Joan Plancade

Abonné·e de Mediapart

8 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 mai 2013

Joan Plancade

Abonné·e de Mediapart

Les écueils de la polarisation idéologique

A chaque choc de société, comme le soulignaient les interlocuteurs du débat Mediapart sur le mariage pour tous, le peuple de gauche semble « redécouvrir » la frange conservatrice catholique de la France, comme se fût le cas en 1984 avec l'école libre, ou dans une moindre lors du traumatisme de 2002.

Joan Plancade

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A chaque choc de société, comme le soulignaient les interlocuteurs du débat Mediapart sur le mariage pour tous, le peuple de gauche semble « redécouvrir » la frange conservatrice catholique de la France, comme se fût le cas en 1984 avec l'école libre, ou dans une moindre lors du traumatisme de 2002. Pourtant, plus habituée à prendre les urnes que la rue, cette dernière avait porté à l 'Assemblée Nationale au lendemain de Mai 68 la plus forte majorité gaullienne qu'ait connu la Vème République, cette majorité habituellement « silencieuse » se rappelant dès lors régulièrement à notre bon souvenir.

Débattre sans ostraciser.

Si la négation ou minimisation de cette frange crée régulièrement la surprise, c'est bien sur la stigmatisation de celle-ci et sur sa réduction aux débordements -certes très graves- de son aile extrémiste, qu'elle prospère. L'analogie est tentante avec la montée du FN dans le cadre bien-pensant des années 80, où Jean-Marie Le Pen représentait une tribune inespérée à tous ceux qui ne pouvaient ne serait-ce que débattre de certains thèmes sans être ostracisés (comme le montre la rétrospective sur la montée du FN -qui apprend peu mais retrace bien- d'hier sur France 3).

Il serait donc extrêmement dangereux de céder à une forme de totalitarisme intellectuel de gauche. De la même façon que tous ceux qui ne pensaient pas comme Staline n'étaient pas majoritairement des « ennemis du peuples » ou des « fascistes », les anti-  « mariage pour tous » ne doivent pas se réduire à des « homophobes » et à la résurgence d'une « France pétainiste » (terme entendu lors du débat). Le fait que cette minorité au sein du mouvement fasse l'objet de la majorité de la couverture médiatique renvoie à la responsabilité des journalistes dans la présentation de l' événement.

La France, nation dogmatique et idéologique par essence, puisque l'appartenance à cette dernière relève non d'une définition de type ethnique, mais bien par l'adhésion à un faisceau de valeurs communes, est un terreau fertile pour la politisation excessive d'un débat impliquant à la base la société civile, comme cela se produisit en Mai 68. Il ne s'agit pas de tomber dans un pragmatisme excessif (dont nous ne serions d'ailleurs pas capable) en niant la dimension essentielle de la symbolique qui anime et passionne ; cependant, la plupart des français s'accordent sur une stricte égalité de droit entre les couples hétérosexuels et homosexuels. Finalement, il n'y aurait plus grande différence en termes de droits entre un mariage pour tous « a minima » et l' « Union civile » proposée par Frigide Barjot et consorts, tendant à réduire la question à sa dimension symbolique et sémantique autour du mot « mariage ».

Ne pas diluer les enjeux essentiels.

Le risque serait d'éloigner les débats de la considération essentielle et l'évolution majeure de société à venir : l'adoption (ou procréation assistée) par de couples homosexuels, qui bien que débattue, s'est souvent retrouvée noyée dans le flots des passions. Nous avons affaire ici à une considération sociologique profonde, renvoyant à un nouveau modèle d'éducation à l'écart des préjugés, dans le respect de l'autre et de la différence, qui représente un défi colossal de travail sur le long terme des mentalités, dans un vieux pays conservateur et pétri de traditions.

Il semble que dans une phase ou le modèle familial traditionnel explose (familles décomposées et recomposées), ou beaucoup de parents se retrouvent dans la difficulté d'élever convenablement leurs enfants, le moment semble opportun pour une remise à plat des structures. Le parcours du combattant que représente la procédure d'adoption, avec ses contrôles par des autorités compétentes représente un filtre intéressant, pouvant prémunir contre les drames (maltraitances, abandons) rencontrés dans beaucoup de situations de procréation « classique », ce pourquoi l'expérience vaut certainement la peine d'être tentée.
Il n'en reste pas moins que réduire la question au simple « droit des parents » tend à la négation de la spécificité humaine de l'enfant, et ne rentre pas dans le cadre de l'égalité constitutionnelle, comme le rapport au fisc ou à la succession. Il s'agit bien d'une aventure humaine et sociétale, qui doit être tentée, mais sans en nier les réels enjeux.

Le spectre de la division.

Le risque de la politisation des débats et du clivage idéologique reste d'en diluer les aspects centraux, le dogmatisme « à la française » nuisant souvent à l'efficacité politique. Certes, on a beaucoup souligné « l'écran de fumée » qui a facilité le passage en force d'une loi sociale scélérate historique venant d'un gouvernement de gauche, entraînant une réaction limitée auprès d'un peuple émoussé par plusieurs semaines de confrontation passionnée ; mais également, on a mis en exergue les clivages existants au sein de la société française à l'heure ou chez nos voisins européens, la recherche du consensus -voir l' « union nationale »- semble un préalable pour sortir d'une crise économique et de société profonde.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.