- Moooossieur Claude, c'est quoi ces manières de vouloir gérer la vie des autres? Jusqu'alors, il y avait Madame Claude, maintenant il y Monsieur Claude!! D'abord, Mademoiselle n'est pas forcément prête pour une virée en bécane, ensuite elle n'a pas de casque, enfin la présence, même pour trois jours, d'un anarchiste pathologique taillé dans le granit corse n'est pas forcément de son goût, huuuuu!
- Et si on lui demandait son avis. Qu'en pensez vous, Marie Sophie?
- Pourquoi pas, ce serait complétement inédit, pour moi...
- Et les valises, je les mets où les valises???
- Une seconde!
Le Claude s'éclipse un moment et revient avec un casque et une paire de sacoches cavalières.
- Cest le casque de ma fille, ça devrait aller.
- Je vois que tu as tout prévu, je vais rapprocher la bête.
Le Jo se lève, cramponne son casque et son blouson , puis dirige d'un pas lourd vers la sortie...
- Faites pas gaffe aux apparences, le Jo, il est bon comme le pain mais rugueux comme l'écorce d'un chêne, c'est un anar, solitaire et bougon. Le branchez pas politique, vous n'êtes pas du même bord...
- Je l'avais compris, figurez vous. Mais pourquoi faites vous cela, Jo n'a pas l'air enchanté par la perspective de passer du temps avec moi?
- Parceque vous n'en voyez que la surface, le Jo c'est un gros coeur avec un peu de viande autour, et puis, ça fait certain temps qu'il est seul, un peu de présence féminine ne peut que lui faire du bien...
Retour du Jo.
Munie des sacoches cavalières, Marie Sophie monte préparer ses affaires. En bas, explication entre hommes:
-Coquin de sort de putain de moinillon de coquin de voluy de merde (coup de poing sur la table), le Claude, qu'est ce qui t'a pris de m'organiser un plan pareil?
- Qu'est ce que tu as à râler, elle n'est pas charmante, cette petite?
- Elle l'est, c'est clair. Mais elle est aussi: de droite, parisienne et chef de cabinet de l'Asticot. T'as pas l'impression que ça fait comme un fossé?
- Bof, pour trois jours, c'est pas la mer à boire et puis, cette nana , elle accepte d'être ta passagère, ce qui prouve qu'elle ne manque pas de courage.
Retour de la passagère courbée par le poids des sacoches.
- Et c'est parti!!!!
L'automne a changé la forêt de Saou en cathédrale d'or, magique...S'étant arrêté pour une pause , ils s'y engagent. Le Jo lui a tendu la main pour l'aider à franchir un fossé, elle l'y a laissé et c'est ainsi, main dans la main qu'ils avancent foulant un épais tapis de feuilles qui crépite sous leurs pas. Ils s'assoient sur un tronc moussu. La lumière joue sur les feuilles jaune pâle des hêtres.
Comment ils se retrouvèrent dans les bras l'un de l'autre? Nul ne devait s'en souvenir...
Ils roulent, enlacés , sur le tapis sylvestre, avec la douce sensation de ne faire qu'un avec la nature, d'être la nature...
Soudain, le Jo se lève, se rembraille ...
"Aïuto , si c'est ce que je pense, ça va saigner..."
(à suivre)