Le 30 novembre 2014 se tiendra le deuxième tour des élections générales en Uruguay, au cours duquel sera notamment élu le président uruguayen. Ce dernier succèdera à José "Pepe" Mujica, 79 ans, dont le bilan à l'issue d'un seul mandat est source de débats tant il est riche de progrès et de contrastes. Pepe Mujica est probablement le dirigeant sud-américain le plus connu en Europe, notamment en France et en Espagne. Les réformes emblématiques qu'il a menées, la légalisation de l'avortement, du mariage homosexuel ou de la consommation du cannabis sont autant de réussites majeures dans un pays à forte majorité catholique. La hausse constante de l'insécurité reste, elle, le point noir du mandat et le thème principal de la campagne.
Fleuriste puis guérillero, José Mujica donne un sens nouveau à l'expression "la fleur au fusil". Lui et sa femme Lucia Topolansky, sénatrice, furent torturés sous la dictature, torturés à un point tel qu'ils n'ont pu concevoir d'enfant. Mathilde, enseignante à Solymar (une petite station balnéaire à moins d'une heure de Montevideo), assure que si au début de son mandat il était perçu comme un "hippie bizzare", il jouit aujourd'hui d'une énorme côte de popularité en Uruguay. En témoigne, à Montevideo comme dans les territoires plus reculés, le nombre incroyable de drapeaux à l'image de son mouvement et de produits dérivés autour de sa personne. Ses interventions publiques sont des instants philosophiques ou brutaux, l'homme étant capable de parler du rôle de l'Etat dans l'accomplissement de soi comme d'insulter ouvertement les dirigeants de la FIFA. Et son courage politique se mesure à l'aune de sa différence.
Le candidat "héritier" de Mujica (au sein du Frente Amplio) est Tabaré Vazquez. Médecin, Président de 2005 à 2010, son profil est radicalement différent. Fort de 49,47% des suffrages au premier tour, il devrait sans surprise remporter le deuxième. Son bilan en tant que président est des plus contrasté, et ses prises de positions à l'époque (notamment contre l'avortement "en raison de sa profession") peinent à s'inscrire dans le chemin tracé par Pepe Mujica. Outre un conflit diplomatique avec l'Argentine concernant la contamination du Rio Uruguay, son bilan économique suite à une politique prudente est à son avantage, notamment pour avoir réduit la dette uruguayenne. Son bilan social est lui bien plus faible. Un constat que partage Mathilde, assurant au passage que "Tabaré fait partie du sérail, il obéit à des règles que Mujica ne prenait pas en considération" et qui s'éloignent de la démocratie directe.
La légalisation du cannabis et sa vente contrôlée en pharmacie, suspendue peu avant les élections, sont symptômatiques des perspectives hésitantes de l'Uruguay quant à la conservation de ses acquis récents. Il en va de même pour les lois sur l'avortement et le mariage homosexuel, qui comme en France ont réveillé clergé et prosélytes qui aujourd'hui font entendre leurs voix entre les deux tours. Quand bien même Tabaré Vazquez se soit engagé à ne pas revenir sur l'avortement, ses convictions profondes ajoutées à l'agitation ecclésiastique pourraient faire pencher la balance au cours de son probable second mandat.
Ainsi, quelle que soit l'issue du second tour des élections présidentielles en Uruguay, il est fort probable que la conservation des progrès amenés par Pepe Mujica soit en soi un objectif et une espérance, la possibilité d'une continuité progressiste relevant elle des promesses électorales dont nous connaissons la valeur.