-"AAAAAAAAAhhhhhhh, le Jo, vieille crapule, faux frère, enfoiré de lâcheur, ça fait combien de siècle que tu n'es pas passé?
- Aïo, le Claude, comment y va? Atchidenti, t'as encore pris du tour de taille...
Les deux mamouths se jettent dans les bras l'un de l'autre et entreprennent de se flanquer de grandes claques dans le dos, avec des bruits de grosses caisses...Le Claude est grand, avec une carrure de pilier de rugby et un ventre proéminent, le tout drapé dans un tablier blanc. Sa toque, penchée sur l'oreille, ne cache pas une calvitie avancée. Sa moustache et ses yeux sont de la même couleur: jaune...
-Ramenez vous, que je vous installe dans un coin tranquille.
Tables et chaises en noyer du pays, le Claude déploie une nappe avec un mouvement de toréador, se précipite vers le bar, en revient avec une brassée de bouteilles et trois verres, le tout avec une souplesse et une fluidité que l'on n'imaginerait pas chez un individu de ce gabarit.
Marie Sophie, se sentant quelque peu négligée, émet un discret toussotement.
-Huuuu le Claude, je te présente Marie Sophie Delecourt.
L'aubergiste se casse en deux en une large révérence, après avoir déposé verres et bouteilles, le tout accompagné d'un clin d'oeil éléphantesque en direction du Jo.
- J'ai rencontré mademoiselle dans les Gats, elle était en panne...
- Eh bè, la dernière fois que j'y suis allé , dans les Gats, c'était pour ramasser des champignons. Si maintenant on y cueille des jeunes filles en fleurs, je vais aller y traîner plus souvent... Mademoiselle, Claude Léone, pour vous servir...
- C'est ça , sers nous, plutôt que de te répandre en couillonnades!
Le Claude, avec des gestes d'alchimiste, dispose trois flûtes, y verse une demi larme d'alcool de poire, quatre gouttes de liqueur de mûre et le reste de clairette.
- C'est le kir drômois, à la vôtre
- A la vôtre messieurs
- Salute
Marie Sophie apprécie la mixture... Deux autres tournée s'ensuivent , agrémentées de feuilletés au fromage de chèvre et d'olives de Nyons...
Sur ce , le Claude retourne dans son antre remportant ce qui reste de liquide et les verres.
-Il a oublié de nous donner la carte, se risque Marie Sophie
- Quand je viens dîner chez le Claude, il n'est pas question de carte, c'est lui qui décide. Chaque plat est une surprise, une bonne, je vous le garantis, avec le vin en harmonie gustative...
Au fil des plats, de régal en ravissement, elle se doit de reconnaître que le Jo n'a pas exagéré. Le Claude, dans son domaine, est un artiste...
Elle découvre un autre univers que le sien, ici, pas de "grande cuisine" au portions étriquées, du subtil , mais qui tient au corps...
L'alcool aidant, elle se laisse glisser dans une douce torpeur, elle "largue les amarres" et se surprend à faire un grand sourire au Jo.
Le jo, lui....
(à suivre)