Officiellement rebuté par la censure et les attaques pirates, Google menace de retirer ses billes du marché chinois... pas tout à fait car Google conservera toutes ses juteuses parts dans des sites concurrents! Qu'importe pour les dizaines de jeunes rassemblés ce soir, devant le siège de Google à Pékin. Ils sont venus déposer des bougies, des poèmes ou des fleurs. Comme Lili, 22 ans, pas dissidente pour un sou mais de plus en plus courroucée.
Lili* est arrivée discrètement tenant sa copine par la main... avec un bouquet de fleurs recouvert de papier violet dans l'autre. Haute comme trois pommes, elle a attendu, derrière d'autres étudiants occupés à photographier et twitter le sigle google avec leur téléphone portable. Ils sont une trentaine réunis ce soir au pied du siège de l'entreprise, dans le quartier étudiant de Wudaoku, à deux pas de Peking University. Avec les bougies, les petits mots tendres, les paquets de cigarettes, les gerbes de fleurs et la ferveur des personnes rassemblées, on pense forcément à des funérailles chinoises. Pas de policiers en uniforme pour jouer les trouble-fêtes, mais deux cadres étrangers sortant des bureaux Google. Poursuivis par une caméra de télévision étrangère, ils n'auront pas le loisir de regarder les petits mots de soutien déposés devant leur immeuble, une carcasse de verre et d'acier que l'on distingue des autres par le sigle lumineux Google au sommet.

(photo Laowai)
C'est le moment qu'a choisi Lili pour s'avancer et déposer délicatement son bouquet sur la "stèle" Google . Les flash ont crépité. Lili s'est éloignée, en silence, comme elle est arrivée, le visage caché par une capuche et une grosse écharpe. "Vous savez, je ne suis pas une dissidente" préfère-t-elle préciser à ceux qui viennent recueillir son témoignage.
Etudiante en master de sociologie, elle travaille à mi-temps pour une ong qui protège les droits des homosexuels. Plutôt "Geek", elle utilise des proxys pour surfer librement sur la Toile. "Je viens du Xinjiang où internet est bloqué depuis plus de six mois après les émeutes". "C'est là que j'ai commencé à déplorer le rôle des médias officiels. Ils avaient le monopole de l'information et n'ont pas toujours décrit la réalité".
Depuis que Lili est étudiante à Pékin, elle a appris à se servir d'outils devenus vite indispensables comme Google Reader, Facebook ou Youtube. "RenRen est une contrefaçon de Facebook, Baidu est un mauvais moteur de recherche. Chaque mot sensible ou coquin y est systématiquement effacé".

(photo Laowai)
Mais la menace faite par Google de quitter le navire chinois n'est pas perçue comme une mauvaise nouvelle. "Pour la première fois, une grosse boite étrangère implantée ici, a prouvé qu'elle avait, comment dire.... des couilles". Elle conclue: "Aujourd'hui, même MacDonald me semble amical. Alors ce soir, avec les copains, on fêtera ça autour d'un bon big mac!"
* nom d'emprunt.