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Billet de blog 7 février 2025

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La double matérialité menacée : quand le lobbying industriel sape le green deal

Principe clé du Green Deal européen, la double matérialité oblige les entreprises à évaluer leurs impacts environnementaux et sociétaux. Aujourd’hui, sous pression des lobbies industriels, ce mécanisme est menacé. Un recul qui pourrait affaiblir les ambitions écologiques de l’Europe.

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La double matérialité, ce principe fondamental du Green Deal européen, pourrait bien disparaître sous la pression de puissants lobbies industriels. Alors qu’elle incarne un outil clé pour responsabiliser les entreprises face aux enjeux environnementaux et sociaux, son avenir semble aujourd’hui compromis.

Qu’est-ce que la double matérialité ?

La double matérialité impose aux entreprises de rendre compte non seulement de l’impact des enjeux environnementaux et sociaux sur leur performance financière, mais aussi de leurs propres impacts sur l’environnement et la société. Ce double regard permet de créer un devoir de vigilance efficace, d’élaborer des taxes carbone pertinentes et d’ancrer la transition écologique dans la réalité économique.

Un principe devenu dérangeant

Depuis plusieurs mois, la double matérialité est dans le collimateur des lobbies industriels. En première ligne de cette offensive : la Fondation IFRS et l’International Sustainability Standards Board (ISSB), dirigé par Emmanuel Faber, ancien PDG de Danone. Ces institutions, financées par de grands pollueurs européens, cherchent à affaiblir, voire à supprimer ce principe trop contraignant pour leurs intérêts.

Une pression qui s’intensifie à Bruxelles

La situation a pris un tournant critique cette semaine, alors que la Commission européenne organisait une table ronde à huis clos pour poser les bases d’une loi omnibus visant à "simplifier" le Green Deal. Ce projet, surnommé "Omnibus", prévoit de réduire le nombre d’entreprises concernées par les obligations de reporting, de suspendre le devoir de vigilance, de limiter la responsabilité aux seuls fournisseurs directs, et bien entendu, de supprimer la double matérialité.

D’après les informations de Novethic, des acteurs majeurs comme TotalEnergies, ExxonMobil, Volkswagen et Deutsche Bank étaient présents autour de la table. En revanche, les associations environnementales et les experts de la finance durable ont été relégués au second plan, illustrant le déséquilibre flagrant des forces en présence.

Un renoncement aux ambitions européennes

La suppression de la double matérialité ne relèverait pas d’une simple révision technique : ce serait un renoncement aux ambitions environnementales et sociales de l’Union européenne. En alignant ses régulations sur les standards les plus décomplexés du capitalisme financier, l’Europe nierait les impacts environnementaux et sociaux au nom de la performance à court terme.

Pour la France, pionnière des régulations en matière de durabilité grâce à son devoir de vigilance, ce recul affaiblirait un modèle jusque-là salué pour son avant-gardisme. Le Green Deal, pilier de la transition écologique européenne, est aujourd’hui en danger.

Comprendre les enjeux

Pour mesurer l’ampleur des forces à l’œuvre et comprendre les conséquences d’une telle décision, lisez l’excellent article de Clément Fournier sur Novethic. Cette lecture est essentielle pour saisir les enjeux d’une bataille qui nous concerne tous.

La double matérialité est plus qu’un outil technique : elle est le symbole d’une Europe soucieuse de concilier économie et responsabilité sociétale. Sa disparition marquerait un recul historique dans la lutte contre le changement climatique et pour la justice sociale.

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