Dimanche soir, des milliers de manifestants jouaient des coudes avec la police, dans une province à l'Ouest de la Chine: le Xinjiang. Les violences ont commencé à Urumqi, la capitale de province, avant de s'étendre à Kashgar, la deuxième grande ville. Selon l'agence officielle Xinhua et la CCTV (video du jt de lundi midi), les Ouighours, de confession musulmane, s'en sont pris sauvagement à leurs compatriotes Han (majoritaires en Chine mais minoritaires au Xinjiang) et les forces de l'ordre viennent se sont interposées, séveremment. Même scénario que celui présenté lors des violences au Tibet en mars 2008. Les deux régions sont voisines.
Dilxat Raxit, porte-parole du Congrès Mondial des Ouighours que le gouvernement accuse d'avoir fomenté l'évènement, parle d'une police qui tire au fusil d'assaut sur les manifestants à mesure qu'ils s'approchent des batiments du gouvernement local. Le bilan total est édifiant. Il serait, pour l'instant, de 156 morts et 830 blessés d'après Xinhua, l'agence officielle. Difficile de dire qui a tué qui: les photos publiées sur les médias chinois montrent des dizaines de passants par terre, la gorge tranchée.
http://www.uyghurcongress.org/En/home.asp
Le Congrès Mondial des Ouighours a son QG à Munich en Allemagne. Il réclame l'indépendance du Xinjiang qu'il considère comme étant le Turkistan de l'Est sous contrôle militaire depuis 1949. La semaine dernière déjà, des rassemblements de soutien aux Ouighours étaient organisés devant l'ambassade de Chine en Allemagne et d'autres pays en Europe.
Depuis un an, les tensions se multiplient entre la communauté Han majoritaire en Chine et cette minorité ethnique. A l'approche des jeux olympiques de Pékin l'été dernier, les autorités centrales avaient redoublé de vigilance à l'égard des Ouighours et fermé des lieux de rassemblements ordinaires comme des mosquées ou des marchés. A présent, pour éviter toute possibilité de se rassembler, les réseaux de téléphonie mobiles et internet ont été coupés dans plusieurs ville de la province.
Cette fois-ci, il semble qu'un fait divers soit à l'origine du mouvement d'Urumqi, qui a rapidement dégénéré. La communauté Ouighoure réclame toute la lumière sur la mort de deux ouvriers Ouighours dans une usine de jouets de la province de Canton, le 26 juin. Accusés de viols par leurs collègues Han - la rumeur s'est avérée fausse-, ils ont été battus à mort lors d'une bagarre générale.
Actuellement, la télévision chinoise diffuse sans retenue des images de voitures renversées ou des foules jetant des pierres sur la police. Aucune image en revanche de la repression policière mais seulement leur présence massive.
Dans une interview à l'Express.fr, Jean Luc Domenach, directeur de recherche au CERI et auteur de La Chine m'inquiète: "Je suis intimement persuadé que les dirigeants du Parti trouvent leur compte dans cette agitation. Avec un communisme en perte de vitesse, le nationalisme est un argument fédérateur. Ainsi, ils n'auront aucun mal à justifier la fermeture des frontières, le blackout médiatique et la sauvagerie à bureaux fermés qui attend la communauté ouïghoure".
Et de s'attirer une salve de commentaires virulents d'internautes anonymes décrivant ces ouighours comme des terroristes islamistes.
Plus d'informations sur ce lien:
http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/china/5760388/China-vows-to-crush-unrest-in-Xinjiang.html
Le correspondant du Daily Telegraph en Chine, Peter Foster, est actuellement sur place.
Dans la vidéo de la chaîne d'Etat CCTV9 diffusée ici et datée de lundi midi, les nombreux témoignages d'habitants Ouighours sélectionnés s'alignaient sur la propagande pékinoise. Tous réclamaient le rétablissement rapide de la stabilité, de "la société harmonieuse". Le reportage s'achève par un rappel de toutes les attaques terroristes ouighoures déjouées par les autorités chinoises.
Chef du Congrès Mondial Ouighour, Rebiya Kadeer propose à la télévision britannique Channel 4 une version diamétralement opposée de ces violences. Elle affirme que la manifestation était pacifiste et que 10 000 policiers chinois ont été déployés immédiatement, s'en prenant parfois à des Han pour semer la confusion.
Pour l'anecdote, force est de constater qu'en dehors de leur province, les Ouighours ne jouissent pas d'une popularité éblouissante. En goguette sur Nanjing Lu à Shanghai ou dans le hutong Nanguanfang des bars et boites de Pékin, il n'est pas rare de tomber sur un Ouighour soucieux de revendre sa marijuana. Triste réalité qui vient renforcer tous les clichés dont ils souffrent en Chine.