El Gamonal, quartier populaire de Burgos, ville tantôt réactionnaire, tantôt libertaire* - selon le point de vue des « españolitos » dont parlait Machado - vient de gagner une bataille citoyenne (la « guéguerre », elle, n'est pas finie, il ne faut pas se faire illusion: les rapaces volent au-dessus d'un budget public qu'ils considèrent comme acquis ).
Burgos, ville discrète aujourd'hui mais toujours au cœur de l'histoire du pays. Elle fut, l'espace de quelques siècles, suivant l'avancée et les besoins de la « Reconquête » des territoires de l'ancien royaume Wisigoth, capitale de la de plus en plus puissante Castille.
Burgos dont l'un des quartier, le plus peuplé, vient donc de faire céder une municipalité qui n'a pas l'habitude de se déclarer vaincue face au peuple. Pourtant, ce vendredi, le Maire (PP) vient de capituler et de déclarer l'arrêt définitif(?) des travaux prévus sur la rue Vitoria, imposition par la force d'un urbanisme débridé, pompe nationale à détournements et prévarications qui a détruit la cohésion sociale dans le pays en plus de ses zones naturelles et littoral, et qu'ici ne convenait plus à la majorité de voisins habitant ce quartier.
Mais quelles sont donc les raisins raisons de la colère au début de l'opposition démocratique participative, qui essaie d'abord la parole puis la violence, au projet municipal d'investissement urbain et d'« embellissement » et modernité du quartier - disaient les porteurs et, comme par hasard, principaux bénéficiaires récepteurs de l'investissement public du projet -
rue Vitoria - El Gamonal - Burgos
Alors que les voisins de ce quartier de 60.000 habitants sur les 180.000 qui compte la ville, constatent les manques d'investissements pour pallier à l'appauvrissement des familles, les manques et coupures dans les budgets publics pour l'Ecole, les garderies, les hôpitaux, la précarité de l'emploi et les baisses constantes de salaires pour celles et ceux qui le conservent ... ils apprennent que la municipalité prévoit un budget de 8,5 millions d'euros pour la construction d'un boulevard qui traverserait la rue Vitoria, artère principale du quartier.
Boulevard à deux voies (actuellement quatre) qui serait situé sur un parking souterrain destiné à devenir concession privée et supprimerait ainsi le droit des riverains, souvent gratuit, à garer leurs véhicules, renchérissant une fois de plus le coût de la vie des utilisateurs.
La contestation s'initie spontanément à travers des mouvements pacifiques de voisins suivant le modèle des « indignados » et, à la manière du 15-M, avec des commissions de travail refusant toute violence, donnant priorité à la parole, se basant sur l'argument des difficultés économiques que traversent le quartier, la ville et le pays, disant en somme : "ce n'est pas le moment d'investir ou moderniser l'infrastructure de la ville, la priorité est au social, à l'humain"».
Assemblée populaire pour s'informer et décider de la suite à donner...
Devant le mutisme et le refus d'écoute, de négocier, de la majorité municipale et de son principal élu, MR. Lacalle (Larue(!)) le mouvement pacifique commence à s'échauffer et durant quelques semaines les nuits du quartier, malgré les menaces de la nouvelle loi en projet de « sécurité citoyenne »** et de la désinformation au niveau national des dirigeants du PP, à la tête du gouvernement central, de la communauté autonome et de la municipalité, qui essaient par tous le moyens de dénigrer voire diaboliser les actions démocratiques participatives de ces gens, le mouvement gagne en soutiens actifs et en actions, hélas, qui dépassent les intentions initiales...
L'information commence aussi à circuler. L'on apprend ainsi les irrégularités constatées durant l'appel d'offres et attribution des oeuvres, dont l'entreprise bénéficiaire est MBG imbrication d'entreprises immobilières, de presse et de communication dont les initiales correspondent aux prénoms des dirigeants et enfants d'un entrepreneur convaincu de corruption et prévarication, qui fut condamné dans les années 90 à peine de prison, et dont le nom est lié depuis des décennies* à l'urbanisme débridé de la région. Il est président de la Chambre de Commerce, de plusieurs fondations à but non lucratif... d'archéologie et recherche sur l'évolution de l'humanité(!) et propriétaire du journal « El Diario de Burgos » Son nom circule également parmi les noms impliqués dans "le cas Gürtel" de corruption au niveau national.
http://www.eldiario.e/Exclusiva-adjudico-obra-bulevar-Gamonal_6_219138085.html
Du temps et de l'énergie, je ne dirais pas perdus puisque la citoyenneté a gagné, et les citoyens espagnols avaient bien besoin de cette petite victoire, mais tout de même, à quand l'exigence des peuples pour une réelle démocratie participative...
"Personne ne sait tout sur tout: pas plus l'élu que le citoyen, pas plus le technicien que l'usager. Il faut savoir reconnaître la variété de compétences et ne pas s'interdire d'en mobiliser aucune. C'est pourquoi tout projet politique doit s'appuyer sur une phase d'écoute et se réaliser dans le respect des gens qu'il concerne. Cela ne veut pas dire qu'on écoute sans décider, mais au contraire qu'on décide, enrichi par une intelligence collective. C'est une méthode d'action publique à la fois juste et durable."
Ségolène Royal - "Si la gauche veut des idées" - coécrit avec le sociologue Alain Touraine
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* ville tantôt réactionnaire, tantôt libertaire:
C'est, selon la légende qui accompagne la figure du CID, à l'église de Santa Gadea de Burgos que Don Rodrigo Ruy Diaz de Vivar fut jurer au roi de Castille ne pas avoir participé à l'assassinat de son frère, hardiesse libertaire qui lui valut toutes les vicissitudes que l'on connait par la suite...
C'est de cette ville qui partit dans un premier temps le mouvement de "los Comuneros de Castilla" qui en 1520 opposa le peuple (et ses nobles) à Charles I pour rapidement se rendre et trahir le mouvement.
C'est de cette ville que Franco se déclara en octobre 1936 chef des armées s'opposant à la République et c'est d'ici qui partit le dernier communiqué déclarant "la guerre est finie" signé FRANCO, le 1er avril 1939.
Enfin c'est ici qu'un quartier populaire a mis en échec une classe corrompue qui usait et abusait des prébendes que le franquisme leur octroya!
** Le projet de Loi de Sécurité Citoyenne approuvé par le Conseil de Ministres, en attente de promulgation, prévoit:
- sept types d'infractions très graves sanctionnées avec amendes allant de 30.001 a 600.000 euros,
- plus 31 types d'infractions dites graves dont les amendes peuvent aller de 1.001 à 30.000 euros,
- et 20 infractions légères punies d'amendes de 100 à 1.000 euros.
Inutile de préciser que de cette conception de « sécurité citoyenne » sont exclues la corruption et la prévarication qui détruisent la solidarité et le vivre ensemble mais s'occupe uniquement des manifestations de l'expression citoyennes et du degré de gravité que les donneurs d'ordres veulent donner aux rédacteurs des textes pour discréditer et acculer ce type de pratiques d'interventions et implication démocratique. « Loi bâillon » l'appellent les transgresseurs en puissance.
http://www.publico.es/politica/485865/que-sanciona-la-nueva-ley-de-seguridad-ciudadana