Mal aimé
Et tenu à l’écart, j’erre sans but au fond
d’une mer de siècles.
Une provocante horloge est pour l’heure suspendue dans un ciel trop blanc.
Repliées dans les peupliers, les buses m’observent, noirs regards
d’une indicible agressivité.
Fidèles aux padres (pères),
elles jalousent une âme que je n’ai pas. De sa source au Colorado,
le Rio Grande se paie le Mexique. Il l’atteint, sans plus.
N’y pénètre jamais.
Philocalies tristes et usées pour un bouffon dépenaillé. Frère en désolation et
poussière. Saison après saison,
j’ai regardé le soleil se coucher dans les yeux de Carrie. De qui
Dieu implore-t-il le pardon lorsqu’Elle salit tout ? Où est sa
ville fantôme ? Grâce au whisky, je perds un instant Carrie de vue. Une discrète
piste clandestine le long fleuve.
*
Unloved
and discarded, I wander goalless at the bottom
of a sea of centuries.
A hot clock hangs on a sky too white for time.
Hunched among cottonwoods, buzzards glower at me
in unspeakable blacks.
Having believed
padres, they envy a
soul I don’t own. From Colorado, where it is born,
the Rio Grande makes a
break for Mexico. Reaches it, but that is all.
Never steps inside. Ragged void chants to a ragged
joker. Brother in
sorrow and dust.
Season by season,
I watched the sun go down in Carrie’s eyes. From whom
does God beg forgiveness
when She messes up? Where is Her Despoblado? For a
while, whiskey helps me lose Carrie. And a faint
smugglers trail near the River.
+++
Pour mémoire : les poèmes que j'édite ici sont mes traductions des poèmes de Walt Stevens qui fut professeur de littérature anglo-saxonne et de philosophie dans quatre universités américaines jusqu'au début des années 1970. Le poème original est reproduit ci-dessus.