Il est parfois des moments étranges - je sais, ça ressemble un peu à un truc qui commencerait par "il était une fois", mais entre la fois unique - à ne pas confondre avec la foi ubique - ou oblique - ce que quelques consciencieux expliquent par le fait qu'une fois unique prend toujours un "s" assez singulier, alors que la foi ubique ne se partageant pas, n'en prend point, d'où nous mettrons un point final à cette stupide théorie des fois - avec ou sans "s" - sous peine de loger son âme - ou la notre - dans le foie - ou l'inverse, ce qui est plus logique ainsi que me le dirait mon psychiatre.
Bref, il était des fois où nous rencontrons parfois des moments étranges. Tiens, par exemple, lorsque nous - ou vous, puisqu'ici le vous est inclus dans le nous et non l'inverse - lorsque vous sortez d'une période de léthargie hospitalière - qui n'a d'ailleurs d'hospitalière que le nom - pour vous retrouver dans un bus bondé qui, lui, n'a strictement rien d'hospitalier du fait précisément de son bondage et que la seule chose que vous appréciez alors est de pouvoir piquer la place des vieux et des vieilles qui, d'ordinaire, vous emmerdent à bonder les bus aux heures de pointe plutôt que de rester vautrés dans leur fauteuil devant un truc télé à la con. Le seul avantage de cette inhospitalière léthargie ayant été de vous laisser aussi mince qu'un fil que n'importe qui sauf les aveugles est capable d'enfiler - comme il se doit, non dans le cul d'une mouche, mais dans le chas de l'aiguille que vous n'avez pas intérêt à confondre avec le cul du chat sous peine qu'il ne vous griffe si fort qu'il ne vous réveille de votre léthargie.
Donc, fort aise d'être assis dans ce bus bondé et lassé de dénigrer les vieilles et les vieux, vous vous prenez à contempler vos contemporains.
Etant en hiver, les jeunes filles plutôt que d'être en fleurs sont engoncées dans de sombres manteaux que leur envieraient les fossoyeurs et les esquimaux. Faute donc de pouvoir contempler leurs cuisses, et leurs visages transis de froid vous laissant aussi chaud qu'une plaque de marbre, vous vous prenez à regarder les mâles qui, après tout, constituent le quart de l'humanité - les trois autres, étant constitués des filles, des marmots et des vieillards, si l'on oublie le bien plus que quart monde des pauvres - mais on s'en fiche des pauvres, merdre ! Ca fait bien trop longtemps qu'ils nous les gonflent, ceux-là.
Et là, stupeur ! Cette contemplation de vos congénères masculins vous fait brusquement comprendre le pourquoi de la supériorité des mâles sur les femelles ; contrairement à celles-ci qui vous exposent leurs visages congelés, ceux-là ont couvert leurs visages de poils. Certes, cette couverture pileuse dont on se demande quel coiffeur peut bien la dompter et combien d'insectes et d'acariens peuvent la peupler, fait ressembler la plupart d'entre-eux à des lapins angoras croisés à des chèvres martiennes, mais on ne peut que rester quoi face à cette indéniable ingéniosité ; elle les protège des frimas glacés de l'hiver !
Décidément - et l'on ne perdra pas de temps à se demander en quel cerveau génial elle a pu germer - une telle invention, néanmoins, ne peut qu'émaner de la merveilleuse cervelle d'un mâle, et l'on peut même conjecturer qu'il s'agit d'un ancêtre méconnu de celui qui à inventé la mitrailleuse, lui-même ancêtre de celui qui a créé la bombe atomique.
A la décharge des femmes - qui n'ont même pas inventé le chas de l'aiguille dont elles se piquent parfois le doigt - et incidemment le chat - l'on doit dire que celles-ci ont assez à faire à ravauder les chaussettes de leurs mâles, à leur faire à bouffer, et à engendrer une progéniture qui, pour moitié, se composera de mâles aussi géniaux que leurs pères et qui, dès qu'ils auront du poil aux pattes n'auront qu'une hâte c'est de s'affubler de poils sur le visage avant que d'améliorer les performances de la mitraillette.
Mais qu'importe, cela n'enlève en rien à l'évidente supériorité de ces mâles qui ont inventé, en dépit de son extrême laideur, cet antigel portatif qu'est la barbe.
Certes, il existe une variété de mâles assez tordus pour planquer des mitrailleuses et autres grenades ou bombinettes dans leurs barbes en rêvant que cela leur ouvrira les portes d'un paradis orgiaque, mais mon bus arrivant à son terminus, ce sera pour une autre histoire.
Ceci-dit et pour conclure, mon bus était bondé de bobos beaufs rivalisants d'ingéniosité afin de porter une pilosité visagière plus ridicule que celle de son voisin, méfions-nous de cette suprématie masculine. Les bobos barbus ne risquent-t-ils pas de finir enturbannés avant de vêtir leurs bobofettes de strings niqab. Selon une mode actuelle, ils pourraient d'ailleurs se la peindre de bleu blanc rouge et cacher de petits flambeaux dedans, mais ce sera aussi pour une autre histoire.

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