En attendant de passer à table, en famille, en cette soirée de fin d'année 2008, je vais essayer de partager cette ode qui me taraude depuis un moment.
Ce n'est pas, d'ailleurs, mon message mais celui de Miguel Hernàndez, ouvrier agricole auto-didacte, républicain espagnol, poète "maudit" du franquisme de même que son ami Garcia Lorca. Mort en prison.
A l'écoute des événements de l'année sur les ondes durant cet après-midi, je n'ai plus envie d'exprimer des voeux de bonheur pour 2009, que des voeux de solidarité humaine et de fraternité suffiront.
Même si le mot victime ne fait plus partie du vocabulaire "politiquement correct" et véhicule une connotation réductrice, je désire dédier ce cri humain à tous les hommes et femmes victimes de la faim, victimes des guerres, de toutes les guerres, victimes du froid, victimes d'humiliations et spoliations... à de millions d'hommes et de femmes, donc, de par le monde et de par chez nous.
Le dédier aussi aux âmes sous l'emprise, victimes donc, de la faim de pouvoir, de la faim de domination, de la voracité rapace et de la passion de l'argent, qui leur fait devenir semblables à de tigres affamés...
Voici ce chant qui appelle à l'humanité de l'homme, qui croit, donc, dans l'humanité des hommes :
Par la faim retourne l'homme au labyrinthe
ou la vie n'y habite que sinistrement seule.
Réapparaît la bête fauve qui retrouve ses instincts,
ses pattes recourbées, ses rancunes, sa queue.
Il rejette les études et les acquis,
et enlève son masque, la peau de la culture,
les yeux de la science, la couche de la connaissance
qu'à posteriori la recherche lui procure.
Et alors, il ne sait que du mal, de l'extermination.
Il invente des gaz, lance des engins destructeurs,
il revient au sabot, recule au domaine
des canines, et avance en cannibale.
Il s'entraîne à la bestialité, et ainsi attrape la cuillère
bien disposé à ce que personne ne s'approche de la table.
C'est alors que je regarde et vois le monde à travers de meutes de tigres affamés,
et cette vision à mes yeux fait horreur et devient pesante.
Mais mon âme n'a pas tant de tigre admis,
autant de chacal dans son sein que le vin, le pain, la terre que touche
ma faim ne tienne pas à partager
avec d'autres faims mises avec noblesse en bouche.
Aidez-moi à être homme; no me laissez pas être bête fauve
affamée, carnassière, encerclée éternellement.
Moi, animal familier, avec ce sang ouvrier
je vous donne l'humanité qui est en nous et que mon chant pressent.
Miguel Hernàndez 1910/1942 - El hambre -