jonath (avatar)

jonath

Abonné·e de Mediapart

51 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 août 2009

jonath (avatar)

jonath

Abonné·e de Mediapart

L'art pour éduquer - Alain Kerlan

jonath (avatar)

jonath

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.


L' utopie de l'art et l'éducation. Le recours ou l'espérance éducative dont l'art fait aujourd'hui l'objet, participe donc d'une utopie de l'art dont il prolonge l'histoire. La place et le rôle qu'on voudrait aujourd'hui accorder à l'éducation esthétique, l'espèrence sociale, voire politique, qu'on y investit, participent d'une histoire, celle de la rencontre de l'idéal éducatif et de l'utopie de l'art. Nouée dans l'oeuvre esthétique de schiller, elle s'est poursuivie jusque dans le développement des avant-gardes artistiques ; rien d'étonnant si l'éducateur cherche quelquefois son inspiration de leur côté. Qu'elle paraisse aboutir aujourd'hui, dans un monde " désenchanté " , un univers post moderne marqué par la fin de la croyance dans les " grands récits " et l'effacement des utopies, au beau milieu d'un paysage culturel ou l'art vivant, entré dans son âge postmoderne, abandonne les fondements romantiques de l'utopie de l'art, où l'art contemporain consomme la fin de l'utopie de l'art, constitue un paradoxe qui pourrait bien être une impasse, si on n'y prend garde.
Utopie ? Il existe en effet une utopie moderne de l'art, et il s'agit d'emblée d'une utopie éducative et politique. Qu'est-ce qu'une utopie ? L'abolition de toutes les limites la projection d'un monde humain entiérement réconcilié, dans lequel toutes les contradictions se trouveraient résolues, et surtout la connaissance et l'espérance du chemin qui en ouvre les portes. L'utopie de l'art fait de la beauté, de l'eouvre et de l'artiste à la fois des preuvres et les moyens de l'idéal de perfection. Une utopie paradoxalement dejà là, ou du moins déjà préfiguré dans l'humanité ordinaire. Proudhon voit ainsi dans l'oeuvre dart une utopie concrête, " une métaphysique positive ". En chacune, l'humanité affirme son énergie propore, sa puissance auto-créatrice , auto-éducatrice. " l'artiste ", écrit Proudhon, " est un des principaux agents de cette création " de l'humanité par elle même ; " il la pressent, il la devine, la provoque, la devance ; il est d'autant plus créateur qu'il a mieux lu au fond de l'âme universelle et qu'il l'a mieux révélée par ses oeuvres ". Les ouvriers saint-simoniens dont Jacques Rancière retrace l'épopée dans la nuit des prolétaires étaient sans doute animés d'une espérance analogue engageant le combat artistique comme combat politique, convaincus de tenir dans l'eouvre et le travail de l'oeuvre la préfiguration esthétique de l'égalité des producteurs.
L'utopie de l'art possède deux versants, deux visages dont les traits quelquefois se mêlent. La première l'utopie romantique, a pour figure de proue la figure du prophète et du génie ; la seconde, l'utopie démocratique porte la prommesse de l'accomplissement de tous et de chacun dans la communication esthétique. Les avants gardes artistiques auront souvent croisé ces deux formes de l'utopie de l'art. La thématique romantique de l'avant-garde est ainsi particulièrement marquée dans la pensée esthétique de Kandinsky. Ce qu'on peut appeler le paradigme romantique - une façon de penser l'art, son sens, sa valeur, son rôle, sa mission - est bien le fondement de l'esthétique au sens actuel, et oriente la modernité esthétique depuis Baudelaire jusqu'aux avant-gardes contemporaines. Le propre du romantisme est d'élever l'art à l'absolu , et de lui confier l a mission la plus haute , la question de l'être et de la vérité. L'oeuvre y devient le lieu du sens, de la manifestation et de l'accomplissement du sens, et l'expérience esthétique l'expérience même du sens, dans un monde désenchanté, le monde des sciences et des techniques, un univers et une culture éclatés, morcelés. Seul l'art aurait ce pouvoir de reconstruire l'harmonie, l'unité perdue. On comprend dès lors comment l'aspiration romantique rencontre l'idéal éducatif. Le fameux triangle de kandinsky et sa vision de l'artiste inspiré, prrophète tirant l'humanité tout entière dans son ascension spirituelle, donnent de cette fusion de l'idéal éducatif et de l'esthétique romantique une saisissante projection.
Sur l'autre versant, l'utopie démocratique de l'art perçoit dans l'art et l'oeuvre d'art, dans la jouissance esthétique, une préfiguration de l'égalité et de la liberté politique, des valeurs de la démocratie. Le caractère utopique de l'art tient à cette faculté de préfiguration et d'anticiation : dans l'oeuvre d'art, dans la jouissance esthétique, la liberté et l'égalité de chaque être humain sont présupposées, à la fois comme un horizon et un dejà-là, une promesse et une réalité. L'utopie démocratique de l'art passe moins par une philosohiie de l'oeuvre que par une esthétique de la réception. C'est pourquoi elle trouve dans l'esthétique kantienne, dans la critique de la fcaulté de juger, comme le rappelle yves michaud , son principal fondement théorique. Pour le comprendre, il faut rappeler que la notion même d'esthétique, l'idée donc d'un domaine spécifique de connaissance et de plaisir dans et par la sensibilité, irréductible à l'ordre de la morale ou à celui de la raison théorique, ne trouve ( tardivement ) son autonomie qu'au XVIIIè siècle, parallèlement à la formation de la notion de public et d'espace public? La notion d'esthétique est bel et bien une invention de l'âge démocratique, et son avènement n'est guère dissociable de l'histoire de la démocratie moderne. L'esthétique kantienne - ou mieux, la fondation kantienne de l'esthétique - peut-être définie comme une anthropologie du jugement de goût. L'auteur de la Critique de la faculté de juger ne s'interroge pas en premierr lieu sur la nature des oeuvres d'art, pas même sur les caractéristiques internes de ces créations de la nature qui nous font éprouver le sentiment et la joie du beau, les élévations du sublime ; il regarde en nous, en chacun d'entre nous, la formation de ce sentiment et de ce jugement qui sont le privilège des hommes : le sentiment du beau et du sublime, le jugement de goût.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.