Alors que la cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation (CIN-5) pour un traité mondial sur la pollution plastique se tient à Busan, en Corée du Sud, le processus semble une fois encore miné par des déséquilibres criants. Entre la surreprésentation des lobbies industriels et l’exclusion de nombreux observateurs issus de la société civile, les principes de transparence et d’inclusion sont remis en question.
Une omniprésence des lobbies industriels
Lors de la précédente session à Ottawa (CIN-4, avril 2024), 196 lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles et de la chimie étaient présents. Leur nombre dépassait celui des scientifiques indépendants (58) ou des représentants des peuples autochtones (28), mettant en lumière une influence déséquilibrée.
Ces lobbyistes, souvent intégrés dans les délégations nationales, continuent d’exercer une pression considérable sur les négociations. Leur objectif ? Maintenir un statu quo favorable à leurs intérêts économiques. Avec 99 % des plastiques dérivés des énergies fossiles, les enjeux économiques sont colossaux pour ces industries, qui font tout pour éviter des régulations strictes sur la production de plastique.
À Busan, bien que des chiffres précis sur leur présence n’aient pas encore été communiqués, les inquiétudes restent vives. « Ces lobbies utilisent des tactiques bien rodées pour freiner les avancées », explique un observateur sur place.
Une société civile marginalisée
Mais à Busan, l’exclusion ne se limite pas à un jeu d’influence en coulisses. Les organisations de la société civile, les scientifiques indépendants et les représentants des peuples autochtones font face à des obstacles matériels. Selon un communiqué publié par une coalition de plus de 200 ONG et détenteurs de droits le 26 novembre, certaines salles de réunion du centre de conférences Bexco sont tout simplement trop petites pour accueillir les observateurs.
« Les salles prévues peuvent accueillir un maximum de 60 observateurs, soit moins de 3 % des participants inscrits », déplore la coalition, qui pointe une atteinte aux principes de participation la plus large, pourtant promus par les Nations unies.
Des observateurs rapportent avoir trouvé des portes closes, faute de place, ou avoir dû arriver une heure avant les sessions pour espérer y assister. Une situation qui contraste avec la session d’Ottawa, où l’organisation avait permis à chacun de trouver une place.
Des enjeux colossaux, un processus biaisé
Ces restrictions d’accès et la présence des lobbies ne sont pas sans conséquence sur le contenu des négociations. « Si les discussions restent dominées par des intérêts industriels, le traité risque de se concentrer sur des mesures superficielles comme la gestion des déchets, au lieu de s’attaquer au cœur du problème : la production de plastique », alerte un représentant d’une ONG.
La marginalisation des voix critiques, qu’elles viennent des peuples autochtones, des pays du Sud ou des scientifiques, affaiblit le processus. Ces groupes, directement impactés par la pollution plastique, peinent à faire entendre leurs propositions pour un traité ambitieux et contraignant.
Vers une action internationale ?
Alors que la planète fait face à une triple crise – climat, biodiversité, pollution – les négociations de Busan représentent une opportunité historique de freiner l’augmentation de la production plastique. Mais cette opportunité risque d’être gâchée si les États membres de l’ONU ne prennent pas des mesures pour assurer des négociations équitables.
« Laisser les lobbies écrire les règles du jeu, c’est condamner l’avenir », conclut un observateur. La transparence et l’inclusion, souvent citées comme principes fondamentaux des Nations unies, doivent être réaffirmées si l’on veut espérer un traité capable de répondre aux défis environnementaux et sanitaires du XXIe siècle.
Les regards se tournent désormais vers les négociateurs, dont les décisions auront des conséquences pour des générations.