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Billet de blog 16 décembre 2014

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La crise démocratique et le parti national autoritaire

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a une crise démocratique des pouvoirs publics.

Il semble à peu près acquis à tout le monde qu’il y a a minima une défiance majeure - voire majoritaire – des citoyens envers les pouvoirs publics, fussent-ils locaux. À force de vouloir gouverner au milieu « pour tous les français », d’écouter les sondages, les élus se sont enferrés dans des lignes incompréhensibles d’un point de vue idéologique. Ils ont abandonnés, une fois arrivés au pouvoir nombre de promesses portées par leurs partis politiques. Hollande incarne à ce titre cet État autocentré à force de vouloir contenter tout le monde - et d’abord les puissants. Il est le maître d'oeuvre d'une gestion qui nous apparaît complètement désordonnée, à force de naviguer sans cap.

Il y a une autre imposture : nous ne sommes pas une démocratie. Nous respectons les droits de l’homme, nous avons mis en place une séparation des pouvoirs etc. Mais nous ne sommes pas démocratique, au sens où le peuple n’intervient pas dans la gouvernance, la législation ou le contrôle du pouvoir, ou si peu. Sieyès, rédacteur du serment du Jeu de Paume déclarait lui-même : « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Discours du 7 septembre 1789) (Wikipédia). C’était donc prévu. Et c’est ainsi.

Une imposture historique, qui a apposé un nom à une pratique qu’il ne désignait pas (démocratie pour gouvernement représentatif) et de très nombreuses trahisons ont pour longtemps entamé le lien de confiance entre le citoyen et le pouvoir représentatif. Ce qui fait tenir ce système politique est sans doute le fait que nous sommes encore la 5ème puissance économique du monde, que 50% des revenus sont redistribués, autrement dit que malgré la crise, nous sommes encore dans une situation de « prospérité » relative. Outre les violences symboliques et malgré les inégalités, une grande majorité de citoyens ont un toit, à manger, des soins en cas de nécessité, et l’accès à une éducation pour leurs enfants…

Oui mais les corps intermédiaires peuvent contrebalancer cette défaillance des pouvoirs publics, non ?

Les corps intermédiaires sont « des groupes sociaux et humains, situés entre l’individu et l’État » (Wikipédia). Autrement dit nous pouvons y retrouver, les partis, les syndicats (employeurs et employés), les structures de l’économies sociales et solidaires, etc. Quel est la place des corps intermédiaires dans cette crise démocratique ? Question trop large, mais qui peut être abordée par quelques exemples révélateurs.

Où en sont les syndicats aujourd’hui ? La part des salariés syndiqués tend à se stabiliser à 8%. Le Secrétaire général de la CGT semble se servir dans la caisse… La Cfdt, épaulée par Terra Nova s’est convertie au libéralisme avec zèle. En terme de lisibilité… la aussi, on pourrait faire mieux.

Et les mutuelles, autrefois si proches de leurs adhérents ? 100 000 élus mutualistes sont dénombrés par la Fédération Nationale de la Mutualité Française, classée plutôt à gauche. Ces 100 000 élus arrivent-ils vraiment à freiner la libéralisation de la santé ? Le veulent-ils ? Force est de constater une hyper-segmentation des complémentaires santé – et donc une démutualisation – l’arrivée de sur-cromplémentaire et un puissance de lobbying faible auprès des pouvoirs publics (1 milliard de taxe par Sarkozy sans broncher, un nouveau contrat responsable incitant à l'inflation des dépenses de santé...). De plus les mutuelles ont perdu pour la plupart la proximité à l’adhérent, se concentrant toujours plus en grands groupes du fait de directives européennes imposant des règles de solvabilité très contraignantes.

Les associations ? Un exemple : combien d’associations d’aide et de soins à domicile sont descendues dans la rue depuis plus de 5 ans qu’elles se font maltraitées par l’État ? Par ailleurs, si l’on en reste sur le secteur de l’aide à domicile aux personnes âgées, les associations ne sont pas créées ou gérées par les bénéficiaires des prestations, comme c’est les cas pour les mutuelles ou plus souvent le milieu du handicap, mais par des institutions... Une économie sociale et solidaire qui peut être assez verticale et peu démocratique donc, si l’on regarde de prêt certains grands acteurs.

Resterait la société civile...

La crise démocratique est totale, tant au niveau des pouvoirs publics que des corps intermédiaires. Mais la société civile en est responsable également. A force de se découper en petits morceaux sur Facebook, de se laisser diriger sans broncher par un gouvernement qui se comporte comme une entreprise (construction de la « marque France », véridique), les citoyens semblent se fragmenter, politiquement dilués, comme incapables de s’engager massivement dans un projet qui fasse sens pour tous, pour le bien commun. Un point partout : l’errance politique est partagée et portée par les élus ET les citoyens.

Alors, il y aurait un vrai risque d’autoritarisme dans l’air… ?

En Bulgarie, un parti d’extrême droite (Ataka) s’était monté en 6 mois, juste avant des élections en 2005. Il avait raflé 9% des voix. Une bulgare interrogée expliquait à un français les raisons de ce succès étonnamment rapide auprès de la population bulgare. Bien sûr il y avait le contexte économique, mais aussi une culture politique d'une société civile à peine sortie du rideau de fer, selon elle (en substance)  : « les Français, ont  une culture politique des droits de l’homme. Bien sûr il y a eu de l’autoritarisme dans l’histoire de la France, mais il y  aussi une forte culture de la résistance et de la réflexion politique ». Autrement dit, nous, la société civile française, aujourd’hui, on s’en rendrait compte si en quelque mois, quelques années, un pouvoir autoritaire cherchait à prendre la tête de l’État. On ne s’en laisserait pas compter. On pousserait des cris d’alarme. On s’organiserait.

Pourtant, la monté du parti nationaliste est l’illustration que la société civile est prête à prendre de gros risques… Notre pouvoir représentatif est non démocratique mais nous gardons cette possibilité de sanctionner et de changer une équipe gouvernante ou légiférante à chaque élection, et nous avons d’importantes libertés publiques.

Si la menace se confirme, la société civile, à force d’individualisme (ou de « désindividuation collective »), aura-t-elle la capacité de s’organiser à nouveau pour empêcher une catastrophe politique et humaine ?

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