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Billet de blog 15 avril 2008

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Salò, pour une critique de la société de consommation : le sexe comme métaphore du pouvoir (4)

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Les précédents films de Pasolini, et en particulier la « Trilogie de la Vie », présentaient le sexe comme une joie, une libération, et par là la nostalgie d’un passé révolu. Il y posait le postulat selon lequel le peuple a un accès aisé au plaisir, « quelque chose que rien ni personne ne peut entamer » (Serge DANEY, « Note sur Salò », in Cinéma n° 211, 1976, p. 102). En revanche, dans Salò, les « puissants », qui se doivent d’assouvir la «fiction de leur désir », mettent en scène la jouissance de leurs sujets, espérant en vain y trouver leur secret. Sujet qui se transforme bientôt en objet et le sexe se met à symboliser le corps réduit à l’état de marchandise (ou, selon Marx, la réification de l’homme). Pasolini considère à ce propos que, si le nazisme a agi ainsi de manière grossière et directe, « depuis, le pouvoir n’a pas changé. Le pouvoir, à présent, au lieu de manipuler les corps à la manière atroce d’Hitler, les manipule d’une autre façon, mais il réussit toujours à les déformer, à en faire de la marchandise » (Pier Paolo PASOLINI, « Notes sur le film », Les artistes associés, Paris). La société dans laquelle nous vivons serait « permissive par obligation ». La tolérance actuelle, émanant du pouvoir, n’est pas réelle en ce qu’elle exige une contrepartie dans la consommation. L’hédonisme de cette dernière permettrait, en échange, la prolifération du couple hétérosexuel, et y trouverait son compte. Si les parents en sont, les enfants en seront aussi. Bien que le coït ait toujours été affaire de société, il le serait aujourd’hui plus que jamais. Etre en couple serait, non plus une liberté, mais une obligation, dans la mesure où l’on craindrait de ne pas être à la hauteur des libertés qu’on nous octroie. A peine pubères, les jeunes seraient intégrés à cette « machine du sexe » et perdraient aussitôt toute possibilité d’exaltation et de plaisir véritable. Y voyant une nouvelle forme de totalitarisme, Pasolini déclare dans ses Ecrits corsaires, peut-être de manière un peu trop absolue : « Dans une société où tout est interdit, on peut tout faire ; dans une société où quelque chose est permis, on ne peut faire que ce quelque chose ». A l’exception de notre « permission », le reste serait tabou. Et à mesure que s’accroît la permissivité à l’égard du « coït normal », l’agressivité grandit vis-à-vis des marginaux. N’ayant pas été conquise par le bas mais concédée par le haut, la liberté sexuelle n’existe que pour la majorité. « Toutes les minorités sont exclues de la grande bouffe névrotique. Ceux qui sont encore classiquement pauvres, maintes femmes, les gens laids, les malades et (…) les homosexuels sont exclus de l’exercice de la liberté d’une majorité qui, tout en profitant d’une tolérance illusoire, n’a jamais, en fait, été aussi intolérante ». La vieille sexophobie catholique combinée au nouveau mépris laïque voit dans l’homosexualité un « mal » refoulé, qui en devient dégradant, voire démoniaque. Et Salò de devenir le lieu de représentation propre à la société bourgeoise du « sexe comme obligation et laideur ».

A suivre...

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