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Billet de blog 13 septembre 2024

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La grande offensive de la grande distribution

Les géants de la distribution, E.Leclerc et Intermarché, renforcent la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) et demandent à être reçus par le Premier ministre Michel Barnier. Cette « union sacrée » vise à peser sur la révision d’Égalim 4, cadre juridique crucial pour le secteur. La puissance de la FCD, dotée de moyens considérables, soulève des questions d'équité entre lobbies.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’« Union sacrée » des géants de la distribution française refait parler d’elle. E.Leclerc et Intermarché, deux poids lourds du secteur, ont rejoint en mars dernier la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), après 16 ans d'absence. Cet événement a marqué un tournant dans l’histoire de la distribution en France, renforçant ainsi la puissance d'un lobby déjà influent. Aujourd'hui, cette fédération demande à être reçue par le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, et cette démarche soulève plusieurs questions.

Le renforcement d’un lobby historique

Le 5 mars dernier, l’adhésion de ces deux géants à la FCD a permis à la fédération de renforcer son poids sur la scène nationale. En regroupant les grandes enseignes, la FCD s’est donné les moyens de peser davantage dans les discussions économiques et législatives en France. Depuis cette « union sacrée », le lobby des grandes surfaces a multiplié les actions pour faire entendre sa voix.

L’objectif est clair : profiter du renouvellement du gouvernement pour imposer ses recommandations sur des sujets majeurs pour le secteur. Et cela n'a rien de surprenant. Traditionnellement, un changement de gouvernement, comme celui qui vient de porter Michel Barnier à Matignon, crée une opportunité pour les groupes d'intérêts de repositionner leur influence. La FCD ne déroge pas à cette règle. Mais ce qui distingue cette fédération, c’est l'ampleur des moyens financiers et humains dont elle dispose.

Un budget colossal, des moyens considérables

Avec plus d’un million d’euros de budget annuel et près de dix représentants à temps plein, la FCD bénéficie de ressources que peu d'autres groupes d’intérêts peuvent se permettre. Ce déséquilibre en matière de moyens soulève un problème d’égalité entre les lobbys. Si chaque secteur cherche à promouvoir ses intérêts, la FCD, elle, dispose de leviers bien plus puissants que d’autres organisations, souvent plus modestes.
Voir la fiche HATVP de la FCD

Thierry Cotillard, président du Groupement Les Mousquetaires, l’a rappelé lors de son passage sur France Inter il y a quelques jours : la FCD souhaite être reçue par Michel Barnier. Une demande qui semble anodine, mais qui revêt un enjeu majeur : le cadre juridique d’Égalim 4, la législation encadrant les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs. Les discussions autour de ce texte ont déjà débuté avec l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) et la FNSEA, et la FCD entend bien peser sur le contenu des futures réglementations.
Revoir l'interview de Thierry Cotillard

Une influence grandissante

Le timing est loin d’être anodin. La rentrée a marqué une intensification des efforts de communication de la FCD, et les médias sont en première ligne de cette stratégie.

Mais derrière cette stratégie bien huilée se cache un risque de distorsion de concurrence entre les différents acteurs du lobbying en France. Alors que la FCD déploie des moyens considérables, d’autres organisations, avec des ressources bien plus limitées, peinent à se faire entendre. L’équilibre des forces en présence pourrait ainsi être mis à mal, au détriment des petites structures.

L’enjeu d’Égalim 4 : une bataille déterminante

Au cœur de cette bataille, la révision du cadre juridique d’Égalim 4 cristallise les tensions. Ce texte, visant à réguler les relations commerciales entre la grande distribution et les producteurs, représentés par la FNSEA,  est un enjeu crucial pour les acteurs du secteur. La FCD entend bien peser sur les discussions pour obtenir des conditions favorables à ses membres.

Les géants de la distribution semblent aujourd’hui imposer leur vision. Mais les autres acteurs, qu’il s’agisse de producteurs ou de petites structures, risquent de subir cette domination sans avoir les moyens de riposter efficacement.

En demandant à être reçue par le Premier ministre, la FCD marque clairement son intention d’être un acteur incontournable des futures décisions politiques et économiques. Mais cette « union sacrée » des grands commerçants pose aussi une question plus large : celle de l’équité entre les différents groupes d’intérêts dans un secteur où les moyens financiers deviennent le principal levier de l’influence.

Dans les mois à venir, la réponse de Michel Barnier à cette demande pourrait bien être déterminante pour l’avenir des négociations autour d’Égalim 4, et plus largement, pour l'équilibre du pouvoir entre les géants de la distribution et les autres acteurs de la chaîne économique.
Jordan Allouche

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