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Billet de blog 7 avril 2024

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LES HOMMES ET L’ORGASME DE LA PROSTATE En finir avec un tabou. Marseille, mars 2024

Si nous les hommes sommes tous plus ou moins phallocrates et machos, nous ne sommes pas destinés à le rester, en tout cas pas par la biologie.

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Chers lecteurs et lectrices, avez-vous déjà entendu parler de la prostate ?

Oui, bien sûr ! à propos de problèmes de santé ! :

Tout le monde connaît tel ou tel homme d’un certain âge qui a souvent envie d’uriner, ce qui s’explique par le durcissement de la prostate. Ou un homme qui est soigné pour un cancer de la prostate, maladie à évolution lente. Pour en savoir plus, un médecin vous a peut-être fait un TR (toucher rectal).

Mais la prostate ne se distingue pas seulement par ses pathologies ! Elle est aussi un organe très utile à la reproduction : on vous a peut-être dit en SVT qu’elle secrète plusieurs liquides qui entrent dans la recette du sperme.

C’est aussi un organe caché et qu’on ne sent pas, ou pas bien. Très intime, son contact par autrui est ressenti plus ou moins comme une intrusion désagréable et humiliante, du moins dans la mentalité phallocratique :

« Niquer » et « ne pas se faire niquer »,

telle est la règle d’or du « vrai mec » :

pénétrer, oui, mais surtout ne pas se laisser pénétrer !

Et pourtant … se laisser pénétrer dans l’anus et un peu plus profond à la rencontre de la prostate est l’un des chemins du plaisir masculin. Et non des moindres, car la masturbation douce de cet organe spécifiquement masculin qu’est la prostate peut susciter un orgasme spécifique, profond, différent de l’orgasme de courte durée lié à l’éjaculation.

L’orgasme prostatique, par sa durée prolongée, son rayonnement dans le corps, parfois sa répétition, ressemble à des orgasmes que les femmes peuvent éprouver. Là on peut faire un rapprochement entre le vécu sexuel des hommes et des femmes.

Ressemblance ou similitude profonde ? Ça se discute. (Mais sur les plaisirs que nous prodiguent les organes génitaux il est difficile de trouver des informations scientifiques récentes et faciles à comprendre).

Quoi qu’il en soit, la prostate est une critique vivante de l’affirmation d’une identité masculine en version macho.

L’orgasme prostatique ne surgit pas automatiquement dans la vie des mâles comme les moustaches à la puberté. Il faut le solliciter en massant la prostate, et cela s’apprend : il faut trouver les mouvements ad hoc et les points sensibles, c’est un apprentissage qui demande du temps mais dont ni l’école ni la médecine ne parlent.

*

La pénétration anale est généralement méprisée et tournée en dérision :

« Enculé ! », telle est l’insulte suprême.

Cette insulte est toujours liée à l’homophobie, ouvertement ou en sous-entendu. Et c’est vraiment une marque d’ignorance, puisqu’un homme peut se livrer à toutes sortes de plaisirs avec d’autres hommes sans forcément « se faire enculer », et inversement un homme peut aimer se faire pénétrer l’anus par le doigt d’une femme.

Ici il faudrait approfondir les liens entre patriarcat et homophobie, leur logique, leurs variations dans l’histoire.

Il est surprenant qu’à une époque où l’on prétend respecter la liberté sexuelle, l’érotisme par l’anus reste constamment stigmatisé.

Cela va plus loin : le rôle de la prostate dans le plaisir (tout en étant mentionné par la science médicale) est ignoré, passé sous silence, tabou, comme si la prostate avait été chassée du paradis sexuel des mâles. Dans les mots « enculer », « niquer », « sodomie », rien ne mentionne la prostate ! Sur cette partie de nous-mêmes, nous vivons dans l’ignorance (ou la conjuration du silence ?).

Comme toujours, l’ignorance et le préjugé forment un cercle vicieux. L’ignorance étant entretenue par l’insulte, le mépris et le tabou, la plupart des garçons n’insistent pas sur la masturbation de l’anus (qui de toute façon est éclipsée par la masturbation du pénis et l’éjaculation). On ne soupçonne même pas qu’il y ait là matière à un apprentissage.

Résultat : chez la plupart des hommes l’orgasme prostatique n’apparaît pas.

*

Les petites filles et les femmes ont connu un traitement semblable. Il fut un temps pas si lointain où dans notre société, et dans d’autres aussi, une grande partie des femmes ignoraient la masturbation et le plaisir de leur clitoris, voire son existence même. De toute façon on n’était pas censée en parler, et les filles étaient élevées dans une grande ignorance du sexe. C’était une sorte d’excision, non pas physique mais dans le domaine de la connaissance. C’est ainsi que par exemple il y a juste quelques années en Argentine il a fallu que des féministes lancent une campagne sur le slogan « Je suis heureuse, j’ai découvert mon clitoris » (en espagnol, ça rime : « Soy feliz, descubrí mi clítoris »). www.millebabords.org/spip.php?article28869 

Encore maintenant en France 1 fille de 15 ans sur 4 ignore qu’elle a un clitoris. (Chiffre de 2016 – rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes).

D’une certaine manière, et c’est incroyable, les hommes en sont restés à cette époque. La plupart d’entre eux n’ont reçu aucune éducation sur les fonctions de leur prostate, et ils ne s’y intéresseront qu’assez tardivement dans leur vie, quand un risque de cancer commencera à se profiler. Beaucoup d’entre eux, peut-être une majorité, ignoreront l’existence d’un orgasme prostatique. Certes, tout le monde sait qu’il existe un plaisir anal. Certains le savent par expérience (homo, ou hétéro), mais beaucoup n’en ont qu’une connaissance vague, le plus souvent péjorative, et sans distinction parmi les diverses sensations que cela peut éveiller.

Ainsi, les mecs qui veulent être des « vrais mecs » (pourquoi pas?) ont le plus souvent une image du masculin très unilatérale, phallo-centrée, mutilée pour tout dire.

Mais prenons-les au mot : qu’ils écoutent leur vécu d’êtres humains de sexe masculin !

Et d’abord leur vécu physique dans toutes ses composantes irréductiblement masculines, sans mutilation. Car les mâles, cela va de soi, se définissent d’abord par leurs organes reproductifs et sexuels.

Comme dit la chanson :

Tout, tout, tout,

vous saurez tout sur votre sexe

et pas seulement sur le zizi.

Or la prostate fait partie des organes exclusivement masculins, pas moins que le zizi.

Alors, à celui qui vous ordonne « va te faire foutre ! » comme si c’était une malédiction, vous pouvez lui répondre « si je veux ! »… ou encore, comme dit une chanson d’autrefois :
« Je suis un homme,
Quoi de plus naturel en somme ? »

Et à celui qui traite quelqu’un d’enculé, on pourrait répondre « tu sais de quoi tu parles ? » juste pour l’inviter à se renseigner.

*

C’est facile : Wikipedia s’est penchée sur la question (… en employant prudemment le conditionnel) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Massage_de_la_prostate :

[Dans la suite j’écris les citations en italiques et j’insère mes commentaires entre crochets et en typographie droite. JM]

(…) « Le massage de la prostate peut également être pratiqué comme acte sexuel. Il permettrait à un homme d'atteindre l’orgasme prostatique grâce à des pressions répétées sur une zone érogène hypothétique voisine de la prostate appelée point P, par analogie au point G. La prostate en elle-même n'est pas innervée et donc ne peut fournir des sensations. »[Cette dernière phrase est une note de Wikipédia - le texte comporte d’autres notes, que je n’ai pas reproduites ici. JM]  « Cet orgasme serait différent de l'orgasme pénien, ressemblant à celui procuré chez la femme car « plus diffus, plus viscéral et profond, et sans éjaculation. »

[Remarque, JM : Rien d’étonnant à ce que la stimulation de la prostate produise des réactions de plaisir qui ressemblent un peu à celles que produit la stimulation du vagin. Après tout, les femmes et les hommes font partie de la même espèce, entre elles et eux il n’y a pas que des différences.]

« La zone érogène de la prostate peut être stimulée indirectement par massage du périnée ou par pénétration à travers l'anus. »

« Le massage prostatique peut être réalisé soit avec un doigt, soit avec un stimulateur prostatique. »

[ Je (JM) suppose que par l’expression « stimulateur prostatique » les auteurs-trices désignent poliment un godemichet à la courbure adaptée, ou encore un « bijou d’anus », ou encore un vibromasseur. Là il vaudrait peut-être mieux dire « un vibre-ô-mon-frère ». Et attention : les vibrations ne doivent pas être trop violentes.]

Une autre autrice, qui n’est pas une autruche, dit ces choses de façon plus affirmative et plus joyeuse que Wikipédia :


lire Jüne Plà, Jouissance Club – une cartographie du plaisir, éd. Marabout, 2019 :

→ à la page 179 : « La stimulation de cette zone et de ses alentours peut provoquer des orgasmes surpuissants et très différents de ceux que tu connais avec ton pénis ».

→ aux pages 222 – 225 on trouve des conseils et des croquis. Et on voit que le pénis n’est pas toujours l’organe le plus adapté pour toucher (physiquement et émotionnellement) l’anus d’un homme et sa prostate d’un homme. Par exemple le « bijou d’anus » est un petit jouet qu’on installe dans l’anus et qu’on peut faire bouger en contractant le périnée ou par d’autres mouvements.

*

Pour les hommes qu’on appelle les « masculinistes », mais aussi pour toutes sortes de gens, et en tout cas pour les réactionnaires de tout poil, le pénis est l’organe masculin indispensable de l’acte sexuel. C’est à lui qu’on pense en premier.

On peut résumer ainsi le modèle sexuel machiste classique :

a) excitation et érection (bien raide et sans défaillance),

b) pénétration du pénis dans le vagin (obligatoire – et le reste est classé dans les « préliminaires »),

c) contrôle de soi par l’homme (et abandon de soi par la femme),

d) en prime, orgasme vaginal qui est censé prouver le savoir-faire de l’homme,

e) orgasme éjaculatoire plutôt bref,

f) et pour finir dés-érection immédiate (ce ramollissement du zizi est généralement absent des films porno, coupé au montage : cachez ce sexe mou que je ne saurais voir),

g) suite à quoi il ne se passe plus rien !

Par contraste, quand on masse la prostate, on n’est pas dans un enchaînement précipité et automatique. (Et l’homme n’est pas occupé à se maîtriser pour éviter l’éjaculation précoce.) On est plutôt dans la douceur, les tâtonnements, et on a un plaisir plus rayonnant, un orgasme de longue durée, parfois répétitif ... On s’évade du modèle machiste.

Cette expérience rejoint la critique féministe des identités de genre toutes faites. Non, l’idéal n’est pas forcément d’être un « vrai mec » fermé du cul. Pas plus que d’être une « vraie femme » qui aurait impérativement besoin d’être pénétrée dans le vagin, par un pénis, sinon rien.

De fait les humain.es, tel.les des artistes du sexe, ont plus d’une corde à leur harpe et plus d’un épicentre à leurs zones érogènes.

Je vous renvoie ici à un petit livre, un pamphlet de Martin Page, Au-delà de la pénétration, éd. Le Nouvel Attila, 2019, 10€.

Comme l’indique le titre, ce livre n’est pas un rejet de la pénétration sexuelle : ce qu’il critique c’est son aspect quasi obligatoire, c’est l’éloge systématique de la pénétration dans l’ hétérosexualité modèle. Après, dans le dernier tiers de ce pamphlet l’auteur évoque le massage de la prostate comme un acte que les hommes peuvent très bien désirer, et il s’adresse au machos, aux homophobes, et à la majorité des hommes hétérosexuels, pour les mettre face à leurs contradictions :

« Les hommes n’hésitent pas à parler de leur plaisir, à le défendre, à l’encenser, à le magnifier. Et pourtant, quand on leur parle d’un grandiose plaisir qu’ils s’interdisent [l’orgasme qui résulte du contact de la prostate par pénétration], ils regardent ailleurs. »

L’auteur se demande avec nous pourquoi ces hommes refusent d’être eux-mêmes pénétrés. Il nous propose d’imaginer comment ils pourraient, disons-le, s’ouvrir à des changements, et ce que cela pourrait introduire dans notre vivre-ensemble. J’y reviendrai plus loin (sans divulgâcher ses réponses).

*

Le système que constituent la prostate + l’orgasme qu’elle déclenche dans les nerfs avoisinants est une partie intégrante de la sexualité masculine, tout autant que le système pénis + orgasme éjaculatoire. Aux masculinistes qui s’accrochent à une soi-disant identité traditionnelle et ne jurent que par leur pénis, j’ai envie de leur dire que pour affirmer complètement une identité masculine il faudrait y inclure l’expérience érotique de la prostate. Cette expérience doit être reconnue et valorisée pour qu’on n’en reste pas à l’image phallocratique du mâle, autrement dit au monothéisme du zizi.

*

Mais quand on entend parler de la prostate dans la vie courante, c’est rarement comme un organe de plaisir. C’est presque toujours en tant qu’organe susceptible de développer un cancer. Bien sûr c’est important. Mais à part ça, la prostate, on n’en a « rien à foutre », c’est le cas de le dire. À entendre la plupart des discours médicaux sur la prostate on croirait que cet organe n’a rien à voir avec la sexualité, et c’est bien triste.

C’est comme si le corps était un truc à se faire peur et pas tellement à se faire plaisir. Et avant tout un truc à entretenir et à réparer, comme une voiture quand arrive le moment du contrôle technique. Mais non, ton corps est aussi un espace d’expression de toi, de joie de vivre et d’exploration.

*

Heureusement, on trouve sur Internet des sites qui donnent une place à l’érotisme de la prostate. Quelques-uns sont de source médicale. D’autres émanent des milieux queer, ou d’auteurs gays, ou encore de professionnels du commerce des sex toys, ou simplement d’internautes libertin.es ...

Par exemple le dénommé Adam (c’est sans doute un pseudonyme), qui se définit comme « sexplorateur », a mis en ligne le livre Le Traité d’Aneros, téléchargeable avec un prix en libre conscience sur https://www.nouveauxplaisirs.fr/le-traite-daneros-pdf,

et j’ai trouvé très intéressante une interview d’Adam par Victoire Tuaillon dans l’émission Les couilles sur la table .

… Mais cette interview est semble-t-il devenue introuvable jusqu’à preuve du contraire :

binge.audio › podcast › les-couilles-sur-la-table , ou

https://www.telerama.fr/radio/lorgasme-prostatique,-un-vrai-bonheur,-se-rejouit-binge-audio,n5830032.php

En anglais on est envoyé.es vers un livre de Charlie Glickman, The Ultimate Guide to Prostate Pleasure : Erotic Exploration for Men and Their Partners, éd. Cleis Press, 2013, 232 pages.

Pour d’autres références, voir https://mashable.com/feature/prostate-messagers, versions anglaise et française.

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Dans cet univers culturel s’exprime toujours une volonté très sympathique de dé-stigmatiser la sexualité anale et d’apprendre à jouer de la prostate.

Les références de certains sites sont expressément féministes. Mais pas toujours.

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L’expérience de la prostate ne conduit pas forcément à abandonner la mentalité phallocratique de domination, d’agressivité et d’exploitation. Par exemple le client d’une prostituée la méprise tout autant quand il lui commande une pénétration anale. Disons simplement que l’expérience de la prostate peut inciter un homme à se redéfinir une sexualité, moins centrée sur le pénis, plus ouverte sur les sensations des femmes, et peut-être plus compréhensive vis-à-vis de leurs désirs d’autonomie. À vérifier.

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Il y a dans la rencontre sexuelle une dimension empathique essentielle et un mouvement éthique : les partenaires, portés par le désir, s’aident mutuellement à découvrir les territoires intimes de leur jouissance. Les tâtonnements de la prostate en sont un bon exemple. Cette mise en accord mutuelle des partenaires est un dialogue pas toujours facile mais qui peut faire naître sans honte une compréhension intime d’autrui, et de soi-même.

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Il n’empêche qu’ il y a aussi dans les relations sexuelles des tendances lourdes à la domination, qui malheureusement s’épanouissent dans la culture du viol (« niquer » l’autre et « ne pas se faire niquer »), mais aussi dans la manipulation sentimentale d’autrui, subtile ou grossière, et plus largement dans l’entretien d’une suprématie masculine aux multiples formes, du culte du pouvoir à l’inégalité dans la carrière professionnelle et dans le travail domestique, etc, etc. En finir avec cette suprématie est bien sûr la première raison d’être du féminisme. Mais dans cette conflictualité complexe la masculinité n’est pas toujours ce que l’on croit. En prenant conscience de leur prostate, et en comprenant mieux la sensibilité des femmes, les hommes peuvent découvrir en eux des ressources sexuelles (où sont mes plaisirs?), émotionnelles (qu’est-ce que j’éprouve avec autrui?), et identitaires (qu’est-ce que je suis comme mec?), qui peuvent pour le moins déstabiliser la culture machiste traditionnelle et la hiérarchie des genres.

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La littérature féminine, puis les mouvements féministes, ont su sortir les plaisirs féminins de la honte et de l’ignorance : parler des fantasmes, de la sexualité homo et hétéro, de l’orgasme, du clitoris, de la masturbation …

Il y a quelques années l’association Osez Le Féminisme a fait campagne sous le slogan osezleclitoris.fr . Elle continue à mettre en ligne des vidéos sur ce sujet.

Il existe dans des blogs féministes, ou dans des sites de bien-être, des rubriques spécialement dédiées au clitoris, qui sont suivies par de nombreuses internautes.

Une dépêche de l’AFP du 2 octobre 2019 a commenté ainsi la situation : « Le clitoris sort du bois, porté par la vague féministe ».

Pourquoi la prostate ne sortirait-elle pas du bois à son tour ? Les hommes sont-ils en retard ? Et pourquoi ?

*

Le vagin aussi a fait l’objet d’une vague de prises de parole féministes :

la pièce de théâtre d’Eve Ensler Les Monologues du vagin remporte un succès mondial depuis 1996.

Pour réaliser cette oeuvre Eve Ensler a récolté des entretiens auprès de deux centaines de femmes, les faisant parler de ce qu’elles avaient vécu ou imaginé à propos de leur vagin, puis elle a donné une forme plus littéraire à leurs récits. (Et une part des bénéfices de cette œuvre collective finance des actions d’aide aux femmes victimes de violences.)

Une création semblable a été un peu esquissée par Martin Page. À la fin de son livre Au-delà de la pénétration, cité plus haut, il a publié les témoignages divers et instructifs d’une trentaine de lectrices et lecteurs sur leurs expériences avec ou sans pénétration. On pourrait prolonger cette démarche : pourquoi pas des Monologues de la prostate ? Ou des Dialogues ?

Je ne sais pas si l’équivalent de l’oeuvre d’Eve Ensler existe à propos de la prostate au théâtre ou au cinéma. Pour se faire une idée des difficultés de l’entreprise on peut lire Martine Silber, L'épopée des "Monologues du vagin", article publié en 2008 dans Le Monde :

https://www.lemonde.fr/culture/article/2008/07/09/l-epopee-des-monologues-du-vagin_1068035_3246.html

NB : cet article remarquable ne peut être reproduit sans l’autorisation écrite et préalable de lemonde.fr

J’ajoute pour la petite histoire (ou la grande?) qu’une édition de 1998 des Monologues du vagin comporte à la fin le récit d’un accouchement, dont Eve Ensler elle-même a été témoine. Elle a ajouté le commentaire suivant :

« Je donnais ce spectacle depuis plus de deux ans quand j'ai brusquement réalisé qu'il ne comportait aucun texte sur la naissance. C'était une étrange omission. Quoique, lorsque j'ai récemment évoqué ce point avec un journaliste, il m'a rétorqué : « quel est le rapport ? »

Étonnant, non? Une telle ignorance (?) ou un tel oubli de l’une des fonctions inoubliables du vagin ...

On aura sûrement à surmonter une ignorance tout aussi impardonnable à propos de la fonction érotique de la prostate.

*

Des initiatives ne pourraient-elles pas être prises pour qu’on parle de la prostate dans l’opinion en termes non-machos, non-phallos, féministes, non-commerciaux ?

Initiatives masculines, féminines, ou mixtes car les enjeux de cette question ne concernent pas que les hommes.

Quelles initiatives ? Spectacles, livres ou autres œuvres artistiques? Campagne d’explication ? Et assumées par quelles structures ?

Y a-t-il des précédents ? Dans quels pays ?

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