... Il semble bien que ce soit le cas ( et ce n'est pas nouveau.) En voici un éclairage "in vivo" donné par Godefroy Clair, ingénieur d’études à l’université Paris 8 , Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7 , Aymeric Monville, directeur des éditions Delga. ( voir le texte de la pétition en 2è partie)...
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Échanges divers sur la censure régnant à la bibliothèque Pierre Mendès-France (PMF) - Paris et dans les autres les bibliothèques universitaires, 16-31 janvier 2015
( http://www.historiographie.info/debats.html )
En voici quelques extraits éclairants:
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
Cher amis,
Vous trouverez ci-dessous des échanges explicites sur la gravité de la censure et de l’autocensure qui sévissent, de plus en plus rigoureusement, dans les universités et notamment dans les sciences sociales, situation que reflète la « politique d’achat » des bibliothèques universitaires.
J’en reproduis tous les éléments, y compris ceux qui ont déjà été diffusés dans le premier message transmis, le 20 janvier 2015.
J’observe que si M. Molinier, bibliothécaire à la bibliothèque PMF de l’université Paris 1, n’est pas l’unique responsable de cette censure, il l’assume cependant pleinement, avec une arrogance non dépourvue de violence, surtout quand il ne connaît pas ses interlocuteurs. Le démontrent formellement 1° sa réponse négligente à un lecteur pris pour un étudiant, Godefroy Clair, et 2° plus brutalement encore, sa lettre à Pierre Moret, un correspondant qui a protesté contre les pratiques que j’avais mises en cause auprès du directeur de la bibliothèque universitaire PMF de Paris 1, Daniel Keller. Inutile de préciser que ces deux correspondants m’ont donné la liberté de mentionner leur nom.
Vous noterez également à quel point M. Molinier brocarde, dans son courriel à M. Moret (20 janvier 2015 11:36:37), la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine de Nanterre bibliothèque (de 3e cycle) (et par ailleurs centre d’archives) vers laquelle je dirigeais systématiquement les étudiants et qui se caractérise par son souci de pluralisme et de qualité académique internationale : elle est ridiculisée pour avoir eu l’audace de détenir seule l’ouvrage, interdit partout ailleurs, et « qui a d'ailleurs très probablement été acquis au titre du dépôt légal et non par une procédure d'acquisition choisie. »
Les termes a priori et très probablement sont devenus des critères de raisonnement et de choix de la production académique offerte aux étudiants dans les établissements universitaires.
M. Keller, directement interpellé en tant que directeur de la bibliothèque PMF de Paris 1 par divers intervenants de cette affaire, a jusqu’ici (22 janvier 2015) chargé son subordonné Guillaume Molinier de répondre à toute demande ou protestation sans accuser réception d’aucun message.
Au cas où certains penseraient, comme m’en accuse Guillaume Molinier dans le message de plainte amère qu’il m’a envoyé le mardi 20 janvier 2015 15:00, que les puissants réseaux bolcheviques œuvrant en France, et notamment les miens, martyrisent des fonctionnaires scrupuleux remplissant leurs missions en toute neutralité et scientificité, je rappelle la réalité de la situation. Censure absolue contre les « dissidents », d’un côté et choix idéologiques affirmés, monocolores et unilatéraux, de l’autre, règnent de pair.
L’ouvrage sur Staline et l’URSS de 1939 à 1953 d’un historien reconnu « de référence » par une large communauté académique, Geoffrey Roberts, est exclu de presque toutes les bibliothèques universitaires en France (sauf sept, pour sa seule version originale en anglais) et de tout accès, pour sa version traduite parue en septembre 2014 chez Delga, petit éditeur indépendant. Les guerres de Staline a été exclu « a priori » à la bibliothèque PMF de Paris 1. Les « titres » des éditions Delga (dont M. Molinier a recensé quatorze, après coup), ont été présentés dans un premier temps à Godefroy Clair comme également exclus « a priori ». Cependant que dans la même bibliothèque, les productions non-scientifiques et strictement idéologiques consacrées à l’URSS en général et à Staline en particulier sont acquises de façon systématique.
La censure, et il convient d’y insister pour prévenir un éventuel argument de « procès stalinien », mis en avant depuis des lustres à la moindre critique d’un comportement inacceptable, ne vient pas des « réseaux » présumés. Elle ne provient que de l’institution académique qui a abdiqué des règles anciennes de fonctionnement reposant sur un certain « pluralisme » et surtout impliquant, en histoire, la diffusion d’ouvrages conformes aux normes méthodologiques universelles régissant cette discipline : ouvrages érudits rédigés sur la base de sources d’archives ou, pour les ouvrages de vulgarisation, synthèses réalisées à partir desdits travaux érudits.
À titre personnel, je tiens à rappeler, ayant fait mes études pour partie à l’université Paris 1 jusques et y compris ma thèse d’État soutenue en 1981, sous la direction de Jean Bouvier, que ladite université n’était pas un repaire de marxistes; que les doctorants marxistes ou marxisants représentaient des effectifs très modestes en histoire contemporaine (élèves, en particulier, du grand Pierre Vilar puis de Jean Bouvier); et que la majorité, écrasante, des non-marxistes, admettait que les minoritaires disposassent d’un minimum de droits académiques, fussent-ils plus limités que les leurs. Et ceci même si les carrières des non-marxistes étaient en général beaucoup plus brillantes et rapides que celles des universitaires qui s’obstinaient à se réclamer de la conception de l’histoire de Marx et mettaient en cause le capitalisme ou doutaient que celui-ci fût le mode de production définitif.
J’affirme que les règles qui prévalent dans l’approvisionnement de la bibliothèque de 1er cycle (PMF) de l’université Paris sont strictement antagoniques avec celles qui régnaient dans cet établissement avant que la réaction académique n’y triomphât, comme ailleurs, triomphe précisément intervenu depuis le début des années 1980 (voir mon ouvrage L’histoire contemporaine toujours sous influence, Paris, Delga-Le temps des cerises, 2012).
J’observe enfin que la culture de l’impunité du plus fort idéologique permet à des fonctionnaires théoriquement au service du public universitaire de répondre avec mépris à des interlocuteurs courtois ou de ne pas répondre du tout, ceci en violation de toutes les règles de simple courtoisie et de savoir vivre ensemble (c’est à dessein que je néglige le tiret entre les deux infinitifs). L’affaire qui nous occupe est aussi courante que déontologiquement scandaleuse. Elle présente la seule originalité de pouvoir être rendue publique grâce aux traces écrites, rarissimes, d’une désinvolture quasi générale. Des milliers d’actes de censure ne peuvent « exploser » qu’une fois tous les vingt ans parce qu’un serviteur du public revendique par écrit les normes qu’il applique en permanence. Bref, à cause de la « maladresse » d’un censeur rendu imprudent par la toute-puissance habituelle exercée sans risque sur les minoritaires ou les timides. Je tiens à cet égard à remercier particulièrement mes deux correspondants, Godefroy Clair et Pierre Moret, d’avoir signalé ce qui ne paraît presque jamais au jour.
Il serait sain que les bibliothécaires (il en est sans doute dans ma liste de diffusion) choqués par des pratiques de censure et autocensure qui, habituellement, échappent à l’écrit, informent le public sur leur réalité. Il est de notre devoir commun de dénoncer et de combattre cette censure, particulièrement à l’heure où se profile un « Patriot Act » français annoncé sous couvert de lutte contre le terrorisme, dans une atmosphère qui rappelle les lois scélérates du ministre de l’intérieur Dupuy adoptées à une forte majorité par la Chambre des Députés à la faveur des « attentats anarchistes » de 1893-1894.
Ces projets politiques, ouvertement lancés peu après la tapageuse commémoration récupératrice de Jean Jaurès (de 2014) – dans le style « Je suis Jaurès » -, attestent l’hypocrisie des prétendus admirateurs de ce dernier. Car le leader socialiste assassiné en 1914 avait vivement dénoncé à la fois la manipulation policière des auteurs d’attentats (question sur laquelle nous ne pouvons encore nous prononcer) et l’exploitation éhontée de ces circonstances (question sur laquelle le doute n’est pas permis).
On observera d’ailleurs que le tapage récent sur les droits illimités à la « liberté d’expression » a été vite étouffé par la conjoncture. Merci, donc, d’en rappeler l’indispensable exercice en diffusant et en faisant largement diffuser le présent document.
Amitiés à tous,
Annie Lacroix-Riz
22 janvier 2015
(...) Que des ouvrages non historiques s’accumulent dans les « rayons » de PMF n’a guère d’importance : je ne me pose pas, à la différence de responsables documentaires de ladite bibliothèque, en censeur. Que les ouvrages scientifiques d’histoire, à défaut d’être « neutres » (qui est neutre en histoire?), soient bannis pose d’autres questions. Et c’est de cela seul qu’il s’agit.
Ce n’est pas à moi, ancienne étudiante et docteur ès Lettres de Paris 1, de « suggérer » ses achats à cette université où je n’ai pas enseigné en tant que titulaire et aux bibliothèques de laquelle je n’ai pas été inscrite depuis l’époque de ma thèse d’État : je ne saurais donc y prétendre à la fonction de conseillère ou de tutrice.
En revanche, et indépendamment de mon avis, il incombe au Service commun de la documentation et aux enseignants-chercheurs de Paris 1 :
-- d’une part, de fournir aux usagers concernés une documentation digne de « la neutralité scientifique et historique » invoquée par un des tenants et exécutants enthousiastes du veto « a priori » ;
-- d’autre part, de ne pas opposer un veto « a priori » à des demandes de consultation, donc d’achat, présentées par les lecteurs. La liste Excel constituée par M. Clair, que je vous ai adressée, fournit la preuve de la violation de ces deux principes élémentaires (du moins pouvait-on le croire jusqu’à révélation des faits) de fonctionnement d’une institution universitaire.
Je répète que, si l’on se fie à la liste des ressources de vos « rayons », la bibliothèque PMF s’est, depuis une quinzaine d’années, à la fois considérablement enrichie en « bombes idéologiques » et appauvrie, de plus en plus au fil des ans, en ouvrages fondés sur des recherches historiques stricto sensu, lesquelles, non seulement ne se sont pas taries mais se développent au contraire (cf. infra l’avis de M. Soutou).
Cette situation ne peut avoir qu’une ou deux causes, ou les deux jointes :
1° Les responsables de la bibliothèque PMF de Paris 1 chargés des achats partagent les veto idéologiques que l’un d’entre eux a opposés (concernant un livre précis et un éditeur) à un lecteur courtois, interdits régnant de longue date vu le contenu des « rayons ». Je note une fois de plus que ni les responsables du Service commun de la documentation de l’université Paris 1, ni le directeur de PMF, M. Daniel Keller, ne jugent nécessaire de s’expliquer sur ce point décisif.
2° Les enseignants chargés de l’histoire du 20e siècle, à laquelle est intégrée l’histoire de l’espace russe, forcément enseignée à Paris 1 en L1 et L2 (PMF) partagent les préjugés des responsables des achats documentaires. Il s’agit ici exclusivement de maîtres de conférences : dans nombre d’universités, ces enseignements sont, pour les cours magistraux, assurés au moins en partie par les professeurs des universités mais, comme le montre le cas de Mme Rey, pas à Paris 1. Les maîtres de conférences considèrent donc ici que les « bombes idéologiques » suffisent, d’une part, à la formation universitaire des futurs professeurs d’histoire des cycles secondaire et supérieur, des futurs maîtres des écoles et de diverses catégories de futur personnel qualifié, et, d’autre part, sont adaptés aux besoins culturels des publics non étudiants qui continuent à s’intéresser à l’histoire (un tiers des effectifs à la bibliothèque PMF). Et qu’il n’y a pas lieu de de continuer à procéder à des achats d’ouvrages scientifiques fondés sur les dépouillements de sources originales, ouvrages qui, précisément, concernant l’URSS, se renouvellent régulièrement, hors de France, depuis quinze ans, comme l’a constaté M. le professeur Georges-Henri Soutou dans la conclusion de sa recension des Guerres de Staline (http://www.leofigueres.fr/wp-content/uploads/2013/07/Livre-Stalins-war-de-Geoffrey-Roberts.pdf).
À l’heure où l’intoxication belliciste contre la Russie, similaire à celle qui a précédé le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, conduit des chefs de gouvernement « européens » à prétendre que l’URSS a attaqué l’Allemagne en juin 1941 et que « les Ukrainiens » ont libéré le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, et ce, sans provoquer de forte réaction en France, la bibliothèque PMF, comme toutes celles qui ont agi et agissent pareillement, porte une grave responsabilité académique et civique. Je rappelle que l’instruction civique est confiée, dans le système scolaire français, à la discipline historique. On ne peut que le souligner à l’heure où milieux politiques et journalistiques nous exposent sans répit que « l’École » porte une grande part de responsabilités dans des errements qui ont débouché sur des attentats meurtriers.(...)
... et l'échange termine avec ces mots D'Annie Lacroix-Riz:
La protestation contre une pareille situation risque de demeurer sans grand écho, compte tenu de la conjoncture et du consensus établi entre grands médias et monde académique sur la question soulevée. Mais notre métier nous a donné la conviction que « les écrits restent » : la génération future des historiens pourra donc pratiquer la repentance sur la responsabilité scientifique et civique du monde universitaire dans les fracas présents et à venir du 21e siècle, comme nos générations ont glosé sur les « silences » universitaires -- ou pire -- entre 1940 et 1944.
Pétition contre la censure dans les bibliothèques universitaires.
( http://www.petitions24.net/petition_contre_la_censure_dans_les_bibliotheques_universitaires )
Pétition contre la censure maccarthyste dans les bibliothèques universitaires adressée au président de l’université de Paris 1, M. le Professeur Philippe Boutry
Un lecteur de la bibliothèque Pierre Mendès France de l’Université de Paris 1 Sorbonne ayant récemment proposé l’achat de l’édition française de l’ouvrage de Geoffrey Roberts, professeur à l’université de Cork en Irlande, « Les guerres de Staline », paru en 2014 aux éditions Delga, ouvrage publié en 2006 par les Editions de l’université Yale, s’est attiré la réponse suivante :
« L’ouvrage proposé, bien qu’écrit par un universitaire, ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l’éditeur non plus ».
La direction de cette bibliothèque, contactée, tant sur l’ouvrage incriminé que sur les conditions à remplir par un éditeur pour que ses ouvrages puissent être acquis, a accumulé les réponses évasives. Une consultation des rayons consacrés à l’histoire de la Russie soviétique (puis URSS) au XXème siècle a montré que, depuis plus de quinze ans, ont été systématiquement achetés les ouvrages de publicistes propagandistes, tels Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann, même de négationnistes avérés, tel Ernst Nolte. Dans la même période, n’ont pas été acquis les ouvrages scientifiques publiés en français tels ceux d’Arno Mayer, Michael Carley, Alexander Werth (dont le célèbre ouvrage La Russie en guerre, réédité en 2011, demeure absent), etc.
Cette censure est révélée dans un contexte particulier. Par exemple, à l’occasion de la célébration du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le ministre des Affaires étrangères polonais Grzegorz Schetyna a soutenu, le 21 janvier 2015, pour justifier la non-invitation de la Russie, que c'était les Ukrainiens et non l’armée soviétique qui avaient libéré le camp d'extermination. Le premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, avait affirmé le 8 janvier, sans être davantage contredit, que l’Union Soviétique avait agressé l'Allemagne en juin 1941.
Ces contre-vérités grossières n’ont provoqué aucune réaction officielle. Cette passivité n’est possible qu’en raison du manque de connaissance historique de l’opinion publique, résultat, entre autres, de la censure qui s’est étendue jusque dans les institutions universitaires. Longtemps tacite ou sournoise, celle-ci atteint désormais un niveau tel qu’une bibliothèque de Paris 1 Sorbonne ne se dissimule plus pour justifier l’interdit frappant un universitaire reconnu et tout le catalogue d'un éditeur progressiste.
Nous exigeons que soit mis fin à cette violation caractérisée de la déontologie scientifique et que la bibliothèque Pierre Mendès France de l’Université de Paris 1 Sorbonne respecte le pluralisme des publications scientifiques mises à la disposition des étudiants et autres usagers. Ceci vaut pour cette bibliothèque comme pour toutes les autres bibliothèques universitaires.
Non à la censure maccarthyste dans les bibliothèques universitaires!
Le dossier complet sur cette censure et la correspondance y afférente est disponible sur http://www.historiographie.info/debats.html
Godefroy Clair, ingénieur d’études à l’université Paris 8
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
Aymeric Monville, directeur des éditions Delga.
Paris, 3 février 2015
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POST SCRIPTUM
... mais il est vrai que l'histoire (sans majuscule) dispensée a déjà subi tant d' "accomodements" comme semblent l'indiquer les travaux de Jacques Pauwels et Annie Lacroix-Riz à partir des archives sur la 2è guerre mondiale:
- LACROIX-RIZ "L'INTEGRATION EUROPEENNE"
- LACROIX-RIZ "plutôt Hitler que le Front Populaire"
- LACROIX-RIZ A (Les origines de la construction européenne )
et