Jordan Pouille (avatar)

Jordan Pouille

Journaliste reporter

Pigiste Mediapart

206 Billets

4 Éditions

Billet de blog 2 juillet 2012

Jordan Pouille (avatar)

Jordan Pouille

Journaliste reporter

Pigiste Mediapart

A Hong Kong, un modèle menacé?

A en croire la télévision chinoise, 400.000 HongKongais sont descendus dans la rue pour profiter du feu d'artifices, tiré hier pour les 15 ans de la rétrocession de cette ancienne colonie britannique. Vraiment?

Jordan Pouille (avatar)

Jordan Pouille

Journaliste reporter

Pigiste Mediapart

A en croire la télévision chinoise, 400.000 HongKongais sont descendus dans la rue pour profiter du feu d'artifices, tiré hier pour les 15 ans de la rétrocession de cette ancienne colonie britannique. Vraiment?

En 1997, quand la Grande Bretagne remettait les clés d'HK à la République Populaire de Chine, c'était la liesse populaire. En 2012, les gens ont copieusement sifflé le président chinois Hu Jintao lors sa visite officielle de 3 jours. Celui-ci est venu introniser le nouveau chef de l'exécutif par une cérémonie soporifique en mandarin, et non en cantonnais, la langue locale. Des dizaines de milliers d'habitants sont venus protester dans la rue: une marche pacifique, encadrée par la police, pour revendiquer leur identité, leur différence, leur autonomie vis à vis du "prédateur" pékinois. "Victoria Bay et Causeway Bay sont noirs de monde" me disait un Français sur place. Une photo ici

Certes, l'économie locale est tenue par une poignée de familles et la plupart des usines textile du Guangdong, de l'autre côté de la frontière, appartiennent à des Hongkongais peu soucieux des conditions de travail des ouvriers chinois. Mais les habitants, chez eux, sont férocement attachés aux libertés individuelles, à la protection de leur langue, de leur démocratie (ils se battent encore pour obtenir le suffrage universel), de leur droit de manifester et se méfient de toutes les bonnes intentions de Pékin. Ils reprochent notamment aux Chinois du continent d'avoir fait grimper le prix de l'immobilier, beaucoup d'officiels réfugiant leurs capitaux sur place. Sous des noms d'emprunt, la famille de Xi Jinping possède des appartements luxueux et des entreprises enregistrées à Hong Kong, selon une enquête extrêmement fouillée de Bloomberg. Le lien vers le papier, en anglais, est bloqué ici en Chine populaire.

Une presse menacée

Ces derniers jours, le journaliste aux multiples récompenses Paul Mooney, se voyait après 22 ans de collaborations avec le South China Morning Post, remercié par le nouveau directeur de la rédaction Wang Xianwei, natif du continent et membre de la Conférence Consultative Populaire du Parti Communiste. Pour lui, le South China Morning Post a atteint un point de non-retour: il est devenu aussi docile que le Wen Wei Po, le Ta Kung Pao ou le China Daily, quotidien anglophone de propaganda contrôlé par le Parti, où Wang Xianwei a démarré sa carrière. Le SCMP avait trappé un papier sur le suicide plus que suspect de Li Wangyang, un dissident qui sortait de 22 ans de prison. Interrogé par un rédacteur du journal sur ce qui s'apparente à une forte autocensure, Wang Xianwei avait répondu: "Je n'ai pas à t'expliquer quoi que ce soit. J'ai pris la décision et je m'y tiens. Si tu n'es pas d'accord, tu sais ce qu'il te reste à faire". Une pétition a circulé, signée par 30 journalistes de la rédaction. 79% des journalistes hongkongais considèrent que l'autocensure de leurs journaux a augmenté depuis 2005.  Pour l'anecdote, 12h après ce qui s'apparente à l'une des plus grandes marches de protestation à Hong Kong, le site du South China Morning Post a relaté l'évènement, par une dépêche d'agence.

Les Hong Kongais croient-ils encore à la formule "Un pays, 2 systèmes", garante de leur indépendance ?