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Billet de blog 17 mai 2013

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Systèmes d'échanges locaux (SEL): la Révolution par en bas

Et si les plus grands changements de société commençaient de façon insignifiante ?Rappelons tout d'abord ce que sont les Systèmes d'échanges locaux, appelés SEL : il s'agit de réseaux locaux (il en existe un peu partout en Europe, certainement en bas de chez vous), proposant un échange de services non « monétarisé ».

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Et si les plus grands changements de société commençaient de façon insignifiante ?

Rappelons tout d'abord ce que sont les Systèmes d'échanges locaux, appelés SEL : il s'agit de réseaux locaux (il en existe un peu partout en Europe, certainement en bas de chez vous), proposant un échange de services non « monétarisé ». Chacun peut offrir une compétence ou production propre (jardinage, massage, légumes du jardin, aide administrative ou informatique...) et en contrepartie demander une aide, matérielle ou de service. La contrepartie n'est pas bilatérale, on ne rend pas nécessairement à la personne qui donne mais au réseau, et l'unité de mesure est horaire (une heure de prestation est symbolisée par une unité, une variété de nom existent mais le principe reste partout le même).

En très fort développement depuis le début de la crise économique, on a souvent analysé le phénomène comme un retour au troc, un insignifiant appoint, palliatif à une conjoncture morose. Pourtant, membre d'un SEL en Suisse romande, il me semble que les implications de ce type de systèmes vont plus loin, en termes humains et de modèle économique.
Le rapport de l'homme à la tâche en apparaît sensiblement modifié ; en effet, le système est basé sur l'échange librement consenti : offrant et bénéficiaire doivent se mettre d'accord, rien n' oblige à prendre et à donner. Il s'agit donc d'un choix répété, à la différence de l'activité laborale, où la signature du contrat met pur et simplement le salarié à la disposition de son employeur.

La conséquence directe est qu'il en va de même pour les relations humaines : ne répondant pas à la contrainte du rapport professionnel standard qui tend à déshumaniser le salarié en le cantonnant à sa dimension productive et à sa rentabilité, l'  « offrant » donne dans le cadre du SEL le maximum dans ce qu'il a choisi de faire (et quand il l'a choisi), et le recevant accepte d'autant mieux le service qu'il a établi un contact préalable avec le premier. Par ailleurs, le SEL facilite les rapports sociaux en plaçant tous les travailleurs sur un pied d'égalité ; une heure de prestation d'un l'informaticien qualifié équivaut à une heure de ménage. Reconnaissance de la pénibilité face à la qualification, absence de hiérarchisation, un idéal de gauche revisité en somme !

Ainsi, au delà du simple échange de service, les SEL permettent de tisser un véritable tissu social de quartier, en sortant les plus fragiles de l'isolement. Un étudiant donnant des conseils très basiques d'informatique a une personne âgée fait beaucoup plus que trois clics sur un document Word ; il maintient la solidarité intergénérationnelle et peut en retirer un sentiment légitimé d'utilité sociale que la société peine parfois à donner aux plus jeunes.

Cette forme de rapports remet donc l'humain au centre de l'échange et non au service de la société marchande. Dans le cadre du SEL, chacun est amené à réfléchir sur ce qu'il peut apporter à la communauté, même si ces compétences ne sont par forcément valorisées sur le marché du travail, mais également à formuler ses besoins rappelant ainsi, contre la logique individualiste contemporaine, que les êtres humains sont tous interdépendants.

Les enjeux soulevés par ce type de systèmes vont donc beaucoup plus loin qu'un simple retour au troc favorisé par la crise. Ce qu il faut en retenir, c'est que la dimension locale permet de « ré-humaniser » les rapports et de lutter contre un sentiment d'impuissance généralement partagé face à un système en crise ; et que le nouveau modèle de société se construit peut-être actuellement..en bas de chez vous.

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