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Billet de blog 18 févr. 2015

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Une partie d'échecs

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Les échecs sont un sport national en Russie et Poutine a engagé une partie intéressante à suivre. Il s'avère heureusement que Porochenko n'est pas mauvais à ce jeu.

L'ambition de Poutine reste de redonner à la Russie son extension du 20° siècle, sauf pour –stan (Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizstan) qui ne l'intéressent pas et qui sont des "bêtes à chagrin". La Biélorussie et le Kazakhstan sont des vassaux fidèles. Les étapes de sa stratégie consistent à affaiblir les récalcitrants avec la création de bantoustans comme la Transnistrie en Moldavie, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud en Géorgie, et maintenant la Crimée et la République du Donbass. Les accords de Minsk 2 ne servent à rien. Pour Poutine, ce n'est qu'un chiffon de papier. Leur signature n'est qu'un coup dans la partie d'échecs, comme on peut sacrifier un pion.

Sur le plan tactique, les prochains coups ont deux objectifs.

Le contrôle de Debaltsevo est essentiel pour exporter le charbon et l'acier du Donbass vers la Russie, et ultérieurement, pour amener les marchandises venant de Russie en considérant que les relations seront coupées avec l'Ukraine. Il ne faut pas oublier que la plupart des marchandises circulent ici par chemin de fer.

La Crimée connaît progressivement des pénuries dans tous les secteurs : alimentation, médicaments, pièces détachées, équipement domestique, mais aussi pour les quelques industries locales. Les deux routes vers l'Ukraine sont coupées et il n'y a pas de port à conteneurs. Donc il faut impérativement établir un corridor de ravitaillement le long de la Mer d'Azov. Il y a quand même 300 km. Du point de vue militaire il faut attaquer des deux côtés. C'est là que cela se complique. La Russie a accumulé des troupes et des équipements en Crimée. L'Ukraine a pris la précaution il y a un mois de fermer le passage aux particuliers. On ne peut plus passer qu'à pied et avec un contrôle strict des personnes. La manœuvre consiste à éviter l'entrée d'éléments d'une cinquième colonne comme cela avait été le cas dans le Donbass il y a un an. Il sera très difficile aux forces russes d'entrer de ce côté car la Crimée est une île rattachée au continent par deux routes au milieu des marais.

De l'autre côté, il faudra passer Marioupol, Berdyansk et Melitopol. Leurs habitants ne sont pas séparatistes, c'est le moins que l'on puisse dire. Donc il y aura une offensive mais qui apparaîtra de plus en plus franchement comme une offensive de l'armée russe.

Mais tout cela importe peu à Poutine. Que l'opinion internationale s'en alarme, cela n'a aucun intérêt. L'opinion publique russe est totalement sous contrôle.

Pour faire monter la pression, Poutine a aussi concentré des forces aux "trois frontières" (Russie, Biélorussie, Ukraine) qui ne sont qu'à 250 km de Kiev.

Nous avons affaire à un autiste puissamment armé. Tant qu'il sera au pouvoir, il n'y aura pas de discussions rationnelles possibles.

L'armée ukrainienne est exsangue et une mobilisation générale ne sert à rien. Il faudrait la rééquiper complètement et l'entraîner. À supposer que l'occident le décide, cela prendra des mois et des années. On peut imaginer l'intervention d'une armée de coalition. Il y a suffisamment de troupes et d'équipements américains et européens disponibles pour venir appuyer l'armée ukrainienne pour affronter l'armée russe. Mais comment réagira quelqu'un qui se vante d'avoir un arsenal nucléaire face à une telle escalade ?

L'autre solution, c'est l'Alsace-Lorraine. Il faut accepter un gel de la situation en attendant la fin de Poutine et pendant ce temps-là développer la démocratie et l'économie en Ukraine pour la rendre attractive aux populations du Donbass et de la Crimée. C'est la seule solution à peu près pacifique. Cela n'interdit pas de lutter pour empêcher la création du corridor de la Mer d'Azov et les occidentaux devraient faire tout leur possible pour aider discrètement l'Ukraine à en rendre le prix prohibitif pour la Russie.

Philippe FICHAUX
Français expatrié à KIEV

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