Il nous avait déçu.
Avait-il abandonné ses rêves d’enfants ? Voler était-il vraiment impossible ? En tout cas une pluie de grenouilles à l’époque ça le faisait. Moi du moins j’y croyais. Comme la nature, le cinéma est capable de surprendre. Tout ce qui faisait de Paul Thomas Anderson un réalisateur à part, indépendant aux USA, le culot de Boogie Nights, la fraîcheur de Magnolia, l’ivresse de Punch-Drunk Love. Envolé.
Ou bien était-ce cela, There will be blood, le joujou tant attendu ? Paul Thomas Anderson aspirait-il en réalité à Hollywood ? Mais alors le(s)quel(s) de ses films étaient à occulter ? Les trois premiers seraient-ils une erreur de parcours ?
Malheureusement There will be blood n’est pas à la hauteur de son ambition. Il a choisi la « grande forme » (voir les Cahiers de mars 2008) pour s’attaquer au mythe de la déchéance d’un homme. Se confronter à l’Histoire du cinéma américain, c’est risquer de devoir faire des courbettes devant Welles et Kazan. Sans parler des Coppola et Scorsese. Ce dernier a ressassé le thème jusque et y compris encore il y a quelques années avec Aviator. Mais on l’excuse. Il semble que ce soit son dada. Il avait saisi la balle au bond. Maintenant il est has been. Et il nous raconte en boucle la même histoire. Il paraît d’ailleurs que l’on raconte toute notre vie, sans cesse, la même histoire. Je me demande, avec ses trois films précédents, quelle histoire nous raconte Paul Thomas Anderson… Celle de l’enfant prodige, génie naïf et innocent, devenu aujourd’hui une grande personne ? Un adulte ambitieux arrogant et plein aux as qui délaisse ses rejetons imparfaits pour la gloire, à la manière de Daniel Day-Lewis qui après s’être servi de lui abandonne son petit garçon handicapé ? Et qui vieillard alcoolique grossier et j’en passe ne reconnaît plus son propre fils, et dans l’espace de cinq minutes tente de résoudre le film en lui racontant sa « vraie » histoire. Ne parlons pas de l’ultime confrontation avec le pasteur sur une vulgaire piste de bowling. Méchant capitalisme VS Protestantisme allumé mais honnête et généreux. Absence totale de subtilité. Fini la rigueur et la complexité. Super Anderson. Je m’en serais bien passé.
C’est drôle de voir comme un titre suffit parfois à mesurer l’ambition d’un film. Et sa prétention. Avec There will be blood, on songe à quoi tu rêves. Ça va saigner.
Billet de blog 10 avril 2008
There will be blood : ça va saigner.
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