècles, défendu et imposé, avant de sombrer dans la volonté de pouvoir, puis dans la résistance aux changements, puis enfin dans l’archaïsme.

La notion même de Valeur laissée sans défenseurs ni héros semble s’être modifiée pour s’apparenter à la notion de prix. La notion de Valeur a été détournée et dévoyée par tous ceux qui préfèrent le quantifiable, le mesurable, le comparable, le chiffrable.

Et pourtant c’est bien de Valeurs que nous manquons pour nous guider et nous éloigner du bord du gouffre qui pourrait nous anéantir.

Lorsque les dinosaures se sont éteints à la suite d’un changement climatique cataclysmique, la terre a continué à exister. Serons nous les prochains dinosaures car nous aurons créé le cataclysme qui nous fera disparaître. La disparition progressive d’espèces animales et végétales sur la terre ne fait que nous avertir que nous créons les conditions d’une fin similaire.

Car il faut bien se rappeler que ce n’est pas la planète qui est en jeu, mais bien l’humanité. La planète, même dépeuplée, même sans les hommes, existera toujours.

A force de trop parler de la planète, le public a le sentiment de ne pas être concerné car cette dimension dépasse notre horizon quotidien.

La planète est une notion trop vaste pour que l’individu puisse se l’approprier et se convaincre qu’il est actif et agit quotidiennement sur son avenir. Osons dire qu’à travers la dégradation de la planète, ce ne sont pas seulement les baleines ou les ours polaires mais toute l’humanité qui est menacée. Les ours ne sont qu’un exemple de ce qui pourrait aussi nous arriver, mais qui se prend pour un ours ou une baleine ?

Aussi les seules valeurs, les seuls messages ayant un véritable impact sur les hommes, sont ceux qui se rapportent à l’humain, à vous, à moi, à chacun.

Nous devons redécouvrir les valeurs humaines qui font que les tensions et les conflits s’amenuisent, les valeurs qui permettent à la préservation d’être plus forte que la destruction, à l’avenir de guider le présent, à l’homme de respecter l’homme et son environnement.

Nous voulons l’avènement d’une nouvelle attitude qui soit suffisamment forte pour dépasser les voix du consumérisme et qui puisse orienter nos actes vers davantage de Qualitatif et moins de matérialisme.

Aujourd’hui nous avons plus besoin d’Ethique que d’Eglises.

Il a parfois suffi de 10 commandements pour guider les peuples !

Les mots attribués à André Malraux résonnent de plus en plus fort : « Le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas »

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