Lundi, la France s'est réveillée avec la gueule de bois, comme un lundi, un peu plus dur que les autres, Apres trois jours d'horreur et de traque et une journée de recueillement aux accents trompeurs d'unité nationale retrouvée, la vie reprend son cours, à Paris comme ailleurs.
Je ne fustigerai pas l'évidente récupération politique des décideurs liberticides qui il y a peu s'évertuaient à museler la presse ou Dieudonné, que je ne porte pas dans mon coeur par ailleurs, mais dont les propos blessants n'éveillaient manifestement pas d'appel à la défense de la liberté d'expression. Je ne m'attarderai pas sur ces francais rendant un hommage vibrant à leur police et leur travail "héroïque", les mêmes qui il y a un mois conchiaient les flics suite à la mort d'un jeune lors des manifestations contre le barrage de Sivens, dans le Tarn.
Je me contenterai de poser la question: et après? Que restera-t-il de ce 11 janvier?
La France n'a pas la gueule de bois de 4 jours d'événements. La France à la gueule de bois de 30 ans de politique de l'autruche, où la République démissionnaire a abandonné un pan de sa population, musulman ou pas. En délaissant délibérément des quartiers où le non-droit, loin de déboucher sur le chaos, a abouti à d'autres formes de structuration. Où une jeunesse sans avenir, subissant l'échec scolaire, la discrimination à l'emploi, l'éloignement de l'Etat, s'est tourné vers les réseaux de délinquance. Puis voulant s'en sortir, vers des prédicateurs, qui ont su leur proposer ce que la société française n' a pas été en mesure de faire: un projet, un espoir.
l'Espoir, justement, ce livre d'André Malraux racontant l'histoire de cette jeunesse de l'entre-deux guerre, minée par le désenchantement résultant du premier conflit. Cette jeunesse de toute l'Europe qui a pris les armes pour combattre ce qu'elle estimait une injustice, le développement du fascisme, aux côtés des républicains espagnols. Aujourd'hui une autre génération souffre des inégalités et de la discrimination sur le sol français. Ce sentiment trouve un écho dans la politique israelo-américaine au Moyen-Orient,jugée hégémonique et justifiée (comme en Irak par le passé) souvent fallacieusement. Le Djihad, c'est leur guerre d'Espagne à eux.
Quelle réponse va apporter une société ayant abandonné une partie de sa population? sûrement s'attaquer aux symptômes plutôt qu'aux causes. Lancer un Patriot act à la française, et jouer les va-t-en guerre au Proche et Moyen-Orient. C'est plus visible, ça rassurera l'opinion. C'est surtout plus simple que de s'attaquer au fond du problème, et proposer un projet collectif dans lesquels chacun puisse s'incarner. Dans la société désacralisée, tout est bon pour se raccrocher, surtout les extrêmes. Montée du FN, montée du fondamentalisme, même combat. Laissez une société sans projet, sans espoir, les gens se raccrocheront à n'importe quoi.
N'oublions pas que les plus belles devises, y compris celle de la France si souvent scandée hier, finissent par sonner creux si elles ne sont pas suivies des faits.