La "Transition espagnole" processus exemplaire pour les peuples qui se libèrent de régimes dictatoriaux ou *"asignatura pendiente" (oral de rattrapage en attente) qu'un jour ou l'autre il faudra affronter si l'on veut accéder au niveau suivant?
La société espagnole depuis quelques années cherche à passer cet "oral de rattrapage" sans pour autant y arriver. Exemple? le devenir du Juge Garzon qui après avoir réussi contre Pinochet et d'autres tortionnaires latino-américains a échoué (et avec lui toute la société) à son rattrapage de l'"asignatura pendiente" du pays.
* c'est cette métaphore que l'imaginaire collectif utilisa pour justifier le désir de ne pas juger dans l'immédiat les actes délictueux commis par les franquistes/putschistes à l'encontre de la République tout comme la cruauté de la période de l'après-guerre, préférant aller de l'avant et s'occuper d'instaurer la démocratie.
Une nouvelle générations d'écrivain(e)s, encore enfants à la mort du dictateur, prend possession de panorama littéraire, s'approprie du thème et décrit avec leur vision "post" - postérieure à la guerre civile et postérieure à l'après guerre (les années de la torture et de l'avilissement) -
Servira-t-elle d'exutoire, arrivera-t-elle à exorciser la panique qui s'empare du pays lorsqu'il essaie de passer cette épreuve laissée trop longtemps en attente? Arrivera-t-elle à faire la transition de la Transition?
El Pais de ce jour met en avant quelques noms de cette génération:
http://www.elpais.com/articulo/cultura/Relato/mito/Transicion/elpepicul/20110331elpepicul_1/Tes
Par exemple, Javier Cercas (Les Soldats de Salamine), qui a treize ans lors de la mort de Franco et joue au tennis avec son ami ce jour comme les autres, sans se sentir concerné par l'événement.
En 1981, il en a 19 lors du 23-F, date de l'essai du "coup d'Etat" des nostalgiques fascistes contre la démocratie espagnole.
De cet instant, il dit:
"Un: A mon avis, c'est ici qui commence vraiment l'étape démocratique et finit la Transition mais pas seulement, finissent aussi la guerre civile et l'après-guerre (après-guerre qui ne fut que prolongation de la guerre par d'autres moyens)"
"Deux: Ce fut la dernière geste épique de l'Histoire d'Espagne, avec Suarez, Gutierrez Mellado et Carrillo impassibles à leur place, sur leurs bancs de l'Assemblée, tandis que les putschistes tiraient à balles réelles". "
"Trois: C'est sur ce 23-F qui confluent tous les démons de notre passé récent, notre "assassinat Kennedy" à nous, la trame de la fiction collective de ces dernières 40 années, fondamentalement créée par les propres pustchistes, par de journalistes très pressés mais peu scrupuleux et par la fantaisie populaire."

Pour Benjamín Prado, à propos de la Transition que d'autres appellent avec ironie "Transaction": "Si elle est admirable je me refuse à dire qu'elle fut parfaite; que l'on puisse penser ainsi solder 38 années de dictature est, pour le moins, assez naïf"

[i]
Dans cette fiction, le récit réel de la tuerie - dite d'Atocha - en 1977, en pleine Transition, des avocats des Comisiones Obreras, par des tueurs de l'ultra-droite en rage:
http://www.elpais.com/recorte/20110331elpepicul_1/LCO340/Ies/Funeral_abogados_Atocha.jpg
Rafael Reig dit: "Jusqu'ici ce sont nos frères ainés qui l'ont vécu et en ont parlé, mais tout ceci fait partie de nos vies et peut-être que notre vision de la Transition n'est pas aussi complaisante"
Pour Ignacio Martínez de Pisón (Le Temps des Femmes) 'La société espagnole s'est forcée a oublier la violence politique qui accompagna la Transition..." et à propos du 23-F "c'est un épisode qui, à mon avis, a déterminé la maturation démocratique de sa génération, qui durant l'espace de quelques heures vécut la crainte du retour à la dictature militaire".

Editions Seix Barral 2011
" Pour notre génération, la mort de Franco c'est vraiment le seul fait important qui nous soit arrivé. Nous sommes passés de vivre sous une dictature à vivre en démocratie. Dit ainsi, cela semble facile mais ça ne le fut pas, absolument pas."
Pour Antonio Orejudo: "La médiocrité et la corruption du franquisme fut prolongée par ces jeunes qu'à l'arrivée au pouvoir du PSOE se sont dit "c'est le moment pour moi". Parmi eux, il y avait beaucoup de gens de grande valeur morale mais aussi beaucoup de profiteurs"
La question de la "Transition" ou "règlement de comptes en temps réel ou en différé?" reste donc ouverte, sans doute à jamais.