Quand j’ai entendu, à la Matinale de France Info, le 5 février 2023, une interview du Dr Scimeca, axée autour d’un de ses livres, « Homéopathie : l’évidence » paru en 2019 aux éditions du Rocher, je me suis énervé.
Il faut rappeler que l’homéopathie repose sur un principe inventé par Samuel Hahnemann, à la fin du 18ème siècle (si !), qui prétend que les symptômes identiques à ceux provoqués par des doses pondérales d’un quelconque produit peuvent être combattues par l’administration de doses infinitésimales du même produit. Une liste de ces symptômes a été établie, sous forme d’une somme appelée « Matière médicale Homéopathique », d’abord rédigée par Samuel Hahnemann, d’après des expériences qu’il a pratiqué sur lui-même et des membres de sa famille, qui on été enrichies ensuite par de nombreux contributeurs (2). Il s’agit donc de descriptions de symptômes ressentis par différents individus, suite à l’absorption de substances variées (végétales, minérales, métalliques, animales).
Les dilutions de ces mêmes substances sont censées soigner les symptômes décrits, quelle qu’en soit la cause.
Toutes les études scientifiques menées depuis le début du 20ème siècle ont conclu que l’effet d’un traitement homéopathique ne différait pas de celui d’un placebo, conduisant notamment au déremboursement des produits homéopathiques en France en 2021, suite à l’avis de la HAS (1).
Une seule étude a montré un relatif bénéfice de la prise en charge homéopathique sur la consommation de médicaments anti-inflammatoires et sur le bien-être. Cependant, il s’agit d’une étude observationnelle, donc de faible taux de preuve. (3)
C’est en l’absence de preuve, justement, que le Dr Scimeca a recours à des artifices rhétoriques bien connus, comme dans le titre du livre « l’évidence » : pas besoin de preuves, ça crève les yeux. Et en sous-titre du livre, « Un français sur deux l’utilise, et il a raison » : puisque c’est largement utilisé, c’est donc que cela fonctionne.
Les critiques des homéopathes sur l’évaluation des traitements, selon les standards scientifiques tiennent sur un seul argument : leur prescription est individualisée, prenant en compte les symptômes particuliers du patient, et non seulement sa pathologie. Il n’est donc pas adapté, ni possible, de faire des tirages au sort pour établir des comparaisons entre patients recevant le médicament homéopathique, et ceux recevant un placebo.
En fait, c’est faux. Méthodologiquement, il est facile de contourner cet obstacle. Il suffit de disposer d’un stock de produits homéopathiques (stock A), et d’un stock de placebo d’apparence et d’étiquetage identique (stock B). Chaque médecin homéopathe prescrit ce qu’il veut, en fonction du patient, à qui est attribué, au hasard, les produits A ou B. L’évaluation se fera ensuite sur l’évolution des symptômes pour les deux populations de patients. Sans entrer dans les détails, une étude de ce type nécessite de déterminer les critères retenus, et le type de symptômes, pour limiter la dispersion des situations. J’ai proposé en septembre 2020, aux laboratoires Boiron et au syndicat des homéopathes (SNMHF) un protocole résumé mais explicite. Sans aucune réaction de leur part.
S’il est possible que la plupart des praticiens homéopathes soient de bonne foi, quoique pour des médecins, la croyance n’est pas vraiment une qualité primordiale, il est en revanche difficile d’imaginer que les laboratoires fabricants soient motivés par autre chose que les bénéfices qu’ils retirent de leurs ventes, par exemple, pour le laboratoire Boiron , le CA 2021 est à 534 M d’euros, pour un bénéfice à 48,2 M d’euros (4).
(1) Médicaments homéopathiques : une efficacité insuffisante pour être proposés au remboursement (Dossier de presse) [archive], Haute Autorité de la Santé, 28 juin 2019
(2) https://guide-homeopathie.info/la_matiere_medicale___introduction_063.htm
(3) Communiqué de presse du 25 octobre 2018 : Non, EPI3 ne démontre pas l’efficacité de l’homéopathie » [archive], sur fakemedecine.blogspot.com
(4) https://www.zonebourse.com/cours/action/BOIRON-5685/actualite/Boiron-Chiffre-d-affaires-2021-37600911/
