« Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages de l'histoire se produisent pour ainsi dire deux fois, mais il a oublié d'ajouter : la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide ». Karl Marx, Le dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, 1852
La campagne européenne a fini de dilapider le peu de sympathie que la FI inspirait aux Juifs et aux Juives. Les paroles nécessaires, mais probablement non suffisantes, qui auraient dû s’exprimer après le 9 juin, ont été recouvertes par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale consécutive au record historique du vote d’extrême droite. La dense séquence de libération de la parole antijuive dans les déclarations politiques qui s’est ouverte le 7 octobre aurait pu se refermer et l’heure des comptes aurait pu sonner. Une réponse aurait été faite à la France Insoumise, enfin. Mais cela n’a pas été le cas puisque la séquence ne s’est jamais refermée. La parole permettant de recouvrer de la dignité a été confisquée.
Néanmoins, l’émergence du Nouveau Front Populaire est une réponse urgente à une menace imminente, former une alliance des gauches contre l’extrême droite. Il est l’invocation du mouvement politique qui naît de l’union fomentée par le mouvement social et ouvrier. Le Front populaire de 1936 était « un rayon du soleil », d’après la chanson d’époque, car les deux semaines de congés payés mises en place par le socialiste juif Léon Blum permettaient aux ouvriers et aux ouvrières de donner du goût à la vie. Il devenait enfin possible de trouver quelques autres horizons en dehors du travail et de revoir sa famille hors des villes, une fois par an. Mais le Front Populaire ne fut qu’un rayon de soleil, puisqu’il a échoué à endiguer la vague pétainiste qui venait.
La nouvelle union historique des gauches permet cependant de proposer un espoir face au risque probable de l’avènement d’une extrême droite nationale-populiste, peut être néo-fasciste mais certainement raciste et antisémite. En effet, le négationnisme du candidat Joseph martin1 et les déclarations complotistes d’Agnès Pageard2 ne sont que la face émergé de l’iceberg du système de pensée du RN. Si, a contrario des cadres de la France Insoumise, ceux du Rassemblement National évitent généralement de laisser transparaître des déclarations antisémites, ce n’est pas parce que l’antisémitisme a disparu au RN. C’est parce qu’ils performent une stratégie de communication appelée « dédiabolisation ». Cela veut dire qu’a contrario de la FI le RN a étudié la question de l’antisémitisme et la comprend. Marine Le Pen ne fustige plus la «juiverie internationale » mais la « finance internationale. Elle ne désigne plus les « youpins » mais les « cosmopolites ». La sémantique a changé mais pas le logiciel politique. L’antisémitisme s’exprime non pas ouvertement mais avec des signifiants3. Et les antisémites continuent de le comprendre presque parfaitement comme le montrent les sondages d’opinion des militants du RN.
Bien que le parti qui revendique son héritage nazi reste la plus grande menace pour les Juifs et les Juives, la proposition du Nouveau Front Populaire peut-elle être crédible alors que la France Insoumise, parti central de la coalition, a plus utilisé son temps de parole médiatique pour attaquer les Juifs du Parti Socialiste plutôt que le RN lors de la campagne pour les Européennes ? Alors qu’entre l’incendie de la synagogue de Rouen et le viol antisémite d’une enfant, Jean-Luc Mélenchon qualifiait la haine des juifs de « résiduelle » ? Une alliance des gauches avec la FI peut-elle naître après 9 mois de déclarations immondes, du déni de l’explosion des actes antijuifs et de ridiculisation de la lutte contre l’antisémitisme ? Comment cette union pourrait-elle être de gauche si elle se fait sur le dos des Juifs et des Juives ?
Le Nouveau Front Populaire, ce n’est pas que la FI. Nous sommes nombreux chez les Juifs de gauche engagés dans la bataille pour endiguer l’arrivée de l’extrême droite par tous les moyens, et même auprès du NFP, dans plusieurs circonscriptions. Car des élections législatives ne sont pas des élections présidentielles : les candidats se rapportent à des circonscriptions. Voter ici pour les purgés de la FI pour contribuer à accentuer le schisme interne au parti, ce n’est pas voter pour Mélenchon. Voter là pour ceux qui osent adresser l’antisémitisme au sein même de leur camp politique, ce n’est pas voter pour Mélenchon. Il y a finalement un plan déclinable en 577 cas pour contrer l’extrême droite tout en faisant reculer l’antisémitisme à gauche. Quelle que soit l’option choisie, on ne voit pas comment les gauches pourraient gagner en puissance sans s’engager dans un rapport de vérité et de courage vis-à-vis de l’antiracisme. Ou bien ce n’est pas la gauche. La répétition malheureuse de l’histoire serait que le RN prenne le pouvoir en 2027, comme Pétain l’a pris trois ans après les élections du Front Populaire. La farce sordide serait que le mouvement qui se nomme d’après celui de Léon Blum mette au centre le parti qui a exprimé ouvertement un antisémitisme débridé et qui s’est employé à nier sa réalité. Si les gauches espèrent faire mentir la citation de Marx sur la répétition de l’histoire, pour que le marxisme ré-infuse au sein de la société, alors il faudra que des voix courageuses se lèvent pour adresser les problèmes d’antisémitisme à la France Insoumise.
Ce n’est pas parce que le RN est un parti antisémite qu’il faudrait signer un chèque en blanc pour le Nouveau Front Populaire. Nous sommes nombreux et nombreuses à avoir assez usé de pédagogie, à avoir assez expliqué les phrases qui forment le faisceau qui nous permet d’affirmer que la France Insoumise est pourrie par l’antisémitisme. Dès lors, il faut s’interroger sur la stratégie de la lutte contre l’antisémitisme à gauche. Jusqu’ici, nous avons tenté de visibiliser cet ensemble de sorties délirantes. Nous nous sommes donc placés sur le terrain de la bataille intellectuelle. Si nous voulons poursuivre dans cette voie, et je pense qu’il faut continuer à le faire, il faut alors trouver le moyen de devenir performant, car l’objectif est de convaincre largement. Dès lors, il faut se demander comment retenir l’attention de tous ceux qui jusque-là refusent de considérer qu’il y a de l’antisémitisme à gauche. Sinon, il faut changer de terrain et entreprendre une lutte juridique, politique, ou autre.
Je postule qu’il y a trois principes tactiques pour convaincre, d’après les observations que je fais du travail que les Juifs et les Juives de gauche réalisent depuis quelques années d’une part, et les techniques de formation qui me semblent fonctionner de l’autre. D’abord, les voix situées à gauche permettent de neutraliser les mécanismes défensifs et victimaires de la France Insoumise. Dans un plateau Mediapart du 19 juin4, la députée FI Clémence Guetté est totalement séchée par l’invective d’une intervenante sur l’antisémitisme à la FI. Elle ne peut sortir la carte du « rayon paralysant » ou crier à « l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme ». Les mécanismes défensifs habituels sont désamorcés. Il nous faut donc soutenir et relayer les voix, juives et non-juives, qui s’expriment depuis le mouvement social. L’autre tactique consiste à construire une critique globale du système de pensée de la France Insoumise plutôt que de débunker les petites phrases de Mélenchon et consorts. Ces dernières, qui sont les symptômes du mal plutôt que sa cause, sont néanmoins nécessaires pour démontrer que la vision du monde propulsée par la France Insoumise n’a rien a voir avec l’émancipation mais plus avec le nationalisme, le populisme et évidemment le campisme. On a vu avec les présidentielles en 2022 que près de 60 % des électeurs de la FI du premier tour ont refusé de voter contre Marine Le Pen au second. Le phénomène a été particulièrement marqué dans les colonies françaises, mais aussi dans nombres de communes rurales en métropole. Il me semble que le dégagisme est une stratégie qui profite à l’extrême droite, mais cela ne constitue pas un point mis au débat dans la gauche. Enfin, il me semble que le moyen le plus efficace pour assainir les gauches de l’antisémitisme serait de montrer comment le refus de l'affronter est, en plus de la mise en danger des Juifs et des Juives, un obstacle à l'avènement même du projet de société qu'elles entendent mener. J’observe que les gauches se sabotent elles-mêmes lorsqu’elles abandonnent la lutte contre l’antisémitisme, non pas parce qu’elles renoncent à des principes moraux ou des valeurs abstraites comme « la lutte contre les inégalités » mais concrètement et opérationnellement. En effet, l’antisémitisme détruit les cadres d’analyses, les acquis et les héritages que les gauches entendent diffuser. La tribune « Réponse collective à une infamie : Sur l’accusation d’antisémitisme portée contre la France insoumise 5» en est le parfait exemple. Les signataires David Dufresnes, qui travaille sur les violences policières racistes, et Ludivine Bantigny, qui travaille sur l’islamophobie, se démènent au quotidien, et légitimement, pour montrer que l’absence de condamnations judiciaires des policiers et des polémistes pour racisme n’est en rien une preuve de l’absence du phénomène. En décrivant que la France insoumise n’est pas antisémite car « elle n’a jamais fait l’objet d’une condamnation judiciaire », les signataires de la tribune neutralisent eux-mêmes leur travail, car ils délèguent la légitimation du racisme à la justice. En discréditant les paroles des femmes israéliennes victimes des viols des terroristes du Hamas, les féministes renoncent au principe de croire les victimes des violences sexuelles. En transformant l’adjectif « sioniste » en insulte, les députés de la France Insoumise qui prétendent promouvoir la solution à deux États comme solution au conflit israélo-palestinien, font reculer leur solidarité internationale avec la Palestine et le combat pour la paix. En reprenant la rhétorique des « dragons célestes » et en adhérant à la critique tronquée qui personnifie la domination économique, David Guiraud fait reculer l’analyse marxiste qui identifie le capitalisme comme un système social et non l’action d’individus malintentionnés qui seraient organisés en une obscure société surpuissante6. La liste des auto-sabotages des gauches est sans fin.
La détestation exacerbée de la France insoumise que les centristes manifestent à travers le rejet équivalent du RN et de la France insoumise, voire du Nouveau Front Popuaire tout entier, est probablement due au sentiment terrifiant de voir un parti de gauche diffuser l’antisémitisme. Tant que ce dernier reste cantonné à l’extrême droite, c’est finalement un état de la société où chacun joue son rôle. Tant que l’extrême droite antisémite reste marginale, comme c’est le cas dans l’après guerre, nous sommes dans une normalité tranquillisante. On attend de l’extrême droite qu’elle soit antisémite, mais on attend de la gauche qu’elle le combatte. Le slogan irresponsable « Ni RN, ni LFI » fait le fonds de commerce de la troisième force politique en lice pour les législatives. Renaissance et Macron prétendent, alors qu’ils ont semé le chaos par leur exercice autoritaire du pouvoir, être les seules capables de restaurer une sérénité dans le pays. Échaudés et même furieux des derniers 9 mois de polémiques insupportables presque quotidiennes, désabusés par l’incapacité des cadres des gauches, à l’exception de quelques-uns, à prendre leurs courages à deux mains pour confronter publiquement Jean-Luc Mélenchon, nombreux sont tentés d’adhérer à l’idée qu’il faudrait consolider Renaissance, ce parti qui n’a rien fait, sinon contribué à empirer la situation. Marchepied pour l’extrême droite, le parti de gouvernement a donné des postes clefs aux RN à l’Assemblée Nationale, sans même que les résultats des votes l’y oblige et pour contrecarrer les gauches. Il a tenté de promulguer l’infâme loi contre l’immigration qui entendait inscrire la préférence nationale dans la législation française. Macron tentait de draguer sa droite nationaliste en réhabilitant Pétain, en multipliant les références nationalistes à Charles Maurras ou Maurice Barrès. Mais les nationalistes semblent « préférer l’original à la copie » , comme aimait le rappeler Jean-Marie Le Pen7.
Depuis qu’il est au gouvernement, le parti d’Emmanuel Macron rappelle qu’il combat l’antisémitisme, mais après sept années de pouvoir, quel est le bilan, quelles sont les avancées ? Le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye avait annoncé la réalisation d’une étude sur la déscolarisation des élèves juifs de l’école publique. L’étude a disparu avec la révocation du ministre. Des « assises contre l’antisémitisme » ont été annoncées, elles ont été dissolues avec l’Assemblée Nationale. La lutte contre l’antisémitisme est devenue valeur abstraite, un principe qu’on énonce, une belle parole pour se ranger dans « l’arc républicain ». Ou bien un objet politique. C’est le cas lorsque Gérald Darmanin prétend que « la haine du juif et la haine du flic se rejoignent8», il s’agit moins de défendre les Juifs de l’antisémitisme que de promouvoir la police. Car l’extrême droite adore la police mais haït bien les Juifs. Lorsqu’Eric Dupont-Moretti défend Abdelkader Merah lors de son procès, il n’est pas uniquement son avocat qui œuvre à la justice. Il ne s'agit pas de critiquer le fait qu'il défende Merah, mais son argumentaire et son comportement. Il n'est pas un simple avocat mais un militant qui se bat pour acquitter le complice du tueur d’enfants d’Ozar Hatorah. Il tente de tourner le procès en scandale, il crie à l’iniquité. Il prétend que le procès du frère Merah serait moins digne que celui de Nuremberg9. Plus tard, en tant que garde des sceaux, il refuse d’inscrire le délit d’outrage sexiste et la définition du viol comme un « acte sans consentement » dans le droit. Le voir prendre la parole dans un rassemblement contre l’antisémitisme le mercredi 19 juin, lorsqu’une enfant de 12 est violée, est triplement insupportable. Parce que son bilan de la lutte contre l’antisémitisme est inexistant, sinon d’avoir donné un os à ronger à la famille de Sarah Halimi en promulguant une loi qui rend la consommation de stupéfiant circonstance aggravante des crimes, mesure dont on peine a réellement comprendre ce qu’elle apporte à l’antiracisme. Parce qu’il a fait reculer la lutte contre le sexisme et la culture du viol. Parce qu’il est en campagne et que son apparition à l’hôtel de ville est un opportunisme électoraliste offert par le collectif « Nous Vivrons ».
Sans considération stratégique, la lutte antiraciste est inefficace. C’est un des drames de la lutte contre l’antisémitisme lorsqu’elle est réduite à une déclaration de posture vidée de son sens. Elle devient non pas une fin, mais un moyen au service d’autre chose. Qu’on soit de droite ou de gauche, il y a mille raisons de détester la France Insoumise. Mais si on s’intéresse sincèrement à la lutte contre l’antisémitisme, on se rend bien compte que le parti de gauche le plus important aujourd’hui est loin d’être le seul problème dans le champ politique.
Ci après, je propose une compilation non exhaustive a l’attention des personnes qui refusent de laisser les cadavres de la France Insoumise au placard. J’ai tenté de regrouper par thème les différentes déclarations plutôt que par auteur. Dans chaque thème, il serait possible de compiler un ensemble de citations problématiques au-delà de la question de l’antisémitisme. Avec Samuel Delor, nous proposons une analyse dudit système de pensée dans notre livre à sortir fin octobre 2024. Cette liste sera utilisée par les détracteurs du NFP, de l’irresponsable macronie au RN antisémite. Les fanatiques de la France Insoumise ne manqueront pas de crier à l’imposture, à l’idiot utile, à « l’instrumentalisation de la lutte par la droite », comme ils l’ont fait avec les féministes qui ont réussi à désinvestir Adrien Quatennens. En cas d’échec du NFP, ils oseront peut-être raconter que c’est à cause de ceux qui luttent contre l’antisémitisme, voire des Juifs qu’ils désigneront comme « les sionistes ». Les féministes nous ont récemment démontré qu’il y a un moyen de faire changer la France Insoumise. Avec le rapport de force. S’il faut l’exercer contre la France Insoumise pour que la gauche redevienne antiraciste, c’est-à-dire elle-même, alors employons-nous vite à le faire.
Nationalisme et accusation de double allégeance
- Jean-Luc Mélenchon s’en prend au CRIF qu’il qualifie de traître à la France et active l’accusation de double allégeance. Tout au long de son billet de blog « Le jour de la honte » (2 avril 2018)10, il opère une division entre « le peuple français » et « les communautaristes ». Il dénonce « l’allégeance a un gouvernement étranger » du CRIF, « un particularisme communautariste arrogant », « l’outrage communautariste », « une singularité communautaire radicale », « le sectarisme communautariste ». Il accuse le CRIF de « secte communautaire », de « premier groupuscule ethnique venu, se réclamant des intérêts d’un État étranger » et le met en porte-à-faux de l’ « unité de la communauté républicaine », la « patrie républicaine », le « peuple français », « la république commune », ses députés et « l’universalisme » qui « a vaincu en France ». Ainsi, Mélenchon oppose les « vrais français » avec les représentants des organisations juives.
- Après la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, Mélenchon écrit : « Non, non, Vichy ce n’est pas la France ! »11.
- « Nous ne croyons pas à un peuple supérieur aux autres »12
- Jean-Luc Mélenchon oppose le « peuple français » à Yael Braun Pivet qui « campe à Tel-Aviv »13.
- Jean-Luc Mélenchon considère que la première ministre Elisabeth Borne « rallie un point de vue étranger ». Il ajoute « La France ne parle pas comme ça »14.
- Jerôme Guedj, député PS, Raphaël Glucksmann, tête de liste europpéenne pour Place Publique et Emma Rafowicz, présidente des jeunes socialistes, sont particulièrement attaquées calomnieusement par les candidats et les députés de la FI. Au moins Rima Hassan, Alma Dufour, Louis Boyard, Emmanuel Bompard, Mathilde Panot, Danièle Obono et Ersilia Soudais prétendent qu’ils ont un désaccord politique avec les trois personnalités juives du PS. Pourtant Guedj, Glucksmann et Rafowicz appellent à un cessez-le-feu et prônent la solution à deux États, tout comme la France Insoumise. Ils et elle sont qualifiés de « soutiens du génocide en cours » et de « complices des exactions de Netanyahu » alors qu’ils expriment régulièrement et rapidement après le 13 octobre, date des premiers bombardements israéliens, leur empathie envers les civils palestiniens. Ils sont qualifiés de « sionistes », comme s’il s’agissait d’une insulte. Si les attaques qui les visent ne se rapportent pas à leurs discours, c’est donc qu’elles ciblent leur identité juive.
Réactivation d’accusations historiques faites aux Juifs
- Mélenchon réactive l’accusation de peuple déicide en 2020. Ce qui est étonnant, c’est que Mélenchon réagit en 2007 à un texte de Ségolène Royal, candidate socialiste perdante de l’élection présidentielle la même année. Alors que les cadres du parti socialiste règlent leurs comptes en public, Royal écrivait à propos de ses camarades : « Il faut leur pardonner, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Mélenchon met alors en garde sur son blog : « Comme la culture chrétienne s’efface de nos paysages de référence, expliquons cette phrase. Elle est attribuée par les Évangiles au Christ sur sa croix à propos de ceux qui l’ont crucifié. C’est donc une énormité de s’y référer. Avec le risque d’antisémitisme subliminal, compte tenu de la tradition catholique française en la matière15 ». Mélenchon connaît donc l’accusation de peuple déicide, et il peut faire preuve de lucidité et de vigilance quant à l’antisémitisme. L’accusation de déicide a été réactivée plusieurs fois dans la période de Noël 2023, pendant les attaques israéliennes à Gaza, en comparant Jésus aux Gazaouis et les « sionistes » aux tueurs de Jésus, notamment par Daniele Obono16.
- Les Juifs contrôlent les médias : « Quelques centaines de personnes écrit Libération, un millier dit BFM. Même propriétaire même mensonge. En fait les rues sont pleines de Bastille à Nation. Les soutiens inconditionnels du massacre mentent pour rien17».
- David Guiraud qualifie l’Observatoire Juif de France de « dragons célestes »18.
- Complotisme : Mélenchon considère que la défaite électorale de Jeremy Corbyn est due à l’action d’un réseau d’influence qui réunirait le rabbin d’Angleterre, le Likoud et le CRIF. Il refuse de s’agenouiller devant les « ukases arrogants des communautaristes du CRIF 19».
- Rima Hassan prétend que les soldats israéliens tuent des Palestiniens afin de prélever des organes sur leur cadavre et les vendre. En plus d’être impossible techniquement, cette accusation réactive l’accusation antique de crimes rituels.
- Rima Hassan diffuse l’accusation complotiste qu’Israël entraînerait des chiens pour violer des Palestiniens20. Plusieurs théories zoologiques et zoophiles circulent autour de cette accusation : les Israéliens entraîneraient des animaux pour placer des bombes ou espionner les Palestiniens.
- Rima Hassan prétend que le CRIF aurait le pouvoir de dicter à l’État français sa politique en matière de droit international21.
Déclarations malaisantes, méprisantes ou hostiles envers des Juifs ou le judaïsme
- Jean-Luc Mélenchon considère que le capitaine Dreyfus était royaliste et son identité juive n’aurait pas de rapport avec l’Affaire22.
- Pendant un discours de l’Université d’été de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon déclare : « Il faut unir la société par la laïcité et le refus absolu de la diabolisation d’une religion, quelle qu’elle soit. Non, l’ennemi ce n’est pas le musulman, c’est le financier ! ».23
- Jean-Luc Mélenchon considère que Pierre Moscovici, ministre des Finances, « ne pense plus en français » mais « pense dans la langue de la finance internationale 24».
- Pour JLM, Ruth Elkrief est « fanatique »25.
- Jean-Luc Mélenchon banalise la Shoah en comparant un président d’université qui refuse d’accueillir sa conférence avec le nazi Adolf Eichmann26.
- JLM considère que le judaïsme est par essence raciste. « Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit beaucoup de scénarios culturels: on ne change rien à la tradition, la créolisation, mon dieu, quelle horreur… Tout ça ce sont des traditions qui sont beaucoup liées au judaïsme »27
- David Guiraud insulte le député Meyer Habib de porc. Le fait que les personnes juives ont été dans l’histoire comparée aux porcs comme les personnes noires ont été comparées au singe rend l’insulte antisémite. On peut légitimement détester Meyer Habib, mais il n’y a pas de différence entre insulter une personne noire de singe et une personne juive de porc.
Minimisation de l’antisémitisme
- Mélenchon sur le tueur de Toulouse: « Ne politisons pas cet idiot ! »28.
- Merah et l’élection de macron. Pour Jean-Luc Mélenchon, on en fait trop sur la tuerie d’Ozar Hatorah. Elle est devenue un prétexte pour aider Macron a être élu, au même titre que le fait divers « Papy Voise »29.
- Aymeric Caron considère les homicides antisémites comme des faits divers, en particulier celui d’Ilan Halimi ou celui des enfants d’Ozar Hatorah. Il vaudrait mieux ne pas en parler30.
Ridiculisation ou diabolisation de la lutte contre l’antisémitisme
- L’accusation d’antisémitisme est un prétexte qui permet de discréditer les gauches d’après Jean-Luc Mélenchon31. Il est, selon lui, un « rayon paralysant »32. Les accusations d’antisémitisme « [participent] d’une guerre idéologique dont le but est de faire taire33». « Je suis ciblé, comme le Pape, l’Eurovision et bien d’autres34 ».
- Mélenchon est fier d’être accusé d’antisémitisme : « En général quand une campagne électorale voir un homme de gauche être traité d’antisémite, c’est qu’il n’est pas loin du pouvoir 35».
- Mélenchon et Guiraud : Ceux qui marchent contre l’antisémitisme soutiennent le massacre à Gaza.
Déni de l’antisémitisme
- Entre l’incendie de la synagogue de Rouen et le viol d’une enfant de 12 ans, Jean-Luc Mélenchon considère que « l’antisémitisme est résiduel »36.
- Eric Coquerel affirme « qu’on nous invente maintenant l’antisémitisme » suite à une manifestation contre les violences policières. C’est le préfet Lallement qui a déclenché la polémique en prétendant qu’une foule aurait crié « sale juif », alors que ce n’était qu’un manifestant isolé. Il était assez simple de répondre que l’affaire avait été montée en épingle à partir d’une vidéo diffusée par Valeurs Actuelles qui avait capturé une scène ubuesque. Un manifestant criait « sales juifs » à des militants de Génération Identitaire qui provoquaient les manifestants. Mais Coquerel refuse catégoriquement la possibilité même que l’insulte antisémite ait pu être prononcée. Assa Traoré, organisatrice du rassemblement, avait pourtant condamné l’antisémitisme sans ambiguïté et expliqué qu’il n’avait rien à faire dans une manifestation antiraciste37.
- Antiracisme procédurier, Jean-Luc Mélenchon prétend que l’antisémitisme ne pourrait traverser son parti si la justice ne l’a pas établie. Dans ce cas-là, Marine Le Pen ne serait pas raciste, puisque jamais condamnée pour racisme ? « Personne n’a porté plainte contre moi pour antisémitisme, pourtant c’est un délit en France. C’est donc que nos accusateurs n’y croient pas eux-mêmes »38.
- Simonnet et Obono invitent Jeremy Corbyn pendant la campagne pour les législatives en France. Elles invectivent ceux qui remettent en question cette invitation : « Honte à vous. Jeremy Corbyn n’a jamais tenu un seul propos antisémite mais a été victime d’une grossière manip’ parce qu’il incarnait l’aile gauche ». Corbyn ne peut être antisémite, parce qu’il est de gauche. L’accusation d’antisémitisme serait donc un coup de la droite. Pour Obono : « Internationalistes, antiracistes, avec Danielle Simonnet, on ne lâche rien ! En dépit de toutes basses manœuvres politiciennes de la Macronie et de leurs allié·e·s 39».
1https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/le-candidat-suspendu-du-rn-pour-un-tweet-refute-tout-antisemitisme_6616041.html
2https://www.liberation.fr/politique/elections/peuple-de-trop-elites-qui-sodomisent-leurs-enfants-obsessions-antijuives-cette-candidate-rn-qui-multiplie-les-propos-antisemites-et-complotistes-sur-les-reseaux-20240621_PQBUVLBF6RC3DNDHVIYG44TPMY/)/
3https://www.cairn.info/revue-savoirs-et-cliniques-2017-2-page-80.htm
4https://www.mediapart.fr/journal/politique/190624/face-l-extreme-droite-la-societe-civile-interpelle-la-gauche
5https://www.auposte.fr/reponse-collective-a-une-infamie-sur-laccusation-dantisemitisme-portee-contre-la-france-insoumise/
6Vidéo Akadem
7https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/04/03/les-gens-preferent-l-original-a-la-copie_3964167_1819218.html
8https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/darmanin-affirme-que-la-haine-du-juif-et-la-haine-du-flic-se-rejoignent-indignation-a-gauche_AV-202310180081.html
9https://www.ladepeche.fr/2019/04/19/eric-dupont-moretti-lavocat-dabdelkader-merah-veut-se-pourvoir-en-cassation,8141586.php
10Jean Luc Melenchon, « Le jour de la honte », Blog de Jean-Luc Mélenchon, 02/04/2018, [En ligne] consulté le 17/03/2024
11https://melenchon.fr/2017/07/17/jupiter-deraille/
12 https://laregledujeu.org/2017/04/16/31117/melenchon-les-juifs-et-le-peuple-superieur/
13https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/02/jean-luc-melenchon-instaure-explicitement-un-fosse-entre-le-peuple-francais-et-yael-braun-pivet_6197830_3232.html
14https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/attaque-du-hamas-sur-israel-borne-denonce-la-complaisance-de-lfi-melenchon-lui-repond_AV-202310080197.html
15« Lundi de retour de la fête de l’Huma », blog de Jean-Luc Mélenchon, 17/9/2007 cité par Milo Lévy-Bruhl, « La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon et l’antisémitisme », Histoire politique de l’antisémitisme, 2024, p.303
16https://x.com/Deputee_Obono/status/1705698404221800905
17https://x.com/JLMelenchon/status/1720842581062422925
18https://akadem.org/david-guiraud-anatomie-dune-insulte
19https://melenchon.fr/2019/12/13/corbyn-la-synthese-mene-au-desastre/
20https://x.com/RimaHas/status/1805127545140007101
21https://x.com/RimaHas/status/1793280774965272698
22 https://www.secretsdhistoire.tv/content/emile-zola-la-verite-quoi-qu-il-en-coute-
23https://aoc.media/opinion/2021/09/27/le-financier-le-musulman-et-le-peril-des-signifiants-flottants/
24https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/video-jean-luc-melenchon-accuse-d-antisemitisme-la-video-qui-retablit-la-verite_16701.html
25https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/04/gerald-darmanin-annonce-avoir-place-ruth-elkrief-sous-protection-policiere-apres-un-tweet-de-jean-luc-melenchon_6203840_823448.html
26https://www.lexpress.fr/politique/lfi/jean-luc-melenchon-et-la-reference-a-eichmann-le-gouvernement-riposte-WT6TWVR2TFHRBGU72CJBF4B2TM/
27https://www.bfmtv.com/politique/pour-jean-luc-melenchon-eric-zemmour-ne-doit-pas-etre-antisemite-car-il-reproduit-beaucoup-de-traditions-liees-au-judaisme_VN-202110290292.html?fbclid=IwAR3oWM4a0-R17sOK3oTf_KxO4Ox5Xyyz2eBEdGUNzNeBQwJqLbb98-yOIxk
28atlas.info.fr, 21/03/2012, https://atlasinfo.fr/melenchon-sur-le-tueur-de-toulouse-ne-politisons-pas-cet-idiot-_a26890.html
29 https://www.francebleu.fr/infos/politique/affaire-merah-derapage-complotiste-de-jean-luc-melenchon-1623029925
30https://x.com/hugues_serraf/status/1804111436542595167?s=46&t=P1zD0GeN-XvhPssfln0onA
31Mélenchon Jean-Luc, « Antisémitisme : un bon prétexte contre Sanders aussi », melenchon.fr, 27/12/2019.
32https://x.com/JLMelenchon/status/1730311630427181259
33Alain Gresh, « Jean-Luc Mélenchon. À Gaza, « ce n’est pas de la légitime défense mais un génocide », Orient XXI, 7/12/2023, [En ligne] consulté le 16/4/2024
34https://x.com/JLMelenchon/status/1769342231750595069
35https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/05/antisemitisme-comment-jean-luc-melenchon-cultive-l-ambiguite_6209231_823448.html
36https://www.liberation.fr/politique/antisemitisme-residuel-en-france-melenchon-fait-expres-de-creer-du-doute-20240603_V4QEF5BV2FFBRMMLV53WRRUL5Y/
37https://www.radioj.fr/2020/06/15/eric-coquerel-affirme-quon-nous-invente-maintenant-lantisemitisme-suite-a-la-manifestation-a-paris/
38Alain Gresh, « Jean-Luc Mélenchon. À Gaza, « ce n’est pas de la légitime défense mais un génocide », Orient XXI, 7/12/2023, [En ligne]consulté le 16/4/2024
39Cités par Milo Levy-Bruhl, Op. Cit. p.309