Dans une affaire comme l'Affaire actuelle, le sens commun emprunt de pondération, voudrait que nous attendions que la Justice fasse son travail. Nous sommes en effet typiquement dans un conflit où, traditionnellement, seul un juge peut trancher entre deux positions irréconciliables. Nous sommes arrivé cette semaine au point où chacun accuse l'autre de calomnies. Autrement dit, il n'est aucune discussion possible entre les deux acteurs principaux, le gouvernement et Médiapart, car il n'y a pas d'accord minimal sur la réalité.
A ce moment, la coexistence des deux acteurs, et ce qu'ils représentent, exige un tiers qui vienne établir la réalité du monde dans lequel nous vivrons tous. C'est le rôle dévolu au juge que de dire cette réalité.
Or, le pouvoir actuel, à travers son Courroye de transmission, refuse l'intervention de ce tiers. Ce faisant, il interdit la réconciliation -la nouvelle réalité où nous serions amené à vivre. Ce que propose l'Etat sont deux réalités en affrontement irréductible, la sienne et celle de son ennemi. Son pari est celui de la force brute, celui de la guerre qu'il estime pouvoir gagner.
Aujourd'hui, Edwy Plenel et les Cinq de Villiers-Le-Bel (que Médiapart a largement oblitéré, probablement pour être au centre d'une autre tourmente) sont un seul et même ennemi intérieur. Dans les deux cas, auparavant bien différenciés, le juge étranger au conflit est simplement mis à l'écart. Certes, il y a eu un procès pour les Cinq mais, en application des lois scélérates de 2002 et l'exigence de coupables avant l'enquête -quatre jours après la révolte, Sarkozy a exigé une cours d'assise-, il n'eut pas de Justice.
Il n’est pas de société sans conflit. Dans nos sociétés, le rôle de l'institution judiciaire est de résoudre ce conflit. Celle-ci n'est jamais tout à fait impartiale, personne ne l'est, mais elle met en œuvre une fiction d'impartialité qui permet aux citoyens de s'y soumettre en échange d'une coexistence relativement pacifique. En son absence, c'est la guerre. A Villiers-Le-Bel et dans l'hôtel particulier de Madame Bettencourt, la fiction a disparu. Les courroies lâchent.