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Courrier envoyé ce jour à Notre Président. A diffuser. Il peut humblement et modestement servir de modèle:
Monsieur le Président de la République
Palais de l'Élysée
55 rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 Paris, France
BELVEDERE, le 22 juillet 2019
Objet: Lettre d’information sur les conséquences du projet de réforme des retraites et la mort annoncée du métier d’avocat.
Monsieur le Président,
Je me permets de vous écrire en ma qualité de représentant légal et unique associé de la SELARL JEAN-JOEL GOVERNATORI AVOCAT non pas pour défendre un de mes clients mais simplement pour me défendre.
Oui car il y a danger.
Oui, il y a péril.
En effet, Monsieur le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a remis le jeudi 18 juillet 2019 le rapport qui doit dessiner le futur système universel de retraites censé remplacer les 42 régimes existants.
Ce rapport, si par extraordinaire, le Parlement n’est qu’un simple scribe et qu’il copie/colle les propositions de Monsieur Jean-Paul Delevoye, condamne à mort la profession d’avocat.
Notre instance représentative, le CNB, se dit dans un communiqué prêt à prendre "la tête de la fronde des indépendants….refusera toute absorption dans le régime universel et remet en cause le principe même de la réforme qui condamnerait à mort l’indépendance financière de la profession".
Les avocats sont les plus menacés parmi les professions libérales : le doublement des cotisations retraite, de 14 à 28% provoquera notamment une hausse exponentielle du taux de leurs charges, passant ainsi de 46 à 60%. "Doubler les cotisations retraite des avocats c’est condamner une profession à la mort économique" estime Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil National des Barreaux.
Les avocats perdraient également tous les avantages liés au principe de solidarité professionnelle de leur régime.
Je vous rappelle que le régime de retraite actuel des avocats est un régime par répartition comportant une retraite de base annuelle représentant 1402 € par mois complétée par une retraite complémentaire par points.
Je vous rappelle que le régime des avocats prévoit une retraite à taux plein en justifiant de 172 trimestres d’activité et d’un âge légal de 65 ans ;
Je vous rappelle que le financement des pensions actuelles des avocats retraités avec le niveau actuel de cotisations est permis par un ratio démographique de plus de quatre actifs pour un bénéficiaire ;
Je vous rappelle que les avocats assument la solidarité inter-régimes en reversant environ 1400 euros par an et par avocat au titre du système dit de la compensation au profit d’autres régimes de retraites qui, sans cela, seraient déficitaires ;
Il est inimaginable d’entériner, en l’état, les préconisations du Haut Commissariat car elles ont pour objet et pour effet :
- d’absorber les 2 milliards d’euros de réserves de la CNBF durement constituées grâce aux cotisations des avocats ;
- de majorer d’environ 60% l’ensemble des cotisations pesant sur les avocats.
En bref, le projet de réforme est annonciateur d’une spoliation des réserves de notre caisse, d’un doublement du taux de cotisation sur 15 ans pour la grande majorité des cabinets d’avocats, d’une diminution de 30 % de notre future pension de retraite par rapport à la retraite de base actuellement distribuée.
Il est délicat et inapproprié d’employer le terme de réforme lorsqu’il s’agit d’un projet de régression du système des retraites.
Vous dont la charge implique d’assurer le bien-être à chacun, vous qui n'avez pas d'autre dessein que la fin des inégalités et la juste récompense des efforts et du travail de chacun, vous ne pouvez dérober aux avocats pour donner aux citoyens un simulacre d’amélioration du régime des retraites.
Vous êtes le garant des libertés et en premier lieu, les libertés de travailler dignement et de vivre décemment à la retraite des fruits des efforts accomplis pendant la période dite active.
Vous ne pouvez vous ruer sur l’avocat, cette robe en noir, de la sorte.
Vous êtes contraint par la politique (vos promesses de campagne électorale de 2017), le bon sens mais surtout par le droit.
J’évite autant que faire se peut de pratiquer le droit-fiction.
Si la réforme se cristallise sur la base du rapport du Haut-Commissariat, chaque avocat pourrait engager la responsabilité de l’Etat du fait des lois.
Faisons..faites en sorte que cela reste de la fiction et ne s’immisce jamais dans le monde réel.
En effet, elle est loin l’année 1838 où un siècle avant l'arrêt La Fleurette (CE 14 janv. 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette »), le Conseil d'État, dans un arrêt de principe, l'arrêt Duchâtellier, avait conclu à l'irresponsabilité totale de l'État législateur en raison du fait que « la loi est un acte de souveraineté et le propre de la souveraineté est de s'imposer à tous sans qu'on puisse réclamer d'elle aucune compensation. Le législateur peut seul apprécier, d'après la nature et la gravité du dommage, d'après les nécessités et les ressources de l'État, s'il doit accorder cette compensation. Les juridictions ne peuvent l'allouer à sa place » (Laferrière).
Désormais, le droit positif admet la responsabilité de l’Etat du fait des lois.
Avec l'arrêt « La Fleurette », il appert que le préjudice causé par des dispositions législatives peut donner droit à réparation.
L'arrêt « La Fleurette » conditionne la responsabilité de l'État du fait de la loi, en raison de la rupture de l'égalité devant les charges publiques et de la démonstration que la loi a été prise dans un intérêt économique et social d'ordre général.
En l’espèce, où est l’intérêt économique et social d’ordre général quand une loi tue le maillage territorial de l’accès au droit ?
En l’espèce, où est l’intérêt économique et social d’ordre général quand une loi assassine une profession, des auxiliaires de justice qui sont les garants notamment avec d’autres des libertés, des droits et donc modestement de la démocratie ?
En l’espèce, où est l’intérêt économique et social d’ordre général quand une loi spolie une profession d’une somme de 2.000.000.000 d’euros sans contrepartie ?
Je vous rappelle que le silence observé par la loi ne saurait exclure toute possibilité de mise en jeu de la responsabilité de l'État législateur pour rupture d'égalité devant les charges publiques.
Le préjudice doit naturellement répondre aux conditions habituelles posées par la jurisprudence générale sur la responsabilité de la puissance publique ; il n'est indemnisable notamment, que s'il a un caractère direct et certain. Mais, pour la mise en jeu de la responsabilité du fait des lois, la jurisprudence impose des conditions supplémentaires.
Il faut que le préjudice dont il est demandé réparation soit spécial au requérant.
Seuls les avocats sont touchés dans de telles conditions et proportions et plus largement l’ensemble des indépendants.
Pourquoi stigmatiser et charger les travailleurs non soumis à un lien de subordination ?
Le préjudice doit, d'autre part, être anormalement grave, faute de quoi il demeure à la charge de la victime.
Pour mon seul cas personnel, mon préjudice serait de :
- 29.411 euros au titre de la perte de ma part sur les réserves de ma caisse ;
- En 2018, mes cotisations étaient de 5.921 euros et si la réforme passe, leur montant doublera de sorte qu’au moment de liquider mes droits à la retraite, ma contribution pendant ma vie active aura été majorée d’environ 143.000 euros ;
- Ma pension de retraite sera anormalement moins élevée au regard de celle perçue sur la base du régime actuel.
Ces chiffres sont donnés pour mémoire et devront être affinés après l’adoption de cette éventuelle loi liberticide et inique.
Imaginez l’impact de 68.000 recours et plus encore, si l’ensemble des indépendants fait valoir leur droit à être indemnisé.
Enfin, la problématique de la responsabilité de l'État législateur doit aussi s’analyser à l’aune du contrôle de constitutionnalité exercé a priori et/ou a posteriori au regard du principe d'égalité devant les charges publiques et de la protection de propriété privée.
Les avocats sont des professionnels du droit et leur principale arme est le droit.
Monsieur le Président de la République, je vous remercie de revenir à meilleure raison, l’avenir de la profession est en jeu et avec elle, l’avenir d’une bonne justice…. Accessible et indépendante.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma haute considération.
Jean-Joël GOVERNATORI